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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


couche de terre de 3 à 4 pouces sur laquelle on applique la crossette en la coudant à l’angle de la tranchée. Nous supposons ici qu’on se sert de sarmens tels qu’ils ont été coupés lors de la taille de la vigne, et auxquels on a donné le nom de crochets ou crossettes d’une petite portion de bois de deux ans, de la longueur d’un ou deux pouces, qu’on a laissée au bois de l’année.

Du reste, ce soin n’est point indispensable, ni même la courbure du sarment ; car l’expérience a souvent été faite d’une plantation par simple bouture de bois de l’année et posée droite (fig. 54), dont le succès a été satistaisant. C’est surtout quand on a des cépages précieux dont on ne veut rien perdre, que cette plantation par boutures droites est recommandable ; on la fait dans un potager pour en obtenir des plants de remplacement qu’on appelle alors chevelus (fig. 55), du grand nombre de petites racines dont ils sont pourvus ; on peut les lever à deux ans, mais encore mieux à trois ; dans cet état leur reprise est certaine.

Fig. 54. Fig. 55.

Souvent aussi on se procure ce plant enraciné qu’on appelle simplement chevelu par marcottes ou provins. Ce mode de plantation fait gagner un an et même deux si le chevelu a trois ans ; mais il est très-coûteux, et comme il rend le provignage moins nécessaire et même presque entièrement inutile, parce que tous les chevelus mis en terre sont assurés de leur reprise ; comme aussi leurs racines déjà formées trouvent plus de difficulté à s’étendre que celles qui se forment sur le lieu même dans la plantation par crossettes, les vignes plantées avec celles-ci passent généralement pour durer plus long-temps que les autres. On conçoit que ces crossettes, ne réussissant pas toutes, forcent à un provignage étendu et répété plusieurs années ; or, ces soins suivis long-temps accroissent nécessairement la puissance végétative du terrain, d’autant plus qu’on ne fait jamais de marcottes ou provins sans les fumer ou du moins les terreauter.

Il se présente ici une question qui n’est pas encore décidée d’une manière absolue ; car sa solution est différente dans nos différentes régions viticoles, c’est celle de la multiplicité des variétés, ou d’un très-petit nombre, ou même d’une seule. Dans plusieurs parties du Midi, on regarde comme avantageux à la qualité du vin qu’il soit le produit d’un grand nombre d’espèces, parce que, dit-on, certains raisins abondent en principe sucré, qu’ils ont besoin d’être alliés à d’autres doués d’une grande proportion de ferment, et que le mélange d’un grand nombre participe des bonnes qualités de chacune. Sur les coteaux de la Marne, vers la Côte-d’Or, à l’Hermitage (Drôme) et dans l’Ardêche. on peut dire partout, les meilleurs vins ne proviennent que du mélange d’un très-petit nombre de variétés bien assorties, et dont le mérite est bien reconnu, et par ce moyen on détermine plus sûrement la bonne nature du vin qu’on a tout intérêt à conserver, puisque l’expérience en a démontré la supériorité. Enfin, sur les coteaux de la Loire, ers Tours, Saumur et Angers, et dans quelques localités du Midi, on s’en tient à une seule espèce : le Pinaut blanc d’une part, et dans les dernières, le Muscat, le Macabeo, le Grenache blanc, le Malvoisie, le Pique-poule gris, donnent chacun à part une sorte de vin de haut mérite, et qui perdrait son cachet particulier par le mélange des raisins de plusieurs variétés. Nous ne pouvons partager l’opinion de ceux qui sont pour le grand nombre de variétés, parce qu’il est rare qu’il ne s’en trouve pas d’inférieure et dont l’influence se fait plus ou moins sentir en raison de leur abondance. Sans doute, il est sage de mêler le Grenache rouge ou Alicante dont le moût très-sucré est d’une difficile fermentation, avec l’œillade ou ulliade, et quelques autres qui sont également pourvus du principe fermentescible en plus grande proportion ; mais nous ne pensons pas que ce mélange doive se composer de plus de 4 ou 5, et il est important dans cette réunion d’avoir égard à la simultanéité de maturité, considération ordinairement trop négligée de la part des planteurs de vigne. Mais il serait encore mieux de séparer les espèces dont on voudrait mettre les produits dans la cuve ; car il y en a de faibles qui ne souffrent pas le voisinage de celles d’une végétation vigoureuse et dont le traitement doit être différent. M. Lenoir observe très-judicieusement que bien certainement on n’a pas épuisé toutes les chances que présentent le choix des plants et leur combinaison pour produire de bons vins et créer des vignobles qui pourraient devenir célèbres ; il faut donc encourager les cultivateurs qui essaient de nouvelles combinaisons et l’introduction de nouveaux plants, et ne pas enchaîner leur essor investigatoire par des considérations systématiques qui n’ont point pour elles l’autorité de l’expérience.

Quant à la distance à mettre entre les rangées pour les vignes basses, elle varie beaucoup du midi au nord. Il paraît qu’on se trouve bien dans le midi de mettre les plants à un mètre et demi ou deux mètres, ce qui doit donner beaucoup plus de force à la végétation ; aussi les ceps et les sarmens sont-ils généralement plus gros et plus longs que dans la partie centrale et septentrionale de la région viticole. Une autre raison dont personne na parlé, c’est que parmi le grand nombre de variétés qui y sont cultivées, il en est quelques-unes dont la nature est d’avoir des sarmens plus gros ; nous citerons entre antres le Blanc-semillon qui fait la base des vignes de Sauterne ;le Grenache rouge, si multiplié sur le littoral de la Méditerranée ; le Listant commun de l’Andalousie. La distance entre les ceps et celle entre les rangées est beaucoup plus rapprochée dans les départemens du centre et du nord, où elle n’est quelquefois que de 30 ou 40 centimètres entre les ceps dans le sens des lignes ou rangées, et de 50 entre les mêmes lignes ; ce qui