Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/486

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ve sujet. — Des soins d’entretien des herbages en général, et des pâturages en particulier.

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§ ier. — De la destruction des herbes et des animaux nuisibles.

Les plantes inutiles ou nuisibles aux troupeaux abondent dans une foule d’herbages. Il est d’une telle importance pour le cultivateur de connaître au moins les principales d’entre elles, que j’entrerais immédiatement dans d’assez longs détails à ce sujet, si, d’après l’ordre adopté dans cet ouvrage, je ne devais renvoyer le lecteur au dernier chapitre de ce livre ; me bornant ici à quelques généralités qui perdront malheureusement de leur intérêt par suite de leur isolement.

Parmi les plantes considérées comme nuisibles, il en est qui sont réellement telles par suite de leurs propriétés délétères ; — d’autres, parce qu’elles communiquent à certains produits des animaux, au laitage et au beurre, par exemple, une saveur désagréable, ou encore parce qu’elles rendent plus difficile la transformation de ces mêmes produits ; — d’autres seulement, parce que les bestiaux ne les mangent pas ou les mangent avec répugnance, et qu’elles donnent par conséquent des foins rejetés ou de très-peu de valeur, quoiqu’elles occupent la place de bonnes plantes. — Il est aussi des herbes fort bonnes dans les pâturages, et qui deviennent nuisibles dans les prairies à cause de leur peu d’élévation, qui les soustrait en grande partie à la faulx.

Nous verrons que c’est surtout dans les lieux bas et humides que se multiplient le plus abondamment les mauvaises herbes. Là, le meilleur moyen de les détruire, au moins en grande partie, c’est de changer la nature même du terrain, en facilitant l’écoulement des eaux stagnantes qui le couvrent ou le pénètrent pendant une partie de l’année. Par ce moyen, on fera promptement disparaître toutes les espèces des marais.

Si, lorsque le sol est convenablement égoutté, il conservait encore quelques restes de sa disposition tourbeuse ; s’il était encore aigre, comme le disent si justement les habitans des campagnes, les amendemens calcaires et alcalins, tels que la chaux, les cendres de bois, de tourbe, les cendres pyriteuses, etc., achèveraient indubitablement de le bonifier.

En des positions analogues, il a aussi été reconnu qu’un des meilleurs et des plus simples moyens de détruire une grande partie des mauvaises herbes, c’était de les faire pâturer au printemps aussitôt que l’état du sol le permet. La plupart des herbivores broutent sans inconvénient ces plantes lorsqu’elles sont jeunes encore, et beaucoup ne repoussent plus que faiblement, tandis que les bonnes graminées, par suite de leur disposition à taller d’autant plus qu’elles sont plus fréquemment coupées, s’emparent du terrain, et, si les circonstances défavorables qui les en avaient précédemment exclues ne se représentent pas, elles s’y maintiennent par la suite sans souffrir de concurrence. — J’ajouterai que les engrais d’origine animale paraissent plus nuisibles qu’utiles aux plantes marécageuses. Est-ce par suite d’une action délétère sur celles-ci, ou seulement parce qu’elles augmentent davantage la force végétative des gramens et des légumineuses, et les mettent ainsi à même de dominer dans le pâturage ? Toujours est-il, quelle qu’en soit la cause, que, dans le cas dont il s’agit, les déjections que les animaux laissent sur le terrain semblent concourir pour quelque chose au but qu’on veut atteindre.

Il est des plantes dont on doit se débarrasser en les arrachant a la pioche ou à l’échardonnoir. Cependant, si cette méthode est la plus sûre, elle est aussi la plus longue et la plus coûteuse, et elle n’est même pas applicable à toutes les espèces, puisqu’on en rencontre, telles que la fougère, dont les racines étendent leurs réseaux jusqu’au sous-sol, à quelque profondeur qu’il se trouve. D’ailleurs, lorsque ces plantes sont très-nombreuses, et que leurs touffes offrent peu de volume, telles que les orties, par exemple, l’arrachage est impossible[1]. Il faut alors, non seulement se bien donner de garde de les laisser grainer, mais encore les faucher, s’il est possible, jusqu’à 4 et 5 fois dans le cours de l’année, surtout à l’époque des chaleurs. Rarement elles résistent longtemps à une pareille mutilation.

Pour ajouter aux effets d’un fauchage persévérant et répété, ou plutôt pour rendre mutile sa prolongation, on a proposé dans de vieux livres une recette que quelques faits postérieurs semblent justifier. C’est, après avoir coupé rez-terre la tige de la plante qu’on veut détruire, de la fendre un peu et d’introduire à la place de la moelle une certaine quantité de sel marin. Dans une lettre toute récente, écrite par M. Trochu, qui a rendu d’immenses services à l’agriculture de Belle-Isle-en-Mer, à M. le duc Decazes, on voit que ce moyen, tout empirique qu’il paraisse, lui a fort bien réussi pour la destruction des ronces, et, je crois, des fougères.

La destruction des mousses s’opère au moyen de hersages ou de ratissages plus ou moins multipliés, et dont l’énergie doit être proportionnée à la ténacité du sol. Ces opérations produisent d’ailleurs d’excellens effets sur les pâturages, en les ouvrant au influences atmosphériques et en préparant l’émission de nouvelles racines. C’est à leur aide que l’emploi des composts et des simples amendemens acquiert véritablement toute son efficacité. Il n’est pas sans exemple que sur un herbage ainsi gratté, une simple couche de sable (voy. le § 4) ait empêché

  1. Je sais qu’on a recommandé de cultiver l’ortie pour affourrager les vaches, et en effet elles la mangent, quoiqu’avec répugnance, à l’état de foin ; mais, chez moi, elles la rejettent constamment au pâturage. Telle plante qui offrirait une ressource dans un très-mauvais terrain devient nuisible dans celui auquel on peut demander mieux. Mon fermier fait donc tous ses efforts pour détruire les orties. Il y est arrivé en grande partie par le moyen que je propose.