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chap. 6e.
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DES LABOURS.

niveau. — Il y a des billons simples composés de deux traits de charrue seulement, c’est-à-dire d’environ 2 pi. (66 c. m.) de large ; — il y en a de quatre, de huit, de dix traits ; — il y en a aussi de vingt et même de trente, qui acquièrent par conséquent de 6 à 10 mètres de largeur.

Les billons doubles (fig. 192) sont subdivisés en trois ou quatre billons plus petits, séparés par des rigoles moins profondes que les deux principales, et creusées à des niveaux différents sur la double pente du grand billon. — Cette disposition est peu ordinaire.

De même qu’il y a des billons de toutes les largeurs, entre deux tiers de mètre jusqu’à 15 mètres et plus, il y en a aussi de toutes les hauteurs, entre ceux qui se confondent presqu’avec les planches, et ceux qui s’élèvent au-delà de 3 à 4 pi. ( 1 m. à 1 m. 325).

Avantages et inconvénients du billonnage. — On a beaucoup dit pour et contre la pratique du billonnage. Les uns trouvent qu’au moyen de billons bien faits on fournit aux plantes une couche labourable plus épaisse, qui contribue efficacement à leur belle végétation, qui les fait jouir, même sur les fonds les moins riches en terre végétale, des avantages des labours profonds, et qui permet (résultat incalculable dans l’état actuel de notre agriculture) d’introduire sur ces terrains peu privilégiés les récoltes de racines sarclées ; — que sur les ados, l’humidité n’est jamais trop grande, quoique la sécheresse soit rarement redoutable, parce que la terre meuble du dessous conserve et communique pendant longtemps sa fraîcheur jusqu’aux racines ; — que cette disposition du sol, procurant aux cultures tout-à-la-fois plus d’air et de lumière, favorise la formation du grain dans les épis et la maturation ; — que, dans les temps de pluie, l’eau dont les plantes sont surchargées est plus promptement essuyée ; — que ces plantes courent moins le risque de verser ; — enfin, que le sarclage est plus facile.

D’un autre côté, on répond : que si les billons sont larges et fort relevés, la meilleure terre se trouve inutilement amassée dans le milieu, et peu-à-peu mise hors d’action par la profondeur à laquelle elle est enfouie ; — qu’à la vérité, dans les climats humides, la sommité des ados se trouve a l’abri des infiltrations, mais que les bas-côtés y sont d’autant plus exposés que l’eau, par une cause ou une autre, s’accumule presque toujours, au moins par places, dans les rigoles, et qu’il est le plus souvent impossible de faire des saignées dans le sens des diverses pentes du terrain ; — que, dans les temps de sécheresse, lorsqu’il survient une pluie d’orage, au lieu de pénétrer dans la croûte durcie qui forme la surface du sol, elle ne fait que glisser à sa superficie, de sorte que quelquefois les rigoles sont insuffisantes pour contenir l’eau qui s’y est jetée, tandis que l’ados se trouve presque aussi sec qu’auparavant ; — que, lorsque les billons sont dirigés de l’est à l’ouest, les récoltes sont ordinairement moins belles et toujours beaucoup plus retardées dans leur végétation du côté du nord que de celui du midi ; — que, dans les terres sujettes au déchaussement, le billonnage augmente encore cette fâcheuse disposition ; — enfin, que, non seulement avec de hauts billons les labours et surtout les hersages sont plus difficiles, mais que les labours qui sont parfois si utiles pour les terres fortes, sont impraticables. — Si les billons sont étroits, tout en conservant une grande élévation, l’endossement demande beaucoup de temps et exige une grande force de tirage ; il n’est pas plus aisé de refendre ; l’ensemencement est irrégulier, et les travaux de la récolte se font avec encore moins de facilité. — La multiplicité des raies occasionne une perte notable de terrain. — Quant aux billons très étroits composés d’un petit nombre de traits de charrue, et dont l’usage se lie nécessairement à celui des semis sous raie, ils sont accompagnés, dit M. Mathieu de Dombasle, d’un si grave inconvénient qu’ils devraient être proscrits comme méthode générale de culture. Cet inconvénient, senti de tous les praticiens, consiste à forcer le cultivateur à labourer, à l’époque même des semailles, toute la sole qu’il veut ensemencer, ce qui exige un espace de temps considérable pendant lequel la saison n’est pas toujours favorable ; tandis qu’en donnant à l’avance le labour de semaille, on a la faculté de choisir le temps le plus convenable pour répandre la semence et pour l’enterrer à la herse ou à l’extirpateur.

Si donc les billons ont parfois des avantages incontestables, le labour à plat ou en planches doit être préféré dans la plupart des cas. — Je trouve qu’il y a peu d’objections raisonnables à faire au passage suivant que j’extrais littéralement de Thaer : « L’écoulement des eaux que dans bien des lieux on cherche à procurer surtout par le moyen des rigoles qui séparent les billons, s’obtient toujours d’une manière plus parfaite au moyen des raies que, sur le champ labouré à plat, on trace d’abord après avoir accompli la semaille, et auxquelles on donne la tendance la plus directe et la plus propre à l’écoulement de ces eaux, ce qui n’a pas toujours lieu pour les rigoles des billons. Ces raies d’écoulement peuvent être multipliées dans les lieux où elles sont nécessaires, et l’on en fait abstraction dans ceux où elles ne seraient pas utiles. Les sols labourés à plat conservent une égale répartition de leur terre végétale sur toute leur superficie, tandis que ceux labourés en billons en sont privés dans des places pour l’avoir en surabondance dans d’autres. Ces premiers conservent sur toute leur étendue une même épaisseur de terre remuée ; ils favorisent une répartition plus égale du fumier qui, sur les terrains labourés en billons étroits, a de la disposition à s’amasser dans les ri-