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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/88

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liv. ier.
AGRICULTURE : AMENDEMENS.

dans le sol, on les jette sans les couvrir sur les récoltes en végétation. Jetées, au printemps, sur les orges et les fromens, elles les améliorent sensiblement ; cependant cet emploi est assez rare. Des expériences faites sur les mêmes récoltes, dans un même sol, de cendres enterrées à la semaille, ou répandues à la surface sur les plantes en végétation, m’ont donné un produit plus utile dans le sol qu’à la surface, et ont démontré la justesse de la pratique qui préfère les enterrer.

La pratique préfère aussi les cendres lessivées aux cendres vives : le raisonnement n’appuie pas ces faits ; mais, en agriculture plus encore qu’ailleurs, « experientia rerum magistra » ; je m’en suis moi-même assuré par des essais comparés. Nous n’en conclurons pas néanmoins que ce résultat doit toujours avoir lieu : sur le sol que les substances salines féconderaient, je pense que les cendres vives produiraient plus d’effet ; mais sur ceux auxquels suffit le phosphate de chaux, on conçoit que les cendres lessivées, qui ont perdu leurs parties solubles, en contiennent davantage, et doivent par conséquent produire plus d’effet sous un même volume.

Prix de revient et produit net des cendres. L’emploi des cendres lessivées fait produire au sol 2 semences de plus en froment et moitié en sus du produit ordinaire en menus grains ; c’est un surplus de produit par hectare de 4 hectolitres en froment, soit 70 à 80 fr. la première année, et en menus grains, la seconde année, d’une valeur moyenne de 50 à 60 fr., en tout 130 fr. en deux années ; mais les dépenses, frais de transport compris, de cet engrais, à la dose, pour les sols humides, de 30 hectolitres, au prix de 3 fr., sont de 90 fr. ; ce qui donne 40 fr. de bénéfice, non compris les pailles et les fumiers qu’on a portés à d’autres fonds, qui, pour les deux années, valent au moins le double de cette somme, soit en argent, soit en surplus de denrées produites par ce surplus d’engrais. Les cendres, en les comptant à un prix élevé, sont donc un prêt usuraire fait au sol, et qui double son capital en deux années.

La production des cendres est bien considérable ; car, sur 8 millions de feux qu’entretient la population française, 7 millions au moins sont alimentés exclusivement par le bois ; les ¾ qui se perdent peut-être en très-grande partie, appelleraient la prospérité et la richesse sur de grandes étendues de sol médiocre, feraient croître de moitié en sus les produits sur plusieurs centaines de milliers d’hectares, et seraient un bienfait de plus qu’on devrait à nos six millions d’hectares de bois, qui se trouveraient ainsi féconder un 10e au moins de leur étendue en sol labourable.

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§ ii. — Des cendres de tourbes et de houille.

Ces cendres sont regardées en Flandre, dans le dép. du Nord et en Belgique, comme l’un des grands agens de la végétation. On distingue les cendres de tourbe de celles de houille.

i. Cendres de Hollande. — On donne particulièrement le nom de cendres de Hollande aux cendres de mer, ou aux cendres de tourbe du pays ; les 1res sont beaucoup plus estimées que les secondes ; il en faut 4 fois moins pour produire autant d’effet : elles sont le produit de la combustion de la tourbe de Hollande. Cette tourbe, qui a été formée ou qui, du moins, a séjourné long-temps sous les eaux de la mer, est un meilleur combustible, et surtout donne des cendres blanches de meilleure qualité ; ces cendres contiennent sans doute une plus grande proportion de principes salins et de principes calcaires.

On les emploie, ainsi que les cendres de tourbe et de houille, sur les fourrages artificiels, sur les lins, sur les récoltes de printemps, et sur les prairies non arrosées. Elles sont devenues indispensables à la culture dans l’arrondissement de Lille, où l’on emploie peu les amendemens calcaires ; dans les autres arrondissemens et particulièrement dans celui d’Avesnes, on les mêle très-souvent à la chaux depuis moitié jusqu’à un quart du volume total.

Les composts de cendres et de chaux sont particulièrement employés sur les prairies et les grains de mars, à la même dose que si c’était de la chaux pure, c’est-à-dire 4 mètres cubes ou 40 hectolitres par hectare tous les 10 ou 12 ans.

Les cendres de mer s’emploient volontiers sur les trèfles ; on y en met de 5 à 10 hectolitres par hectare, et le trèfle donne un superbe produit qui ne manque presque jamais en Flandre ; le blé qui succède se ressent de la fécondité du fourrage.

Le haut prix auquel les Flamands étaient obligés d’acheter les cendres de mer, leur a fait chercher et trouver un amendement moins cher ; ils vont prendre en Picardie et sur leur propre sol un produit minéral extrait du sol, auquel on donne le nom de cendres noires, cendres rouges, qui suppléent les cendres de mer, vendues trop chèrement par leurs voisins les Hollandais ; nous en traiterons dans le § suivant.

ii. Cendres de houille. — Elles s’emploient au défaut de toutes les ressources qui précèdent ; cependant elles sont encore très-actives, et elles composent en partie les boues de rue qu’on achète chèrement dans toutes les villes et bourgs. Nous avons à regretter que ce produit soit généralement perdu en France : c’est presque à leur insu que ceux qui recueillent les boues à Lyon en ramassent une quantité considérable dont ils éprouvent les bons effets sans savoir qu’ils les leur doivent.

iii. Cendres de tourbe en général. — En Picardie, on les emploie en grande abondance ; les vallées de la Somme et de ses affluens renferment de grandes masses tourbeuses qu’on exploite avec grand profit pour faire des briques, de la tuile, et pour le chauffage domestique : en outre, on en brûle encore beaucoup pour se procurer de l’engrais. On y emploie les cendres de tourbe pour les prairies naturelles et artificielles et pour les blés d’automne ; on y en met 40 hectolitres par hectare ; leur prix est peu élevé, c’est-à-dire de 40 c. l’hect. pris sur les lieux.

En Angleterre on en emploie beaucoup aussi, mais les règles de leur emploi et leurs doses varient avec chaque pays. Leur composition est tellement variable, qu’on ne peut guère donner de directions précises ; cepen-