Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’assolement quadriennal on n’obtiendrait que 6 récoltes céréales, tandis qu’avec l’autre on en obtient 8, je répondrais, avec la conviction de l’expérience, qu’en portant un tiers seulement de grains en sus par chaque rotation de 4 ans, on doit se trouver presque partout au-dessous de la vérité, et qu’ainsi, sous ce seul rapport, la balance serait au moins égale au bout de 12 ans, tandis qu’on devrait compter, en faveur de l’assolement sans jachère, tous les autres produits.

C’est avec intention que j’ai choisi les deux exemples précédens (voy. fig. 380 et 381). Il fallait, en regard de l’ancienne pratique, prouver qu’on pouvait s’en écarter facilement sans rien changer pour ainsi dire à la production principale, celle à laquelle le fermier tient le plus, parce qu’elle lui représente un capital monétaire, et qu’il ne calcule pas si bien la valeur des denrées qui se consomment dans son exploitation, et qui doivent cependant lui rapporter, sinon aussi directement, au moins aussi sûrement, des produits d’une vente également assurée, tels que le beurre, la laine, le lard, la viande de boucherie, etc.

— La rotation quadriennale offre d’ailleurs un de ces assolemens à court terme qui joint au mérite de pouvoir être adopté dans un très-grand nombre de cas, celui de donner des bénéfices satisfaisans, dès qu’il est bien établi, et de tenir les terres constamment en bon état sans augmenter bien sensiblement les frais de culture. Du reste, cet assolement pourra être modifié selon les lieux, soit en substituant le seigle, l’orge, le froment même à l’avoine, soit en remplaçant les pommes-de-terre par des betteraves, des rutabagas, des navets, des choux, etc., soit enfin en mettant à la place du trèfle, de 8 en 8 ans, un autre fourrage légumineux annuel, si l’on s’aperçoit que sa végétation s’affaiblisse après un certain temps.

A côté des jachères biennales ou triennales, dont l’étendue diminue progressivement sur presque toute la France, il existe d’autres jachères également périodiques ou semi-périodiques qui doivent nous occuper aussi quelques instans. Celles-là surtout sont le résultat de l’insuffisance ou de la difficulté des moyens de culture. — En des contrées peu peuplées, privées de débouchés ; — sur des fermes trop vastes pour le fermier qui les dirige, dans l’impossibilité de cultiver annuellement toutes les terres, on assole seulement les meilleures, et on laisse les autres en jachère pendant un nombre d’années d’autant plus considérable qu’elles sont d’une culture moins productive. Parfois, après quatre ou cinq ans de repos, on rompt le pâturage dont elles se sont couvertes, et on les soumet à une rotation de quelques années seulement, puis on les abandonne de nouveau à elles-mêmes dès que les bons effets de la végétation herbagère et du pâturage des troupeaux cessent de se faire sentir. — D’autres fois, après un écobuage, on leur demande deux ou trois récoltes successives de pommes-de-terre, et de céréales ou de sarrasin, qui paient tant bien que mal les frais de culture. Certes une telle pratique ne peut être recommandée d’une manière générale, mais il est telles circonstances où l’on ne doit pas non plus la condamner trop absolument ; d’abord parce qu’il est toujours vrai qu’il vaut mieux répartir la faible quantité d’engrais que produit une ferme sur une petite que sur une grande étendue de terrain, afin d’éviter au moins des frais de main-d’œuvre inutiles ; ensuite, parce qu’on rencontre certaines localités où, sans dépenses excessives, on peut regarder comme impossible de régler un assolement. Or, pour prêter beaucoup à la terre, il faut être sûr de le faire à un intérêt raisonnable.

Au moins si une jachère de plus d’une année ne donne pas de bien riches produits pendant sa durée, elle en donne toujours quelques-uns, souvent même d’assez importans, soit qu’elle se couvre d’herbages fourragers, soit qu’elle fournisse spontanément à la végétation des genêts ou des ajoncs dont il est facile de tirer parti. — Reste à comparer ces produits, obtenus sans travail, au prix de location du terrain. Je le répète, un pareil système n’est pas recommandable, mais on doit parfois le considérer comme une nécessité.

Au reste, cette difficulté d’établir une rotation à court terme sur quelques parties de la propriété, n’est pas un motif pour ne pas assoler convenablement le reste. Il est même assez rare que l’on ne cultive pas diverses parcelles hors d’assolement, tantôt en bois ou en pâturages, tantôt en prairies naturelles ou artificielles d’une longue durée. — Il est plus rare encore que l’on puisse adopter le même assolement sur toute une propriété d’une certaine étendue, parce que presque toujours la qualité du sol et son exposition varient ; — enfin, il n’est que trop ordinaire que les combinaisons les mieux calculées soient entravées par suite des vicissitudes des saisons. C’est au cultivateur qui connaît bien la ferme qu’il exploite, à se rappeler les principes et, dans ces cas exceptionnels, à modifier la pratique au gré des circonstances. Ce qui suit pourra le guider parfois utilement.

[10:1::10]

§ x. — Des récoltes mélangées et multiples.

S’il est vrai que les plantes d’une même espèce ou de plusieurs espèces analogues se nuisent dans leur rapprochement, parce que leurs résidus excrémentiels ne peuvent se transformer en alimens qui leur soient propres, on devrait naturellement en conclure que les récoltes mélangées seraient préférables, en principe, aux cultures homogènes ; et, en effet, il est tels faits qui semblent appuyer cette théorie. — Sans parler des semis mélangés de seigle et de froment, d’orge et de froment, d’orge et d’avoine, sanctionnés dans plusieurs de nos départemens par une pratique de plusieurs siècles, on peut citer avec plus d’assurance les mélanges fourragers connus en divers lieux, et depuis tout aussi longtemps sans doute, sous les noms d’hivernages, coupages, dragées, etc., etc.

Les semis hétérogènes faits simultanément sur un même sol, peuvent présenter divers avantages et divers inconvéniens. Afin de