Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/280

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du succès, et si les nouvelles pratiques ne se répandent pas partout aussi promptement, cela tient surtout à ce qu’elles ne sont pas partout aussi profitablement applicables.

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§ viii. — De l’étendue relative de chaque culture dans une ferme.

Ce n’est pas encore tout de trouver un assolement qui convienne à la terre, au climat et même à la localité ; il faut le coordonner de manière à pouvoir en suivre toute l’année les travaux avec régularité, et ne pas être surchargé dans certains momens et inoccupé dans d’autres. — Il faut aussi que l’étendue relative de chaque sole soit calculée de manière à établir une balance favorable entre les produits de la terre et ceux des animaux qu’elle nourrit et qui doivent la fertiliser. Cette seconde question, plus que la première, a besoin de développemens.

On considère ordinairement chaque ferme comme divisée en deux parties inégales : l’une réservée aux prairies ou autres pâturages naturels, la seconde soumise à un assolement plus ou moins régulier. Cette dernière se subdivise assez souvent en autant de soles seulement que l’assolement compte d’années ; ainsi, dans la rotation triennale avec jachère (fig. 380),

Fig. 380.

le terrain se trouve partagé annuellement par tiers. — Dans la rotation quadriennale (fig.381),

Fig. 381.

on obtient chaque année quatre récoltes, de sorte que plus l’assolement est à long terme, à moins qu’il ne comprenne des plantes vivaces qui occupent le sol plusieurs années de suite, plus les produits annuels sont variés.

Il est pourtant des cas où chaque sole est elle-même subdivisée en plusieurs autres soles portant des récoltes de même nature, mais non identiques. — Ainsi, il peut arriver que l’une des soles de céréales, dans l’assolement quadriennal, se compose d’orge et d’avoine ; — que la sole des plantes sarclées soit cultivée partie en pommes-de-terre et partie en navets ou en betteraves ; que celle des prairies artificielles ne soit pas enfin exclusivement occupée par le trèfle.

Il peut également arriver que tandis qu’on laisse à certaines soles toute leur étendue relative, comme par exemple le tiers des terres assolées régulièrement dans une rotation de trois ans, le quart dans une rotation de quatre ans, et ainsi de suite, on trouve néanmoins convenable d’en partager certaines autres conformément au principe déjà posé de modifier les produits selon les besoins de la consommation et du commerce local, et surtout selon la quantité de fourrages artificiels dont on a besoin. C’est ainsi que les céréales peuvent faire place en partie a quelques autres plantes utilisées dans les arts, telles que le lin, le chanvre, etc. ; que les racines fourragères, comme les pommes-de-terre et les betteraves, peuvent être détournées de leur destination ordinaire, la nourriture des bestiaux, dans le voisinage des féculeries ou des fabriques de sucre ; qu’elles peuvent disparaître presqu’entièrement devant des récoltes également binées et sarclées, mais plus épuisantes et plus productives, comme celles du colza, de l’œillette, etc., dans les localités où les engrais abondent ; enfin que les prairies artificielles, en des circonstances analogues, peuvent être réduites à très-peu de chose. Un exemple rendra ceci plus clair ; je le prendrai chez moi : — La petite ferme de Saint-Hervé, située sur les rives de la Loire, se compose de : six hectares et demi de terres labourables ; — deux hectares de pâture plantée en tétards de frêne et de saule ; — deux hectares et demi de prairies naturelles ; — et un hectare de luisette ou plantation de bordure du fleuve, jardin, verger, bâtimens et cour.

Sur ces douze hectares, 5 1/2 sont donc hors d’assolement ; — 2 1/2 produisent une herbe fauchable, de bonne qualité ; — 2, disposés de manière à ne pouvoir être défrichés sans inconvéniens, à cause des inondations fréquentes du fleuve, servent de pâturages aux vaches laitières ou nourrices et aux élèves destinés à la boucherie ou au marché ; — enfin 6 1/2 sont cultivés par parties inégales en lin, chanvre, céréales, et une très-petite quantité de pommes-de-terre pour les besoins du ménage et l’engraissement des porcs.

Sans aucuns frais de culture, à l’aide de la prairie, de la pâture dont je viens de parler et du brout, ou, en d’autres termes, des feuilles d’orme et de frêne dont il fait dépouiller les arbres, à la fin de l’été et au commencement de l’automne, pour ajouter à la nourriture du bétail, le fermier actuel conserve, selon les années plus ou moins favorables, de six à