Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/581

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
chap 19e
567
DESCRIPTION DES INSECTES LES PLUS NUISIBLES.

lade et de fraisiers, ou de bordures en gazon, en pimprenelle ou statice, en les renouvelant plusieurs fois, les terrains occupés par des cultures précieuses, afin d’attirer les vers-blancs et les tuer auprès de ces plantes sacrifiées ; 3o à parsemer de chaux, de suie, de cendres de tourbe, à forte dose, le terrain pour en écarter ces vers. — On a vanté aussi les affusions ou arrosages avec de l’eau rendue puante par la hue et autres herbes dégoûtantes ; mais ces moyens sont insuffisans.

Ce n’est pas le ver-blanc qu’il suffit d’attaquer, ce sont les hannetons femelles à qui surtout on doit déclarer une guerre à mort. Un battage des arbres ou hannetonage pendant le jour, lorsque ces insectes restent cois, depuis les 7 heures du matin jusqu’à 3 ou 4 heures du soir, les faisant tomber, on peut alors en amasser ou écraser par milliers. On a payé 15 et 20 centimes le décalitre de ces hannetons, et l’utilité de cette guerre est moins illusoire que la guerre souterraine toujours désespérante et sans garantie de succès. Il serait à désirer que des réglemens de police devinssent obligatoires pour cette destruction, comme pour l’échenillage ; car l’extermination de ces légions, si elle n’est pas suivie avec persévérance, ne serait que momentanée ; elle laisserait le péril subsister et bientôt s’accroître au-delà de toute prévision dans les meilleures terres, tandis que les sols argileux, tenaces et denses, sont moins assaillis par les vers-blancs. Déjà le département de Seine-et-Oise a voté 3,000 fr. pour la destruction des hannetons. Ces insectes à vol pesant, aimant d’ailleurs à se cantonner dans les terroirs les plus favorables à leur multiplication, peuvent être bornés à des espaces étroits, où une guerre acharnée finirait par les rendre plus rares ; mais il faut le concours des administrations supérieures ; tel est le vœu d’un rapport fait à la Société d’agriculture de Seine-et-Oise en 1834.

On a conseillé encore plusieurs autres méthodes : c’est : 1o d’enfumer les hannetons sur les arbres, pendant le jour, au moyen de flambeaux préparés avec une mèche soufrée, entourée de résine et de cire. On promène ces flambeaux allumés, de manière à suffoquer ces insectes, aux mois de mai et juin, aux heures du jour où ils se tiennent en repos sous les feuilles. Les arbres secoués ou battus avec des gaules, laissent tomber ces hannetons par milliers : il est facile de les ramasser et de les brûler à un feu de paille. 2o La méthode de ramasser les vers-blancs, après la charrue et dans les binages est trop peu efficace ; il en reste des millions dans les terrains voisins non labourés ; et en hiver, d’ailleurs, ces vers sont si profondément enfoncés que la charrue ne les déterre pas. 3o Le sacrifice des laitues ou des fraisiers, pour attirer les vers-blancs, afin qu’ils épargnent les espaliers des jardins, n’est qu’un faible palliatif. 4o L’addition de suie, de cendres de tourbe ou de houille, et de chaux, pour faire périr les vers-blancs, ne peut être ni assez considérable, ni assez profonde pour écarter d’un vaste terrain ces larves ; toutefois, ce serait au moment où les vers-blancs remontent vers la surface du sol, au printemps, que cette pratique conviendrait le mieux.

Les prédictions des retours d’années à hannetons plus nombreux, tous les trois ans, suivant quelques observateurs, n’ont rien de certain. En effet, les hivers longs et rigoureux, ou doux et chauds, n’ont pas toujours manifesté leur influence sur le développement et la multiplicité de ces scarabéides. Les années pluvieuses paraissent, au contraire, diminuer, pour les suivantes, le nombre des œufs déposés par les femelles de hannetons. Celles-ci pondent de 40 à 100 œufs. Ensuite les vers de plusieurs années précédentes forment des essaims pour celles qui succèdent, en sorte qu’on ne peut guère prévoir le degré de leur multiplication.

§ v. — Des Sauterelles et Criquets.

Les Sauterelles qu’on voit si communément sauter dans les prairies, sont, pour les naturalistes, de véritables Criquets, ainsi que les sauterelles de passage, si ravageuses et qui furent une des sept plaies de l’Égypte selon la Bible. C’est à l’aide de leurs longues cuisses postérieures, fortes ou musculeuses, que ces orthoptères s’élancent très-loin. Ils déploient aussi leurs ailes et volent parfois très-haut et à de grandes distances. Ils ont un chant ou plutôt rendent un bruit nommé chant des sauterelles, lequel est produit au moyen du frottement des élytres l’une contre l’autre sur cette partie interne, de chaque côté du corps, qui ressemble à un petit miroir de parchemin, incolore et scarieux chez les mâles seulement.

Les femelles pondent une grande quantité d’œufs réunis dans un parchemin très-mince ; il en sort bientôt des larves qui n’ont encore ni élytres ni ailes, mais, du reste, qui ressemblent aux insectes parfaits ; les nymphes présentent déjà des rudimens ou bourgeons de ces ailerons et étuis sur leur dos ; mais les sauterelles-criquets, dans toutes leurs espèces nombreuses, ne se reproduisent qu’à l’époque où les organes du vol sont développés, et où elles ont quitté leur peau qui se fend sur le dos. Ceci a lieu vers la fin de l’été.

À quelque période de leur vie que ce soit, les sauterelles mangent énormément ; leurs larges intestins formant plusieurs cavités ont été comparés à ceux des ruminans ; on a même prétendu que ces insectes ruminaient. On a vu les criquets-sauterelles, après avoir tout dévoré dans les campagnes où elles fondent en épaisses nuées, se manger entre elles par nécessité, en sorte qu’elles deviennent carnassières dans l’occasion. Cependant, nos véritables sauterelles vertes (Locusta), outre qu’elles ne se multiplient jamais aussi immensément que les criquets de passage (Gryllus), produisent moins de ravages dans les campagnes : au contraire, ces sauterelles-criquets sont si voraces, qu’on a vu des mâles montés pour l’accouplement et tenant leurs femelles embrassées fortement de leurs deux premières paires de pattes, volant ensemble en cet état, finir par ronger la tête de ces femelles qui n’en achevaient pas moins de pondre.