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liv. ier.
AGRICULTURE : CLIMAT.

La position soit maritime, soit intérieure, influe beaucoup sur le climat d’un pays : la première procure une température plus égale ; la chaleur y est modérée, parce qu’une moins grande étendue de terre est exposée aux rayons du soleil ; le froid y est moins intense, parce que la mer conserve toujours à peu près la même température et ne gèle que dans les régions polaires. Les îles et les côtes jouissent donc d’un climat plus égal, plus tempéré et plus humide que les parties intérieures des continens.

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§ iii. — Du sol et de la constitution géologique.

Que la nature du sol, celle du sous-sol, et même la constitution géologique du pays, observées à une certaine profondeur, influent puissamment sur l’agriculture, c’est ce que personne ne met en doute. Le voisinage des volcans, l’existence des sources minérales chaudes peuvent élever la température intérieure au point de réagir sensiblement à la surface. Les flancs du Vésuve nourrissent aujourd’hui le vin dit Lachryma-Christi, qui a succédé au Falerne.

Les productions de l’agriculture ne seront pas les mêmes sur un fond ayant au-dessous de lui de grands bancs d’argile, retenant des eaux profondes qui s’échapperont au dehors en sources multipliées, et dans un sol reposant sur d’épaisses masses de craie.

Le sol est la terre considérée comme base de la végétation. Ce sujet est si vaste et si important en agriculture qu’il fera l’objet du chapitre suivant. Nous dirons seulement ici que les plaines sablonneuses et sèches, les montagnes schisteuses sont plus précoces, toutes choses égales d’ailleurs, que les plaines argileuses et humides, que les montagnes granitiques.

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§ iv. — De l’exposition.

Si les montagnes jouent un grand rôle dans la géologie, elles influent prodigieusement sur l’agriculture même des pays qui en sont éloignés. C’est d’elles que sortent toutes les rivières ; elles déterminent la direction des vents, et par conséquent la chute des pluies fécondantes ; elles forment de puissans abris qui font varier singulièrement la température des climats, et elles protègent d’une manière efficace les essais de naturalisation.

C’est à la chaîne des Alpes et à ses prolongemens que la plus grande partie de la France, Paris surtout, doit la pluie que lui amène le vent du sud-ouest, et la sécheresse dont le vent du nord la frappe. Dans le bas Languedoc, c’est le vent nord-ouest qui donne les beaux jours.

Plus les montagnes sont élevées et les pluies abondantes, plus la superficie de leurs pentes rapides est exposée à être entrainée par les eaux dans le fond des vallons : de là le danger des défrichemens qu’on y a si inconsidérément pratiqués, et l’urgente nécessité de s’occuper de leur reboisement, seul moyen de parvenir à leur reconsolidation.

« La terre dépouillée dans une très-grande partie de la France des forêts qui la couvraient autrefois, ne présente plus qu’une surface nue que les nuages parcourent sans trouver d’obstacles qui les arrêtent et les résolvent en pluies. Le sol, exposé aux rayons d’un soleil brûlant, en est pénétré à une grande profondeur ; les sources tarissent et les fleuves remplissent à peine le tiers de leur lit pendant l’été. — Enfin les vents n’ayant plus à parcourir ces immenses forêts, sous l’ombrage desquels ils étaient rafraîchis, et où ils s’imprégnaient pendant la belle saison d’une humidité chaude qu’ils répandaient sur les campagnes, n’y portent plus la fraîcheur et la vie ; forcés au contraire de se diriger sur de grandes étendues de terrains brûlés par le soleil, ils s’échauffent et amènent avec eux le hâle et la stérilité. — Considérons ce qu’était l’Amérique septentrionale à l’arrivée des Européens. La terre, couverte d’épaisses forêts dans la plus grande partie de son étendue, n’offrait à ses habitans qu’un séjour de frimas et de glaces pendant la moitié de l’année ; mais les Européens changèrent cet état de choses ; l’écoulement procuré aux eaux stagnantes, et plus encore les grands abattis de bois qu’ils firent près de leurs établissemens, ne tardèrent pas à diminuer l’abondance des pluies, et par conséquent à dessécher le sol et à le rendre moins froid. Maintenant les Américains jouissent des avantages que leur ont procurés leur travail et leur industrie ; mais qu’ils se gardent de passer la ligne de démarcation qui règle la masse de bois qu’il convient de conserver pour avoir toujours la quantité d’eau nécessaire à la fertilité des terres, qu’ils se gardent surtout de toucher à ces grandes forêts qui, par leur position, se trouvent à portée d’arrêter les nuages. — Le mal qui menace la France de stérilité n’est cependant pas sans remède : des lois sages et réfléchies, dont l’exécution serait surveillée avec vigilance, pourraient prévenir ce malheur ; il faudrait qu’elles réglassent l’exploitation des forêts placées sur les montagnes ; qu’elles empêchassent leur dégradation et qu’elles fixassent les plantations à faire dans les lieux où elles sont nécessaires pour arrêter les nuages. La théorie de l’établissement de ces masses de plantations serait aisée à servir : la nature nous l’indique. Presque toute la France est composée de vastes bassins environnés de collines et de montagnes assez hautes ; ces lieux élevés semblent destinés par la nature à se couronner d’arbres, comme les collines à se tapisser de vignes et d’oliviers, et les plaines à se couvrir de moissons. — Ménager ces masses de forêts dans les lieux élevés où il s’en trouve déjà, les augmenter dans ceux où l’on a trop diminué leur étendue, et en former de nouvelles sur les points où elles manquent, c’est à quoi doit se réduire le plan d’amélioration de cette partie importante de l’agriculture. Dans les pays de plaines trop étendues et trop découvertes, il serait avantageux d’employer tous les mauvais terrains et même une partie des médiocres à la plantation des forêts. Mais ces grandes améliorations, auxquelles doit présider un esprit d’ensemble sagement combiné, ne peuvent avoir lieu que par une volonté constante des gouvernemens et d’après des établissemens proportionnés à ces importans objets.» (A. Thouin.)