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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/503

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au printemps les céréales semées en automne, a trouvé que ce moyen est un des plus efficaces pour assurer la réussite du trèfle et des autres prairies artificielles. Après avoir parlé de l’insuffisance de la herse dans les terres fortes, surtout lorsqu’elles sont disposées en billons, il ajoute : « Avec la binette, l’opération se fait partout avec uniformité, et on modifie l’action de l’instrument en employant alternativement, selon que l’exigent la dureté du sol, les cornes ou la lame tranchante. Une semaille de trèfle couverte ainsi se trouve certainement placée dans les circonstances les plus favorables pour la germination de la graine et la prompte croissance des jeunes plantes. J’ai ensemencé cette année (1825) par ce procédé, 12 hectares de trèfle ou de ray-grass sur des fromens, dans des terres argileuses, où la réussite du trèfle est en général très-casuelle, à cause de la difficulté d’y couvrir convenablement la semence, et on n’y rencontrerait pas un mètre carré où les plantes n’aient parfaitement réussi. »

Un autre moyen d’assurer la réussite des prairies légumineuses, tant dans les céréales de printemps que dans celles d’hiver, est le pâturage au moment de la semaille. « Je dois, dit encore le savant rédacteur des Annales de Roville, la connaissance des avantages de cette pratique à l’un des hommes de France qui possèdent à la fois le plus d’instruction pratique sur l’art agricole, et les plus vastes connaissances en agronomie et en économie politique, à M. le vicomte Emmanuel d’Harcourt. Mes expériences ont parfaitement confirmé les résultats qu’il avait obtenus, et je considère cette pratique comme un des moyens les plus certains d’assurer la réussite d’une récolte de trèfle, de luzerne ou de sainfoin. Je répands un hectolitre de plâtre par hectare, en même temps qu’on sème la prairie artificielle, c’est-à-dire la moitié seulement de ce qu’on met ordinairement sur un trèfle à sa seconde année, et, au printemps suivant, j’en répands encore une même quantité si la récolte me paraît en avoir besoin. — Le plâtre, employé avant la germination des graines, produit des effets tellement énergiques, qu’il est bon de prendre quelques précautions pour empêcher que le trèfle nuise trop considérablement, par la vigueur de sa végétation, à la céréale à laquelle on l’associe. »

L’amendement ou plutôt le stimulant par excellence pour les légumineuses est donc le plâtre (Voy. pag. 71 et suiv.). Du reste, tous les engrais dont j’ai parlé dans la section précédente peuvent être employés avec un égal succès sur les herbages de diverses sortes.

Lorsque les prairies légumineuses sont semées assez épais, il est rare qu’elles aient besoin de sarclages. Il faut qu’elles ne végètent que faiblement ou qu’on les ait semées dans des terrains bien infestés de mauvaises herbes, pour que celles qui se montrent d’abord ne soient pas bientôt détruites. Annuelles, elles sont peu à redouter, puisqu’on les fauche avant qu’elles aient pu grainer ; vivaces, elles sont rarement nombreuses sur les terrains bien assolés. Il peut arriver cependant que quelques-unes de ces dernières fassent un tort réel aux herbages artificiels de quelque durée. Aussi, je suis loin de dissuader de les détruire dans leur jeunesse, autant que faire se pourra, soit à la main, soit à la binette. — À cette époque, il faut déjà commencer à regarnir les vides trop considérables en répandant des graines de la même ou de toute autre espèce susceptible d’ajouter à la masse des fourrages sans nuire à leur qualité.

Plus tard, les binages pourront encore être utiles pour raviver une prairie sur le retour. Si mieux on n’aime la défricher quand on la voit par trop faiblir, un hersage énergique, un ou deux traits de scarificateur, et l’application d’un riche compost devront encore lui rendre quelques années de fécondité ; mais ce sera le dernier effort de la nature et la dernière ressource de l’art.

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§ iii. — De l’emploi du produit des prairies légumineuses considéré comme base du système d’éducation des animaux à l’étable.

On étend trop souvent le pâturage jusqu’aux prairies artificielles. Les graves inconvéniens qui résultent, on peut dire journellement, de cette coutume sur la santé des animaux, devraient la faire abandonner, sauf le seul cas où ces prairies, arrivées au terme de leur existence, ou manquées au semis, ne sont point assez garnies pour être profitablement fauchées. En cet état, les légumineuses se trouvent mêlées à une foule d’herbes adventices qui diminuent leur fâcheuse influence. Encore, si elles dominent beaucoup, faut-il prendre la précaution de mettre le gros bétail an piquet pour fixer sa ration du jour, et, dans tout état de cause, n’introduire les troupeaux que lorsque le soleil a pompé une partie des sucs gazeux accumules durant la nuit dans les jeunes tiges et les feuilles de ces plantes dont l’abus cause si facilement la météorisation.

La véritable manière de faire consommer en vert ou en sec les fourrages légumineux, c’est à l’étable, ou, faute d’étables assez saines et assez grandes pour y laisser constamment les animaux, dans une cour disposée convenablement pour cette destination ; ou encore dans des parcs mobiles transportés chaque année près des soles qui doivent fournir la plus grande partie des fourrages.

On a fait contre ce système, ou plutôt contre le système général des prairies artificielles substituées en tout ou en partie au pâturage, plusieurs objections qui toutes se réduisent à 3, savoir : le besoin d’air et d’exercice pour les animaux, et la moindre qualité de certains de leurs produits ; — la casualité des récoltes de trèfle ou d’autres légumineuses ; — l’augmentation de frais de diverses sortes. — Il convient d’examiner séparément ces différens points.

Quant au besoin d’air et d’exercice, et à la qualité des produits, il faut s’entendre. Il est certain que dans beaucoup de lieux la mauvaise disposition et les étroites dimensions des étables rendent indispensable de n’y renfermer que le moins possible les bestiaux ; mais cette difficulté n’est pas insurmontable, puisque partout on peut trouver en plein air