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chap. 10e.
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de la pratique des assolemens.

Section ii.De la pratique des assolemens.

Si, dans la section précédente, je ne suis pas resté trop en arrière de l’importance de mon sujet, et si, dans les limites nécessairement restreintes d’un ouvrage général, j’ai été assez heureux pour résumer ce qu’il importe le plus de connaître avant de passer de la théorie à la pratique des assolemens, je pourrais à la rigueur regarder ma tâche comme accomplie, et laisser chacun déduire, selon les lieux et les circonstances, les conséquences de chaque règle fondamentale. Cependant il est utile de donner des exemples d’application ; de les multiplier, de les varier eu égard à la différence des climats et des terrains, et de discuter même leur mérite relatif, non seulement pour ajouter à l’intelligence de ce qui précède, mais encore pour étayer les préceptes par des faits. — Je parlerai d’abord des assolemens à plus court terme, de ceux de deux ans.

[10:2:1]

§ ier. — Des assolemens biennaux.

Les assolemens à très-court terme ont le grave inconvénient de ramener trop souvent aux mêmes places les mêmes végétaux. Le retour périodique et sans jachère de deux céréales n’a pas seulement le défaut d’épuiser le sol, il le salit bientôt au point qu’il faudrait interrompre l’assolement, lors même que l’abondance des fumiers permettrait autrement de le continuer. Il est vrai que les blés n’effritent pas le sol autant qu’ils le salissent. Aussi n’est-il pas sans exemple, en Angleterre, d’après la méthode de Ducket ou du major Beatson, soit en les semant en lignes et en leur donnant des binages à la houe, soit en ameublissant la terre et en la nettoyant par de nombreuses façons à l’extirpateur, de les voir occuper le terrain pendant plusieurs années de suite avec succès.

Mais, sans ces précautions dont nous ne devons pas discuter ici l’opportunité, et même à la longue, dans la plupart des cas, avec ces précautions, le dépérissement des récoltes s’ensuit inévitablement.

Pour qu’un assolement biennal, dans lequel figurent les céréales seulement de deux en deux ans, puisse se maintenir, il faut que la culture intercalaire contribue à nettoyer le sol. — Telle est celle du lin, qui exige des sarclages attentifs, des labours soignés, et dont la récolte se fait assez tôt pour qu’on puisse donner les façons nécessaires au blé ; — celle du chanvre, qui étouffe complètement les mauvaises herbes. — Telles sont encore, dans la vallée de la Garonne, celle du maïs, que l’on butte au moins deux fois pendant sa végétation, et ailleurs, pour les sols argileux, celle des fèves, qui reçoivent plusieurs binages. — L’assolement biennal avec jachère, blé, orge ou avoine, et repos, qui s’est étendu dans une grande partie du Languedoc et des provinces voisines, a été calculé d’après les mêmes principes.

Avec tout cela, sauf un bien petit nombre de cas où il y aurait de la duperie à ne pas profiter de la fertilité extraordinaire de quelques terres pour cultiver sans interruption les végétaux les plus productifs, puisque le sol ne montre aucune répugnance à les porter, les assolemens biennaux sont d’autant plus mauvais qu’ils se prêtent fort mal à la production des plantes fourragères, et qu’ils exigent des fumures fréquentes. — En rappelant les exemples suivans, je suis donc loin de les recommander comme pratique générale.


A. Dans le centre et le nord de la France.
1o En terres plus légères que fortes.

1re année : Pommes-de-terres fumées et binées. — 2e année : Seigle.

1re année : Froment d’automne ou de printemps fumé. — 2e année : Lin sans engrais[1].

1re année : Froment, comme dans l’exemple précédent. — 2e année : Chanvre sans engrais.

2o En terres plus fortes que légères.

1re année : Fèves fumées et binées. — 2e année : Froment non fumé.

1re année : Choux-cavaliers fumés et binés. — 2e année : Froment sans engrais.

1re année : Rutabagas fumés et binés. — 2e année : Froment sans engrais.


B. Dans le midi de la France.
1o En terres de diverses natures.

1re année : Jachère complète avec fumure. — 2e année : Froment ou seigle.

2o En terres légères et de consistance moyenne.

1re année : Maïs quarantin fumé et biné. — 2e année : Seigle ou froment d’automne.

3o En terres plus fortes que légères.

1re année : Fèves fumées et binées. — 2e année : Maïs ou froment.

1re année : Froment, puis lupins enfouis. — 2e année : Maïs et haricots légèrement fumés.

1re année : Betteraves fumées et binées. — 2e année : Froment.


[10:2:2]

§ ii. — Des assolemens de trois ans.

Les assolemens triennaux participent en grande partie aux inconvéniens des précédens. Cependant on en trouve divers exemples, notamment en Angleterre. Je citerai les suivans :


A. Pour les régions du nord et du centre.
1o En terres plus légères que fortes.

1re année : Turneps fumés et pâturés sur

  1. Voyez l’article Lin, dans le IIe livre de cet ouvrage.