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chap. 15e.
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DU FROMENT.

étroits, rapprochés, et imbriqués régulièrement sur deux rangs ; épillet à deux grains.

Les blés de cette race étaient autrefois compris parmi les épeautres, et en ont été separés par les botanistes modernes ; on leur donne fréquemment dans la pratique le nom d’épeautres de mars. Ce qui a été dit des qualités de l’espèce précédente leur est très-généralement applicable ; mais tous sont de printemps et veulent être semés de bonne heure à la fin de l’hiver.

†38. Parmi leurs varietés, qui sont assez nombreuses, celle à épi blanc et glabre (fig. 548) est d’une très-ancienne culture en Alsace, ou elle est estimée comme productive et de bonne qualité, et où on lui donne les noms d’amelkorn, d’amylon et d’épeautre de mars. D’après le témoignage de M. Wagini, elle réussit dans les terrains médiocres, trop pauvres pour l’épeautre d’automne ; la paille en est estimée pour le bétail.

G. —Froment engrain (Tr. Monococcum).
(fig. 549.)

Epi barbu, dressé, étroit, très-aplati, composé de deux rangées d’épillets très-resserrés et à un seul grain.

Cette céréale, qui, par l’apparence de son épi, ressemble plus à une petite orge à deux rangs qu’à un froment, est inférieure à toutes les espèces précédentes, et pourtant elle ne laisse pas d’être fort utile, à raison de la facilité avec laquelle elle réussit dans les plus mauvaises terres calcaires ou sablonneuses. Dans une partie du Berry et du Gâtinais, on la sème avec succès sur des terrains regardés connue trop pauvres pour produire du seigle. Nous l’employons personnellement en grand sur des terres excessivement calcaires, où, sans fumure, elle donne d’assez bonnes récoltes ; sa paille est très-bien mangée par le bétail. L’engrain doit être semé a l’automne et peut l’être jusqu’en décembre, attendu sa grande rusticité. On le sème quelquefois aussi sur la fin de l’hiver, mais il faut que ce soit de bonne heure, dès février, attendu que sa maturité est un peu tardive.

†39. Nous n’en connaissons d’autre variété que celle figurée ici (fig. 549), dont l’épi est d’un jaune roux.

Quelques considérations additionnelles sur les especes et les variétés de froment.

Blés rouges et blés blancs. On a vu plus haut que, parmi les variétés du froment ordinaire (Triticum sativum), il s’en trouve à grain blanc et à grain rouge ou rougeâtre : les premiers, désignés sous le nom de blés blancs, sont regardés comme les meilleurs de tous les fromens ; on a, depuis quelques années, mis beaucoup d’intérêt à les introduire dans le centre de la France, et presque partout les cultivateurs en ont été extrêmement satisfaits ; mais, dans beaucoup de lieux, les meuniers et les boulangers les ont décriés, au point d’en faire quelquefois délaisser la culture. Le mémoire de M. Desvaux contient à ce sujet des remarques importantes, dont nous croyons utile de reproduire ici la substance. Le défaut des fromens blancs est de donner une pâte trop courte et moins liée que celle des fromens rouges ; cela tient à ce qu’ils contiennent une trop grande proportion de fécule ou d’amidon, au détriment de celle du gluten. Il suffirait. dès-lors d’y ajouter, à la mouture, une petite portion de blé dur ou glacé, dans lequel le gluten surabonde, pour en obtenir une pâte parfaite. Ce mélange, selon M. Desvaux, pourrait, au besoin, être suppléé par l’addition à la farine de blé blanc d’une petite quantité de gélatine animale.

Blés durs et blés tendres. Selon M. Desvaux, les fromens durs ne donnent que 70 parties de pain sur 100 parties de farine brute, tandis que les fromens tendres, et les blancs spécialement, en donnent 90. Ce serait une grande raison pour préférer les derniers ; toutefois les blés durs ont aussi leurs avantages ; le pain fait avec leur farine, quoique moins blanc, est plus savoureux, sèche et durcit moins promptement, et paraît être plus nutritif. Si ce dernier point pouvait être apprécié rigoureusement en chiffres, cela établirait peut-être la compensation. Nous ajouterons que les blés durs sont d’une conservation meilleure et plus facile que les blés tendres ; enfin, on sait qu’ils sont les plus propres à la confection du vermicel et des autres a pâtes analogues. —Les circonstances qui tendent a donner au grain du froment l’une ou l’autre de ces qualités sont imparfaitement connues. On sait qu’en général, les climats chauds, tels que celui de l’Afrique, donnent des blés durs, tandis que, dans le Nord, ce sont les blés tendres qui dominent ; mais cette règle présente bien des exceptions : ainsi, nous avons vu la touselle devenir beaucoup plus glacée aux environs de Paris qu’elle ne l’est en Provence ; quelquefois dans le blé de Pologne, froment dur par excellence, et dont la substance est presque vitreuse, on trouve des grains complètement tendres et farineux ; d’autres espèces, et notamment le trimenia barbu de Sicile, présentent assez fréquemment des grains dont une moitié est tendre et l’autre cornée. Les causes de ces variations, qui ne sont pas sans importance pour les cultivateurs, mériteraient d’être recherchées.

Blés d’hiver ou d’automne et blés de printemps. Linné avait fait de ces deux sortes de