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liv. 1er.
AGRICULTURE : DES PLANTES CULTIVÉES EN GRAND.

les préparations alimentaires, nous ne craindrons pas d’être démentis en affirmant qu’elle fournit à l’art culinaire les apprêts les plus diversifiés. Nous nous contenterons d’indiquer l’emploi de la pomme-de-terre comme racine alimentaire pour l’homme et pour les animaux.

Comme plante destinée à la nourriture de l’homme, la parmentière est incontestablement au premier rang. Des savans distingués ont en vain voulu démontrer qu’elle ne peut pas nourrir l’homme ; il n’en est pas moins vrai que les Allemands, les Alsaciens, les Lorrains, les Irlandais, les Écossais, en font, une partie de l’année, leur aliment unique. Si on prend pour base de ses calculs les données généralement admises par les meilleurs économistes, 3 kilog. de pommes-de-terre équivalent à 1 kilog. de blé ; en supposant qu’un hectare de froment produise 18 hectol. de blé, on aura récolté en poids à peu près 1440 kilog. de grains ; le produit moyen d’un hectare de pommes-de-terre s’élève à 17,500 kilog., ou, en divisant par trois, pour obtenir la valeur en froment, à 5,833. La récolte du froment est donc à celle de la morelle, comme 14 à 58, sur la même surface ; où, pour traduire autrement ce résultat, une étendue donnée de pommes-de-terre nourrira 4 fois autant d’individus que pareille surface cultivée en froment.

La manière la plus simple de consommer les pommes-de-terre, c’est de les faire cuire à la vapeur, dans un pot ou une marmite dont le couvercle ou la cloche ne donne point d’issue à la vapeur. C’est sous ce rapport qu’on a dit que la morelle est un pain tout fait. Pour que les pommes-de-terre consommées sous cette forme plaisent au goût, elles doivent avoir été produites dans un terrain sec et sablonneux, et contenir proportionnellement une faible quantité d’eau de végétation. On connaît qu’un tubercule remplit ces conditions, quand, après la cuisson, la peau s’est crevassée et soulevée. — Cuites ainsi, les pommes-de-terre, assaisonnées de beurre fondant et de fines herbes, présentent un aliment, très-agréable. Refroidies et mises en salade, elles sont du goût de la plupart des consommateurs. Nous ne pousserons pas plus loin ces détails.

On a proposé bien des fois de mélanger la farine de pomme-de-terre avec celle des céréales pour en faire du pain. Froment, féverolles et pommes-de-terre, pourvu qu’un aliment se présente sous la forme de pain, il est bien mieux accueilli par les habitans de certaines contrées, que s’il paraissait déguisé sous une autre préparation, que ce soit à tort ou à raison, c’est un fait qu’il a fallu accepter, et dès-lors la panification de la pomme-de-terre a attiré l’attention d’hommes d’un grand mérite.

Le procédé le moins embarrassant connu jusqu’alors, sans citer ceux que couvre encore le voile du secret, consiste à faire le levain à la manière ordinaire ; de faire cuire le lendemain des pommes-de-terre qu’on pèle, qu’on écrase et qu’on divise, le plus possible, à l’aide de rouleaux. Après les avoir mélangées avec deux tiers de farine ordinaire, en favorisant le mélange par une addition d’eau tiède et par le pétrissage, on les mêle au levain préparé et on termine à l’ordinaire. — Une méthode plus simple encore, c’est de râper les tubercules crus, et d’en mélanger la pulpe avec de la farine, dans les proportions ci-dessus. — Enfin, la fécule sèche présente de grands avantages dans toutes les préparations panaires. Si les dispositions réglementaires de la boulangerie n’en permettent pas l’introduction légale dans la fabrication du pain, il est hors de doute que le pain de ménage ne puisse l’employer avec profit.

La fabrication des terouen, de la polenta, de la fécule, leurs usages et transformations en sucre, sirops, dextrine, bière, boissons, etc., appartiennent à la Technologie agricole à laquelle nous renvoyons. (Tome III.)

La faculté nutritive des pommes-de-terre pour l’alimentation du bétail n’est mise en doute par personne. Thaer et Pétir pensent qu’il faut 2 livres de ces racines pour équivaloir à une livre de foin : Krantz estime qu’il n’en faut que 1,25 ; M. de Dombasle a sur ces auteurs le mérite éminent d’avoir formulé son opinion sur des faits positifs, au lieu de la déduire de probabilités très-équivoques ; il pense qu’il faut, pour remplacer 1 de foin, 1,73 de pommes-de-terre cuites, et 1,87 de crues. D’ailleurs, la variété des plantes, l’espèce de bétail, l’année et l’époque des expériences seraient plus que suffisantes pour concilier des opinions tant soit peu diverses.

On a observé que les pommes-de-terre crues poussent à la production du lait, et cuites à celle de la graisse. Les pommes-de-terre crues doivent être administrées avec prudence. Données en trop grande abondance, elles sont regardées comme un régime débilitant.

On conseille de n’en pas donner plus de la moitié de la ration qui doit composer la nourriture journalière. Ainsi, dans le cas où une vache consommerait 20 livres de foin par jour, on pourrait ne lui donner que 10 livres de foin et 15 à 20 livres de racines.

Pour l’engraissement des cochons, on commence par donner la pomme-de-terre crue : à moitié terme, on les fait cuire, on les laisse un peu aigrir, en y mélangeant quelque peu de farine d’orge, et avant de les donner aux animaux on y jette un peu de sel ou de salpêtre.

Pour l’engraissement des bœufs on suit la même marche, seulement on ne les laisse point aigrir. Quelquefois on se contente de les tremper quelques instans dans l’eau bouillante, afin de leur enlever leur crudité.

Quelques agronomes, persuadés que l’eau de végétation exerce une action nuisible sur les organes digestifs, râpent les tubercules et les soumettent à une forte pression pour la leur enlever. On a peu d’objets de comparaison pour apprécier ces diverses méthodes.

On a cru long-temps que les chevaux ne peuvent consommer avec avantage les tubercules de la morelle. C’est vrai, si l’on entend parler des tubercules crus ; c’est une erreur, si cette assertion tombe sur les pommes-de-terre cuites. Il y a déjà long-temps que M. Ribeck, de Lindow, l’a prouvé. On fait cuire les tubercules à la vapeur, et on les distribue lorsqu’ils sont refroidis. Ce genre d’alimen-