Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/476

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plantes nuisibles à l’homme être mangées sans inconvénient par les animaux. On remarque même, à l’égard des espèces de bestiaux entre elles, une grande différence : le gros bétail, par exemple, repousse les labiées et les personnées (excepté peut-être le mélampire des champs et celui des prairies (melampirum arvense et ratense) ; ainsi, il ne touchera guère au thym, à la véronique, à lasauge, à la crête-de-coq (rhinanthus), etc., tandis que ces plantes sont pour les moutons une nourriture saine et agréable. — Le bétail à cornes mange avec plaisir tous les végétaux de la famille des crucifères, comme les choux, les raves ; les chevaux, au contraire, ne s’en nourrissent qu’avec répugnance ; ils recherchent par contre, de même que les moutons, les plantes qui appartiennent à la famille des équisitacées ; ils s’en nourrissent sans préjudice pour leur santé, tandis que ces mêmes plantes déterminent, chez le bétail à cornes, lorsque la faim l’a forcé à en manger, des dyssenteries et enfin la mort. Les plantes de la famille des hypéricinées, très-nuisibles aux moutons, sont consommées sans inconvénient par les chevaux. Une espèce de cette famille, le millepertuis crépu (hypericum crispum), contient un poison tellement énergique pour les moutons, que le seul contact avec la rosée qui, le matin, se trouve sur les feuilles, leur est très-dangereux. — On trouve ensuite des familles entières de plantes dont les feuilles et les tiges sont rejetées par toutes sortes d’animaux ; telles sont, entre autres, les solanées[1] et enfin on en voit d’autres dont toutes les espèces, à l’exception de quelques-unes, sont mangées par les chevaux et le gros bétail, de même que par les moutons et les cochons : telles sont les graminées. Cependant, parmi les différentes espèces de graminées, on en remarque plusieurs qui paraissent plus propres à tel genre d’animaux qu’à tel autre. » Si l’on veut connaître les plantes que les animaux recherchent le plus, il faut observer ceux-ci lorsqu’ils se trouvent au pâturage ; là ils s’abandonnent à leur instinct, et, lorsqu’ils ont assez à manger, ils ne touchent point aux plantes qui leur sont préjudiciables. Cependant on remarque avec étonnement qu’ils mangent des plantes reconnues comme vénéneuses, et cela sans danger ; mais, en observant de plus près, on voit qu’il se trouve dans le pâturage des plantes dont les propriétés neutralisent les effets des premières. En cherchant à connaître les végétaux dangereux et utiles qui se trouvent dans un pâturage, il faut considérer le nombre d’espèces qu’il contient : plus il y en a, mieux on peut distinguer celles qui conviennent aux animaux, tandis que, dans le cas contraire, on peut facilement se tromper. »

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§ iii. — Du choix des plantes fourragères eu égard à leur précocité.

La précocité des herbages, pour les animaux qui ont été nourris pendant tout l’hiver au foin et aux racines est une qualité précieuse, qui peut tenir à la nature du terrain, comme au choix des espèces végétales. Dans les terrains argileux, humides et froids, le développement fourrager des plantes est souvent plus tardif de 15 jours que sur des sables facilement échauffés par les premiers rayons du soleil de printemps, et d’un autre côté entre certaines plantes, telles, par exemple, que le pâturin des bois et la fétuque élevée, il n’est pas rare de remarquer, sur le même sol, une différence au moins aussi grande. — On comprend, sans qu’il soit besoin d’entrer à cet égard dans des détails circonstanciés, que le meilleur moyen de remédier à la disposition tardive d’une localité ou d’une espèce, c’est de couvrir l’une d’herbes naturellement précoces, et de placer l’autre en des lieux perméables à la chaleur. Toutefois un pareil arrangement, très-facile et très coin mode pour un certain nombre de graminées, ne l’est pas, à beaucoup près, pour toutes : il en est qui ne pourraient végéter hors des lieux auxquels elles furent destinées par la nature.

La précocité, en elle-même, n’a pas le seul avantage de hâter le moment où l’on peut mettre les animaux au vert ou celui de la fauchaison ; nous verrons, lorsqu’il sera parlé spécialement du vulpin des prés, du dactyle, des ivraies., etc., etc., que la richesse du pâturage ou le nombre des coupes

que l’on peut effectuer dans le courant de la belle saison, dépend, en grande partie, de la rapidité de végétation des herbes qui composent les pâturages et les prairies. — Il existe toutefois, entre ces deux sortes d’herbages, des différences qu’il importe de signaler ici. — L’époque de la plus forte végétation des plantes réunies naturellement dans un même lieu est rarement la même : le vulpin des prés, la flouve odorante, le dactyle pelotonné, l’ivraie vivace, le poa des prés, l’avoine des prés, etc., devancent les autres dans leur croissance printanière, et fournissent un abondant fanage pendant la première partie de l’été ; — dans le cours de cette saison, ce sont : l’avoine jaunâtre, la crételle, la fétuque des prés, divers pâturins, la houque laineuse, le trèfle des prés, le trèfle rampant, la gesse des prés, etc. etc. ; — enfin, pendant l’automne, la fétuque élevée, l’agrostis stolonifère, le chiendent, la millefeuille, etc., etc. Un tel mélange et de telles dispositions présentent, entre autres avantages (voy. le paragraphe 7), celui de régulariser, pour ainsi dire, la production du fourrage sur les pâturages, pendant presque toute l’année ; dans les prairies, au contraire, si l’on n’a eu la précaution de réunir des espèces d’une végétation à peu près uniforme quant à son développement et a sa durée, il arrivera, ou qu’on récoltera des herbes précoces lorsqu’elles auront perdu la plus grande partie de leurs sucs nutritifs, par suite de la dessiccation sur pied ; ou que les herbes tardives seront loin encore d’être arrivées au point de maturité qui constitue les bons foins. Aussi, en pareil cas, surtout lorsque les

  1. On sait que dans beaucoup de lieux les fanes de pommes-de-terre avant leur entière dessiccation sont utilisées pour la nourriture des vaches et des bœufs, qui ne les mangent à la vérité que faute de mieux mais enfin qui les mangent sans en être incommodés. O. L. T