Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/263

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à leur élévation au-dessus du niveau du terrain ; et cette élévation doit toujours dépasser un peu le niveau connu des plus fortes inondations. On leur donne ordinairement 33 cent. et jusqu’à 1/2 mètre de hauteur de plus que ce niveau, afin que les dignes ne puissent jamais être submergées ; et, pour prévenir les effets des tassemens des terres de remblai, leurs talus extérieurs et intérieurs seront réglés d’après la consistance des terres. Si les terres étaient tellement légères que malgré un grand talus elles ne pussent pas résister à l’action des eaux, il faudrait consolider les digues par les moyens indiqués ci-devant à l’art. Endiguement.

La construction des digues latérales est peu dispendieuse le long des ruisseaux et des petites rivières, le plus souvent une élévation de 65 centim. à 1 mètre suffira pour préserver les prairies riveraines des dommages des inondations.

Mais l’établissement de ces digues présente obstacles à l’écoulement des eaux intérieures de la prairie. Pour éviter leur stagnation préjudiciable, il faut pratiquer, à travers les digues, des passes en maçonnerie par lesquelles ces eaux, rassemblées dans des rigoles destinées à les recueillir, s’écouleront dans la rivière (voy. ci-dessus, la fig. 359, d’une vanne qui peut remplir cette destination) ; et, pour empêcher les eaux de l’inondation de pénétrer par ces mêmes passes dans l’intérieur de la prairie, on les garnira de petites portes nommées en Normandie portes à clapets. (Voy. fig. 82, p.125.)

Section v. — Moyens artificiels de se procurer de l’eau.

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§ ier. — Des réservoirs artificiels.

Lorsque l’on est propriétaire d’une prairie privée de cours d’eau, mais située à l’ouverture d’une vallée dont on possède les pentes, ou lorsqu’on peut s’arranger à l’amiable avec les propriétaires de ces pentes pour construire des rigoles destinées à réunir les eaux pluviales tombant dans leurs parties supérieures, on peut encore se procurer des arrosages par le moyen des réservoirs artificiels. Ces rigoles sont de la construction la moins dispendieuse ; la seule attention qu’il faut avoir en les traçant, c’est de leur procurer une pente assez douce pour que les eaux n’y prennent pas une trop grande vitesse. Nous en avons précédemment déterminé les limites, en traitant du canal de dérivation.

Les eaux pluviales seront dirigées sur la partie la plus élevée de la prairie ; elles y seront réunies dans un réservoir de dimensions proportionnées au volume des eaux à recueillir et à la quantité nécessaire à la prairie que l’on veut arroser. Ce réservoir pourra être construit en terre si les terres sont assez consistantes pour ne permettre aucune infiltration, et la chaussée de retenue sera revêtue intérieurement en pierres sèches comme celles des étangs, sauf les maçonneries de la vanne d’irrigation et des vannes de décharge qui doivent être en ciment. Carena a décrit ce genre de travaux assez usité en Piémont, dans un mémoire spécial imprimé à Turin en 1811 ; il en cite plusieurs exemples. Le plus grand de ces réservoirs est celui de Ternavasio, où l’on réunit les eaux nécessaires à l’arrosement de 57 hectares.

Fig. 364.

En Espagne, on donne le nom de pantanos à ces réservoirs ou grands bassins qu’on forme dans les vallées pour conserver les eaux pluviales et les faire servir aux irrigations des champs. Celui que nous représentons (fig. 364) sert aux irrigations de la Huerta d’Alicante, et a été construit sous le règne de Philippe II ; on a profité de deux collines dont les masses de rochers sont situées au débouché d’une vallée profonde, sinueuse, qui retient les eaux dans une longueur d’une lieue et demie. Le point de séparation où se trouve la digue, est de 6 mètres à la base, et va en s’écartant jusqu’à la partie supérieure de la digue, où elle a 78 mètres. Elle a une forme circulaire bombée du côté des eaux, afin de présenter une plus grande résistance à leur pression. À côté de l’ouverture destinée à l’écoulement des eaux qui servent à l’irrigation, en est une plus grande qui sert à vider le pantano, et le nettoyer de la vase qui s’y accumule, ce qui a lieu environ tous les 15 ans. M. de Lasteyrie, auquel nous devons le dessin et la description de ce bel ouvrage, ajoute que les Espagnols sont redevables de ce genre de construction aux Romains et aux Maures, qui l’avaient trouvé établi de toute antiquité dans les contrées de l’Asie. Les Indiens en pratiquent dont la digne a un quart de lieue, une demi-lieue et même une lieue de long, et qui fournissent l’eau nécessaire aux irrigations des terres cultivées par 50 ou 60 villages. Des terrains couverts de rizières et d’autres produits demeureraient incultes et déserts s’ils n’étaient vivifiés par ces eaux. Les Arabes ne sont pas moins industrieux : ils réunissent les montagnes par des digues en pierres de taille, de 40 à 50 pieds d’élévation, et ils forment ainsi dans les vallées des réservoirs qui fécondent au loin les sols les plus arides.

C’est encore au moyen d’un réservoir de 104 ares de superficie et de 6 mètres de profondeur, que M. Taluyers, que j’ai déjà cité précédemment, a réuni les eaux pluviales et celles de plusieurs petites sources qui se perdaient auparavant sans utilité, et a presque décuplé le revenu d’une propriété de