Aller au contenu

Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
chap. 13e.
147
Du pommier et du poirier.

bouche ou Verte-longue, Messire-Jean, Martin-sec, Echassery, Franc-Réal, Catillac, de Livre ou Gros-Râteau.

Les pommes à couteau présentent un moindre nombre de variétés que les poires, et sont aussi assez généralement connues sous les noms suivans ; nous ne citons que les meilleures : Calville blanc d’hiver, Postophe d’hiver, Calville rouge d’automne, Châtaignier, Fenouillet gris, Fenouillet jaune ou Drap d’or, Reinette franche, R. d’Angleterre ou Pomme d’or, R. dorée, R. de Hollande, R. de Bretagne, R. de Canada, R. d’Espagne, R. grise, Pigeonnet, Rambour franc ou gros, Rambour d’hiver, Api, Court-pendu ou Capendu. En outre de ces variétés de choix, on peut mettre en réserve, lors du cueillage des fruits à cidre, plusieurs sortes de pommes bonnes surtout à cuire.

Dans les exploitations rurales on ne doit pas considérer le produit des pommiers et des poiriers comme uniquement destiné à fabriquer du cidre ou du poiré ; car, dans les années de grande abondance, cet emploi des fruits n’est pas toujours le plus profitable, à cause des frais assez considérables qu’exigent la préparation et la conservation de cette boisson. Comme les pommes à manger crues ou cuites, surtout lorsqu’on peut les mélanger avec quelques pommes à cidre, peuvent aussi se convertir en un très-bon cidre, nous pensons qu’on doit généralement les faire entrer dans les plantations en proportion assez considérable, afin d’avoir la ressource de les expédier sur les marchés des villes si on le croit dans son intérêt. Au surplus, pour les unes comme pour les autres, lorsque la quantité en est trop considérable, on peut acheter en juin de jeunes cochons qu’on nourrira fort avant dans l’hiver avec ces pommes ou poires ; on peut même les donner aux chevaux, aux vaches, aux moutons (à ces derniers toutefois avec modération), en ayant la précaution de les concasser grossièrement. M. O. Desnos est d’avis qu’il y a plus de profit, dans ces cas d’abondance, lorsqu’on peut faire les avances nécessaires, à fabriquer du cidre avec ces fruits pour le faire brûler ensuite et eu tirer de l’eau-de-vie qu’on garderait jusqu’au moment opportun pour la vente.

En outre de l’utilité de leurs fruits, le pommier et le poirier fournissent un bois très-bon, soit pour le chauffage, soit pour les ouvrages de menuiserie et d’ébénisterie ; celui du poirier notamment, dont la dureté est encore plus grande, est recherché pour les graveurs sur bois, à défaut du buis ou du cormier ; il est en outre précieux pour les tourneurs et les ouvrages de marqueterie, parce qu’il prend si bien la couleur noire qu’on a souvent de la peine, lorsqu’il en est bien imbibé, à le distinguer de l’ébène.

Dans plusieurs pays où l’on a remarqué l’abondance des fruits des poiriers et des pommiers sauvages, on a le bon esprit de composer les haies avec ces sortes de végétaux, et on se procure ainsi, au moyen d’un arbuste qui remplit bien ses fonctions de défenseur, une boisson peu agréable pour qui n’a pas l’habitude d’en faire usage, mais cependant d’un grand secours lorsque les autres boissons sont rares ou d’un prix élevé. Au surplus, nul doute que plusieurs variétés de pommiers et de poiriers cultivées ne se prêtent parfaitement à la formation des haies, que A. Thouin proposait de rendre meilleures et plus productives en greffant les rameaux les uns sur les autres aux endroits où ils se croisent.

§ II. — De l’éducation et de la plantation.

Dans la culture des champs, les soins qu’on donne à la plantation et à l’entretien des pommiers et des poiriers sont peu considérables, en sorte qu’on peut dire que c’est presque sans frais qu’on se crée pour l’avenir une richesse considérable. Lorsqu’on se trouve dans le voisinage des forêts qui n’en sont point encore dépourvues, on peut y faire choisir et arracher les sauvageons bien venans qui s’y rencontrent, pour en former aussitôt sa plantation ; on les prépare comme les sujets transplantés d’une pépinière pour être mis à demeure, et on n’a plus qu’à les greffer au bout d’une année ou deux, selon la vigueur, la force et la hauteur de l’arbre.

La direction et la hauteur des ramifications doit surtout être prise en grande considération pour les pommiers, qui croissent peu en élévation et étalent souvent leurs branches jusqu’à terre, ce qui fait perdre une grande étendue de terrain. Pour ces arbres, il est donc de première importance de choisir les espèces qui affectent une forme élancée, pyramidale, ou tout au moins soutiennent leurs rameaux à une suffisante distance du sol pour que le soleil y pénètre et que l’air y circule ; par la même raison, il est aussi préférable de retarder la greffe de quelques années, si cela est nécessaire pour que l’arbre porte sa tête à une plus grande élévation.

À cette différence près, et à celle de la profondeur à laquelle pénétrent les racines et qui impose pour le poirier le choix d’un terrain plus profond, la culture du pommier et du poirier est la même ; quoique ce dernier soit généralement plus robuste, qu’il supporte mieux l’exposition à l’ouest et au nord, qu’il craigne moins la grande humidité du terrain et l’évaporation des eaux voisines, leur enfance dans la pépinière, leur transplantation, la manière de les greffer et de les conduire, comme le mode de récolter leurs fruits et l’emploi de leurs produits, sont absolument les mêmes, et ce que nous allons en dire s’appliquera aussi bien à l’un qu’à l’autre.

Dans les circonstances ordinaires, lorsque l’étendue des terrains à planter est encore considérable, il est plus économique de créer une pépinière sur son domaine que de se pourvoir d’arbres chez les marchands ; cela est aussi plus avantageux, parce qu’on peut, avec plus de facilité et de certitude, faire un choix bien combiné des variétés de fruits préférables. Mais il est pour cela indispensable que cette pépinière puisse être sous la surveillance immédiate du propriétaire ; car le fermier, à moins que son bail ne soit à très-long terme, donnera rarement à l’éducation des arbres les soins nécessaires, parce qu’il verra toujours dans un avenir prochain et assuré les soins et les embarras de leur culture, et au contraire, dans un avenir éloi-