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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/111

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chap. 9e
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DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


tue ; c’est dans une terre pareille que les pierres sont bonnes à conserver, quoiqu’on puisse facilement l’améliorer par de la marne calcaire, appliquée à la surface. — Il est aussi un grand nombre de localités où, sous une couche peu épaisse de terre argilo-calcaire, se trouve une roche fendillée de peu d’épaisseur ; ces terrains sont aussi très-favorables à la culture de la vigne.

D’autres qui ne le sont pas moins sont : 1° les terrains granitiques formés de détritus de granit, qui produisent les vins fameux de Condrieux, de l’Hermitage, de Saint-Pérai, de la Romanée ; 2° les terrains schisteux sur lesquels se récoltent les vins de Côte-Rôtie, de la Malgue et les meilleurs vins de l’Anjou ; 3° les terrains volcaniques formés de matières rejetées par d’anciens volcans éteints, sur lesquels sont assis une partie des vignobles du Rhin, de Rochemaure en Vivarais, du Vésuve et de l’Etna. Il faut aussi y ajouter les terrains calcaires ou crayeux, si communs en Champagne.

Dans les vignobles de la côte de Reims, au-dessous d’une couche de terre d’environ 2 décimètres, se trouve un lit épais d’argile ferrugineuse, contenant des pierres meulières. Les plaines du Médoc se composent dans leur partie supérieure d’une terre légère entremêlée d’une grande quantité de petits cailloux roulés d’environ un pouce de diamètre, sous laquelle se trouve aussi une argile rouge, sèche et compacte, la plupart des bons vignobles de France, parmi les plus renommés, sont assis sur une terre argilo-calcaire caillouteuse ; c’est aussi celle que les Trévisans, par l’organe de l’abbé Zucchini, regardent comme la plus favorable à la bonne qualité du vin. Nous avons indiqué comme une des conditions les plus avantageuses d’un sol, son mélange avec des graviers, des cailloux ou des pierrailles : il est constant que ces corps durs, sans fournir d’alimens appréciables à la plante, modifient les propriétés du sol en le divisant, et donnent à ses productions plus de qualités. On aura donc soin de n’extraire de la vigne que les pierres qui pourraient nuire par leur grosseur aux façons qu’on donne à la terre. Il y a même des cas où l’on peut opérer une amélioration sensible en y en apportant ; j’en ai fait moi-même l’épreuve.

Quand, dans la Touraine, une couche de terre, même peu profonde, repose sur un lit de pierres sous lequel se trouve une argile rouge, celle-ci est un indice certain, disent nos vignerons, du succès de la vigne et de la qualité du vin. Il faut donc conclure de toutes ces observations que la présence de l’argile rouge dans cette position, à 3 ou 4 décim. de sa surface, est partout reconnue comme une condition très-favorable à la production des bons vins, soit que l’argile ne maintienne que la fraîcheur suffisante pour empêcher la vigne de jaunir dans les grandes sécheresses ; soit que ce soit une qualité propre à cette nature de l’argile placée à cette distance d’influer toujours favorablement sur la qualité du vin. On a remarqué que les terrains dont elle faisait partie en proportion convenable étaient les plus aptes à produire les vins blancs les plus doux ; mais souvent ils donnent trop de corps au vin rouge. Cependant, si l’argile s’y trouve en trop grande proportion, et qu’elle n’y soit pas divisée suffisamment par une grande quantité de pierrailles ou de cailloux, elle communique au vin rouge ce qu’on appelle le goût du terroir, surtout si cette terre est d’un brun foncé ; nous en avons connu une de cette nature qui donnait le plus mauvais vin du département où elle était située ; mais, hors ces rares exceptions, la terre où l’argile est seulement en quantité convenable, a aussi une influence avantageuse sur le vin rouge, en lui donnant plus de corps et de sève, surtout si des parties calcaires la divisent et l’ameublissent ; tels sont pour ces dernières celles qui produisent les vins des Palus ; et pour les autres, ceux de Frontignan, les vins blancs de Bergerac et ceux de Vouvrai près Tours.

§ III.— De la situation et de l’exposition.

Tous ces terrains ne jouiront de leurs avantages que s’ils se trouvent dans une situation un peu élevée et un peu inclinée à l’horizon. Quelque favorable que soit la composition de la terre, ses avantages seront donc perdus, si elle est située dans un vallon étroit ou même sur le sommet d’une colline élevée : dans l’un et l’autre cas, le raisin n’acquerra pas une maturité suffisante ; dans le premier, il pourrira avant de mûrir, dans le second sa peau, durcie parla sécheresse et les vents, ne renfermera qu’un suc rare et acide. Si votre champ n’est qu’à une hauteur moyenne, il sera désirable que sa surface soit plutôt légèrement convexe que plane, et surtout que si son inflexion était en sens inverse, car les gelées s’y asseyent bien plus facilement.

Sans doute il vaudrait mieux que l’inclinaison que nous avons désirée fût vers le midi, si l’on en avait le choix ; mais nous sommes loin d’en faire une condition de rigueur, car il y a tant d’exemples de vignobles renommés qui ont l’exposition du nord, regardée comme la plus dangereuse, que nous sommes portés à ne la frapper d’aucune infériorité à l’égard des autres, quand l’angle d’inclinaison ne passe pas 20 ; nous n’attacherons pas tant d’importance à cette circonstance que beaucoup d’auteurs le font. Nous pourrions citer en Champagne les terroirs de la côte d’Epernay, de Ludes, Mailly, Chigny, Rilly et autres, qui ont l’exposition du nord, et qui sont cependant supérieurs à ceux de Saint-Thierry et autres voisins qui ont celle du midi. Nous pourrions y ajouter beaucoup d’autres exemples, tels que quelques coteaux du Rhin les mieux famés, plusieurs de ceux de Saumur et d’Angers, et ceux de Saint-Avertin et de Joue près de Tours. Il est peu de vignobles dans l’est de la France où il ne se trouve des vignes à l’exposition du nord, et souvent ce sont celles dont le produit est le plus estimé ; en général, elles sont moins sujettes aux effets désastreux des gelées du printemps, et plus exposées aux impressions favorables du vent du nord. Il est bien certain

agriculture.
tome II.— 13