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liv. ier.
AGRICULTURE : SOL.

argilo-terrugineux, on est parvenu, malgré leur stérilité naturelle, à les transformer en champs fertiles par l’adoption de l’assolement suivant : aux bruyères défrichées succèdent les pommes-de-terre, puis l’avoine et le trèfle, du seigle, de la spergule, des navets, assez souvent pâturés sur place, ou du sarrazin enterré en vert ; et enfin une seconde récolte de seigle, qui fait parfois place à un bois taillis. — Dans le Hanovre, sur un défrichement fait à la pioche par des colons pauvres auxquels le terrain était concédé à peu près gratuitement pour de longues années, un assolement analogue a produit des effets aussi satisfaisans. — Bien d’autres preuves attestent que les landes les plus maigres sont susceptibles de devenir d’une culture productive. Si l’on en tire communément un si mauvais parti, il ne faut pas pourtant toujours en accuser l’incurie des propriétaires ; car, quelque facile que soit théoriquement leur amélioration, en pratique elle est souvent rendue impossible par les frais qu’elle occasionerait dans des pays d’autant moins peuplés qu’ils sont naturellement plus improductifs.

Lorsque les terres de bruyères ont une certaine profondeur, elles se prêtent à la culture du bois. — Les Bouleaux, les Chênes rouvre et tauzin, le Châtaignier même, si les eaux ont de l’écoulement, y réussissent assez bien. — Le Pin maritime procure dans les landes de Bordeaux de riches produits par la résine, le goudron qu’on en extrait, et par son bois. — Le Pin sylvestre contribue à l’amélioration des bruyères de la Campine presque aussi puissamment qu’à celle des craies de la Champagne. — Le Pin du lord ou Weimouth réussit de préférence dans des sables un peu frais. Grâce à M. de Morogues, il commence, je crois, à être cultivé avec succès dans la Sologne. — Enfin le Pin rigida, qui vient également dans les graviers arides et dans les terres marécageuses, s’accommode surtout de ces dernières, et pourrait ainsi couvrir certaines landes d’une végétation productive.

VII. Sols de sable pur. — Ils se présentent tantôt en monticules qui bordent les rivages de la mer sous le nom de dunes ; — tantôt en masses plus ou moins régulièrement planes et mouvantes, que les vents poussent de proche en proche dans l’intérieur des terres ; — tantôt enfin en plaines dont la surface mieux abritée se couvre de quelques plantes d’une végétation chétive, qui donnent au sol un premier degré de stabilité.

Conquérir à la culture de semblables terrains, c’est une opération difficile, dont les résultats sont lents, parfois douteux, mais dont l’importance exige que j’entre ici dans quelques détails.

Des dunes. Presque partout, entre la laisse des hautes marées et la base des premières dunes, se trouve un espace assez vaste, à peu près plane, sur lequel les sables, entraînés par le vent, glissent sans s’arrêter. — Tous les cultivateurs qui ont cherché à fixer les dunes sont à peu près d’accord sur ce point, que c’est par cette partie qu’il faut commencer. — On fera bien de ne pas opérer à la fois sur une trop grande étendue.

Les végétaux qui conviennent particulièrement sont ceux qui, non seulement peuvent croître dans les sables les plus arides et vivre dans une atmosphère imprégnée d’émanations salines, même d’eau de mer dans les temps de tourmente, mais encore dont les racines ont la propriété de tracer de proche en proche jusqu’à de grandes distances, et les tiges, lorsqu’elles appartiennent à des plantes vivaces, de présenter une consistance coriace qui les maintient et les conserve le plus long-temps possible à leur place. — Je crois devoir citer particulièrement :

1o Pour le nord de la France, — parmi les plantes vivaces : Les Eryngium maritime et champêtre, les Elymus gigantesque et des sables, l’Arundo ou Oya des Côtes du Nord, le Ray-grass, le Crambé ou chou marin et le Topinambour ; — parmi les arbrisseaux : Le Rhamnoïde ou liciet d’Europe, l’Éphèdre ou raisin de mer, l’Ajonc et le Saule des dunes ; Parmi les arbres de diverses hauteurs : Le Pin laricio, le Pin d’Écosse, le Pin Weimouth, l’Épicéa, le Sapin argenté, le Genévrier de Virginie, les Peupliers blanc et noir, le Tremble, le Saule marsault, le Saule à feuilles d’amandier, le Saule hélix ou bleuâtre ;

2o Pour le midi du même pays, — parmi les plantes vivaces : Le Sparte d’Espagne, l’Echinophora maritime, la Christe-marine ou perce-pierre, le Panicum-Pied-de-poule, l’Asperge maritime, et le Jonc marin ; — parmi les arbrisseaux : Le Chalef à feuilles étroites, le Genêt épineux, le Genêt d’Espagne, l’Arroche ou pourpier de mer, l’Asperge à feuilles aiguës ; — enfin, parmi les arbres verts, outre les espèces déjà désignées pour le nord : Le Pin d’Alep, le Pin maritime, et même le Cyprès commun, et parmi les arbres à feuilles caduques, le Tamarix de Narbonne, le Chêne yeuse ou chêne vert, etc.

On multiplie ces divers végétaux de graines, de boutures au moyen de leurs tiges, ou d’éclats de leurs racines. — On peut donc, selon les circonstances, les semer ou les bouturer en place, ou les planter après les avoir élevés en pépinière.

Je parlerai d’abord des semis. Quelles que soient les graines qu’on aura pu se procurer, on devra mêler, à un tiers de celles des arbres et des arbrisseaux, deux tiers, non pas en poids et en volume, mais en nombre, des semences de plantes vivaces, dont les tiges, d’une croissance, autant que possible, rapide, abriteront pendant leurs premières années les jeunes végétaux ligneux, et empêcheront le sable d’être entraîné de manière à mettre leurs faibles racines à nu. — Les semis se font épais et à la volée ; on enterre les graines par un léger hersage. Puis, pour diminuer la mobilité du terrain, on étend et on fixe à sa surface, au moyen de piquets, des branchages d’arbres verts, ou, à leur défaut, de genêts, d’ajoncs, etc., etc., qui produisent en même temps un obstacle efficace contre les vents, et un abri favorable contre les rayons et la réverbération du soleil. — Ce mode est préférable à tout autre. — Mais si l’on ne peut pas se procurer ces branchages en suffisante quantité, pour suppléer le mieux possible à leurs bons effets, on réunit en cordons des fascines de quelque épaisseur, qu’on dispose ensuite comme les cases d’un damier