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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/116

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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.

Nous n’oublierons pas Picardan, très-commun dans les départemens formés de l’ancien Languedoc, où on en fait un vin du même nom, et où il est plus propre que dans nos départemens, quelquefois d’une température humide au temps des vendanges, à fournir un vin doux et moelleux, mais sans force et sans corps ; car ses raisins, qui sont composés de gros grains serrés, pourrissent facilement. Il n’est cultivé dans le département d’Indre-et-Loire que par les petits propriétaires qui recherchent l’abondance, et desquels il est connu sous le nom de Sudunais.

Sur les bords du Gard et du Rhône, les deux plants dominans pour les vins rouges, sont le Pique-poule noir et le Grenache rouge ou Alicante. Ce dernier gagne chaque année du terrain aux dépens des autres, surtout dans les départemens des Pyrénées où on lui associe avec avantage le Mataro et la Crignane. Il mérite cette préférence à tous égards ; car il communique au vin qui en provient, ou dans lequel il entre, une belle couleur, un bouquet agréable et beaucoup de vinosité, c’est à-dire du corps réuni à la spirituosité. Son introduction dans les vignobles a amélioré tous les vins dans la composition desquels il est entré pour une quantité notable. Sa maturité arrivant au même moment que le Carbenet du Médoc ou Breton de Touraine, qui est loin dépêcher, comme lui, par excès de principe sucré, il serait convenable d’essayer leur mélange dans la cuve. Vers les Pyrénées-Orientales, il y a encore le Pique-poule gris qui y est fort estimé, et le Grenache blanc dont le vin, après 10 à 12 ans d’attente, prend le nom de Rancio et peut être considéré comme un des meilleurs vins de liqueur connus. Dans cette même classe et dans ce même département, ainsi que dans quelques cantons de celui de l’Hérault qui y joignent, se récoltent les vins muscats si justement renommés, auxquels les cépages qui les produisent ont donné leur nom. Les délicieux vins de l’Hermitage sont le produit de la grosse et petite Sirrah pour le rouge, de la grosse et petite Roussane pour le blanc ; ces derniers, sous le nom de Roussette, qu’ils doivent à la couleur de leurs raisins, fournissent les agréables vins de Saint-Pérai. Il y a aussi le Mourvèbre dans le département des Basses-Alpes, où il est fort estimé. Ce n’est point un Pinaut, comme l’a dit Rosier, car les Pinauts noirs mûrissent tous de bonne heure, et le mourvèbre est très-tardif. Je ne ferai que nommer la grosse Sérine noire, qui fournit les vins de Côte-Rôtie, et le Vionnico blanc, qui donne ceux de Condrieux ; car ils manquent à ma collection, et je n’ai pu les étudier. Enfin, les cépages dont les Corses font le plus de cas sont : le Sciacarello ; ses raisins, ainsi que ceux de la Malvasia et du Barbirono, ont très-bien mûri, dans un vignoble près de Tours, en cet automne froid et pluvieux de 1835 ; le Barbirono et l’Aleatico en rouge, et pour les blancs la Malvasia ou Vernantino, et le Brustiano.

Tous les cépages dont je viens de parler, ainsi que quelques autres d’Espagne, d’Italie et même de Hongrie, sont cultivés dans un vignoble des environs de Tours ; ceux à raisins blancs dans une vigne destinée à donner du vin blanc, ceux à raisins rouges ou violets dans une vigne pour le vin rouge ; mais ils ne le sont pas depuis assez longtemps, les observations auxquelles ils peuvent donner lieu ne sont pas assez nombreuses, assez répétées pour qu’elles puissent être encore de quelque importance.

§ V. — Plantation de la vigne.

Quand celui qui veut planter une vigne aura fait choix du terrain, qu’il en aura bien reconnu la nature, il aura à juger s’il est propre à la production de vins fins. Nous avons posé les bases d’après lesquelles, et aussi avec l’aide d’un paysan intelligent, il pourra se décider à coup sûr. Si cependant il n’avait d’autre débouché que la consommation locale ou celle d’un voisinage peu riche, ou enfin la distillation, il devrait agir conformément aux règles que lui imposerait l’une de ces circonstances, après avoir fait la part du terrain qu’il destinera à sa consommation, en lui supposant toujours l’intention de chercher à se procurer par ses soins le meilleur possible.

L’opération fondamentale deviendra alors la plantation. Ce sera toujours sur une terre neuve, c’est-à-dire qui n’aura pas porté de vigne depuis longtemps, ou sur une terre rajeunie et renouvelée par une culture améliorante, telle que celle du sainfoin, qui doit convenir plus que toute autre à la nature du terrain destiné à la vigne.

La première question qui se présentera alors sera celle de l’espacement, qui sera subordonné au mode de culture que l’on voudra adopter ; car il est évident que si c’est à la charrue, il faudra un plus grand intervalle entre les rangées ; à plus forte raison, si c’était ce qu’on appelle des hautins, dont nous nous occuperons très-peu, comme ne produisant que des vins indignes de figurer dans la consommation extérieure à la localité, qui n’adopte cette culture que par quelque circonstance extraordinaire, telle que le voisinage des montagnes, ou comme culture très-profitable par son abondance et très-économique.

Ce mode de culture de la vigne en hautins (fig. 51) consiste à planter des arbres de 8 à 10 pieds de haut et de 2 pouces de diamètre, à 4 mètres de distance ; les ormes et les érables sont préférés : lorsqu’ils ont repris, on plante à leurs pieds un ou deux ceps de vigne qu’on fait monter d’année en année autour de l’arbre jusqu’à l’endroit où il a été étêté, d’où l’on dirige les sarmens en guirlande d’un arbre à l’autre, au moyen des branches qu’on réduit à 4 ou 5 on raccourcit ou on supprime tout à-fait les sarmens qui s’écartent trop de la direction des guirlandes ; le terrain intermédiaire se cultive en céréales. Il est beaucoup de cantons dans le midi où l’on substitue aux arbres de longs pieux de 6 à 8 pieds de haut, et qui offrent quelques fourchures, d’où l’on conduit les sarmens de l’un à l’autre au moyen de perches qui les unissent. Mais ces vignes ne produisent qu’un vin de très-médiocre qualité, seulement propre à la chau-