Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/246

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éloignés qu’ils manqueront d’air et ne pourront végéter, et que la végétation de ceux qui sont dans des conditions favorables sera très limitée dans les bandes qui partagent le sol. Aussitôt que les tiges de chiendent qui ont résisté à ce premier labour se hasarderont à pousser leurs premières feuilles, on profitera d’un moment de sécheresse pour donner un hersage énergique, et, immédiatement après, un labour. Le hersage a pour but de confondre les tranches du labour précédent, afin que ces tranches soient coupées par le second coup de charrue : c’est une des conditions du succès, et, pour être assuré de ne pas manquer le but, on aura l’attention de ne prendre que des raies d’une très-petite largeur. On laisse ainsi de nouveau le sol sans le herser. Il est rare que ces deux labours suffisent pour détruire le chiendent ; quelquefois il en faut 5, 6 ou même davantage. La perfection consiste à mettre une partie des racines à l’air pour les priver d’humidité, et d’enfouir l’autre à une profondeur telle qu’elle ne puisse végéter. Quel que soit le nombre des cultures, il est indispensable de se rappeler qu’il faut herser avant chaque labour, et que celui-ci doit être fait par un temps sec en coupant les tranches précédentes dans leur milieu et dans le sens de leur longueur. Cette jachère est coûteuse, mais la décomposition du chiendent, l’amélioration du sol compenseront bien largement les frais d’une pareille culture.

L'avoine à chapelets (Avena precatoria) est au sol argileux et schisteux, ce que le chiendent est aux terrains siliceux. Je me suis assuré à l’établissement de Coëtbo qu’on peut la détruire par le moyen suivant. On donne un labour aussi profond qu’il est nécessaire pour que toutes les souches de tubercules soient remuées et retournées ; on donne un coup d’extirpateur pour ramener tous les nids à la superficie. Si l’on en restait là, les tubercules reprendraient bientôt une nouvelle vie parce que la terre qui adhère à leur surface leur permettrait de végéter. C’est à enlever cette terre qu’il faut tourner toute son attention. Aussitôt que la sécheresse a rendu le sol meuble et friable, on fait passer plusieurs fois de suite le rouleau suivi d’une herse à dents rapprochées : la terre qui adhérait aux tubercules tombe à la suite des secousses multipliées que reçoivent ceux-ci, et on peut être assuré de leur destruction si la sécheresse dure encore quelques jours après l’opération. N’ayant pu faire cet essai qu’une seule fois, et pendant un espace de temps trop court, je n’oserais garantir le succès dans tous les cas ; je rends compte des résultats que j’ai obtenus et des moyens qui les ont amenés.

On emploie encore la charrue ou la jachère pour détruire quelques autres herbes, telles que la Moutarde des champs ou Sanve (Sinapis arvensis), le Raifort sauvage (Raphanus raphanistrum) ; mais ces plantes peuvent être détruites par les menues cultures et par les sarclages ordinaires.

Il y a dans les céréales venues en terres marneuses et argileuses des plantes qu’il n’est guère possible de détruire par des sarclages. Ce sont celles qui se propagent au moyen de tubercules non pas agglomérés, comme dans l’Avoine à chapelets, mais isolés. C’est surtout la Terre-noix (Bunium bulbocastanum), l'Orobe tubéreux (Orobus tuberosus), et, pour tous les sols, dans certaines rotations, les souches de Topinambour (Helianthus tuberosus). Lorsqu’on a une pièce infestée de ces différentes plantes, on se trouvera bien d’y faire passer un troupeau de porcs à plusieurs reprises.

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Art. ii.De l’esseiglage.

L’opération qu’on nomme esseiglage a beaucoup de rapports avec le sujet qui nous occupe. Dans les pays où l’on fait beaucoup de méteil, il est rare que dans le blé qu’on veut avoir pur, il ne se trouve quelques épis de seigle. Quelque temps après la floraison, lorsqu’on peut bien distinguer les deux espèces de céréales, on retranche tous les épis de seigle, soit à la main, soit en abattant les têtes avec un bâton.

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Art. iii.Du sarclage proprement dit et de l’échardonnage.

Le sarclage appliqué aux plantes binées peut être considéré sous deux points de vue : comme préparation du binage, et comme son complément.

Dans le premier cas, on l’emploie pour les récoltes qui se trouvent subitement envahies par une foule de mauvaises herbes, avant que les bonnes plantes soient en état de supporter les secousses des cultures. Les sarcleurs prendront alors toutes les précautions pour ne point fouler les plantes avec les pieds, et pour ne point en déchausser ou mettre à nu les racines tendres et délicates. Comme la récolte est faible et que la moindre négligence lui est préjudiciable dans sa première enfance, il est important d’exiger que les sarcleuses ne jettent point les herbages sarclés sur la véritable récolte qui en serait étouffée ; ces sortes de sarclages ont lieu surtout pour les pavots, les carottes et la gaude.

Quand le sarclage vient comme auxiliaire ou complément du binage, on ne doit plus craindre d’arracher les végétaux avec force, parce qu’on remue ainsi la terre, et que cet ameublissement est utile à la récolte. Un objet sur lequel il faut veiller avec sévérité, c’est d’arracher les végétaux parasites avant qu’ils soient en fleurs, à plus forte raison en graines. Il est beaucoup de plantes qui sont encore vertes, même lorsque leurs semences sont mûres ; telles sont les Ansésines (Chenopodium) et les Mercuriales (Mercurialis), dont les fleurs sont très-peu apparentes. Ces deux plantes sont le fléau des terrains riches en humus. On peut placer dans la même catégorie le Mouron des oiseaux (Alsine media). Cette dernière plante pousse de si bonne heure, est quelquefois tellement abondante, qu’elle ôte tout espoir de succès si on ne l’arrache promptement, et si on n’en emporte les tiges loin du champ.

L’échardonnage des céréales est une opération indispensable. Le Chardon y est ordinairement assez abondant ; il ne faut pas se contenter d’en couper la tige ; cette plante a des racines très-vivaces et qui pénètrent sou-