Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tionner à la nature du sol, à l’espèce de ses produits, à la température du climat et surtout les donner en temps opportun.

Quelque peu considérable que puisse être la déperdition de principes que la végétation annuelle occasione aux prairies, elle n’en est pas moins réelle, et on a constamment observé que leurs produits diminuaient progressivement lorsque leur fertilité n’était pas entretenue par des engrais ; et, sans spécifier tel ou tel engrais, je me contente de répéter, avec Cretté de Palluel, que tous les engrais sont bons pour augmenter la fertilité des prairies ; le meilleur pour chaque localité est celui qui est le plus économique.

On ne peut assigner aucune époque précise pour les irrigations d’eaux troubles, parce que les débordemens des rivières et des ruisseaux varient selon les localités. Pendant la végétation il faut bien se garder d’arroser les prairies avec des eaux troubles, parce que les produits rouilleraient, ce qui n’arrive que trop dans les inondations naturelles.

En irrigation on n’est pas toujours maître de mesurer le volume d’eau, soit trouble, soit limpide ; mais si l’on a à sa disposition des eaux abondantes, il faut qu’elles soient appropriées non seulement à la nature du sol, à l’espèce de ses produits, à la température du climat, mais encore en considération de la pente du terrain. Ainsi, dans les pentes rapides il faut ménager les eaux, empêcher les ravins qu’elles y formeraient si leur volume était trop considérable, adoucir les pentes, les retenir dans des rigoles en zigzag et les multiplier autant que le demande la rapidité du courant.

En plaine, on peut arroser à plus grande eau, pourvu que le sol soit perméable et profond. Ainsi les travaux d’art pour les irrigations consistent à pouvoir à volonté arroser tous les points d’une prairie en temps et saisons convenables, soit avec des eaux troubles, soit avec des eaux limpides, et à vous préserver des dommages lorsqu’elles viennent à déborder ; en un mot, à se rendre maître absolu des eaux.

Thaer donne pour règle générale du moment ou il convient de faire l’arrosement, tant par inondation que par infiltration, de ne pas introduire l’eau pendant la partie chaude du jour, mais le soir ou le matin de bonne heure. Sans cette attention l’arrosement pourrait être facilement nuisible. Après une gelée blanche ou une température froide, l’arrosement est avantageux, il répare le mal que le froid fait à l’herbe. Lors des dégels, il faut veiller à ce que les écluses s’ouvrent promptement pour donner issue aux eaux, de crainte des déchiremens et des dégradations.

L’herbe d’une prairie soumise à l’irrigation doit toujours être maintenue ferme et fraîche par le moyen de l’eau ; car, si on la laissait une seule fois flétrir, des plantes accoutumées à l’humidité en souffriraient plus que les autres, la végétation en serait interrompue, et elles ne se remettraient que très-difficilement. Il est très-important pour l’arrosement de rester dans une juste mesure. Aussi les prairies soumises à l’irrigation demandent-elles plus que toutes autres une attention suivie.

L’irrigation, considérée sous différens aspects, peut être regardée aussi bien comme une opération de culture que comme une amélioration permanente du fonds. En conséquence, elle peut être pratiquée quelquefois par le fermier, mais en général, à cause des avances considérables que cette opération nécessite, et des avantages durables qui en sont le résultat, elle doit recevoir des encouragemens et des indemnités extraordinaires de la part du propriétaire.

Dans les environs des villes on peut se livrer avec un grand avantage à l’arrosement au moyen d’engrais liquides. Stephens nous apprend qu’autour d’Edimbourg plus de deux cents arpens de terre sont ainsi arrosés avec les eaux du principal égout, et que, malgré la mauvaise direction donnée généralement à ces prairies, les effets de ces liquides sont surprenans : ils donnent des récoltes de fourrages qu’on ne peut égaler nulle part, permettant de 4 à 6 coupes par année ; ces herbes servent à la nourriture en vert des vaches.

Mobin de Sainte-Colombe.

Section ii. — Des conditions qui permettent l’irrigation.

[9:2:1]

§ ier. — Des cultures pour lesquelles l’irrigation est plus avantageuse.


Si les prairies naturelles non irriguées ont perdu et perdent tous les jours de leur importance a mesure que la culture s’améliore, il n’en est pas de même des prairies naturelles arrosées ; elles constituent toujours et partout les fonds de terre les plus précieux.

L’irrigation est surtout avantageuse aux terrains élevés et dans les climats chauds, où la pluie est rare précisément à l’époque où elle serait le plus nécessaire. C’est là particulièrement où l’homme doit suppléer au manque d’eau atmosphérique, par l’arrosement artificiel. Maître de son eau, l’irrigation la répand sur le sol, lorsque les plantes en ont besoin, tandis que par d’autres dispositions, il en fait écouler la surabondance ; de sorte que les terres arrosées ne peuvent souffrir ni d’un excès d’humidité ni de la sécheresse, et sont réellement indépendantes de l’atmosphère sous ce rapport.

Aucun terrain n’est plus favorable à l’irrigation que la prairie. Aucune récolte n’en retire autant de profit que l’herbe. On n’y éprouve pas, comme dans les terres arables, l’inconvénient de la destruction d’une partie des travaux d’irrigation à chaque culture ; la surface gazonnée permet d’ailleurs, bien mieux que la terre arable, à l’eau de couler et de se répandre également sur toute la superficie. Le tassement excessif du sol qui résulte de l’irrigation dans certaines natures de terres, n’a pas lieu non plus dans les prairies. Enfin, l’expérience nous apprend que l’eau est plus favorable au développement de la tige et des feuilles qu’à celui de la graine, et par conséquent plus favorable à la production des fourrages qu’à celle des grains. Nous savons, en outre, que des arrosemens périodiques conviennent d’une manière toute particulière à la plupart des graminées qui composent le gazon des prairies de là aussi