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chap. 13e.
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Végétaux propres à donner des liqueurs vineuses.

après un temps plus ou moins long, se couvrent de mousses, de lichens et de bois mort ; il est indispensable d’extirper les premiers en frottant fortement les branches avec une brosse, par un temps humide ; quant au bois sec, on le coupe à la serpe jusqu’au vif ; on doit aussi détruire avec soin les guis qui infestent quelquefois les pommiers et leur sont très nuisibles. — Sur les vieux arbres l’écorce est quelquefois si épaisse et si gercée qu’elle ne sert plus que de retraite à une multitude d’insectes ; il est bon d’en enlever une partie avec la plane du tourneur ou la serpe, ainsi que les champignons parasites.

Un très grand nombre d’insectes attaquent les arbres qui nous occupent ; nous en parlerons dans la 5e section.

Il est impossible d’assigner avec quelque exactitude la quantité des produits qu’on peut raisonnablement espérer d’une plantation de pommiers ou de poiriers. Lorsqu’on a planté de beaux arbres dans un sol convenable, et qu’on n’a pas négligé les soins d’entretien, on commence à obtenir quelques produits au bout de 5 ans ; au bout de 10, ils méritent déjà l’attention, et on peut regarder les arbres comme en plein rapport à 20 ans. — La quantité de fruits que porte un bel arbre est souvent énorme, mais souvent aussi il n’en rapporte que quelques-uns ou même pas du tout ; généralement, même les bons arbres ne produisent une abondante récolte que tous les deux ou trois ans. — On voit souvent des plantations fort belles ne jamais fleurir, ou les fleurs avorter constamment ; cela parait dépendre du choix des variétés plus ou moins fructifères en raison des circonstances locales ; ce sujet n’a pas encore été suffisamment étudié, malgré son importance.

[13.2]

Section II. — De quelques autres arbres ou plantes dont les fruits ou la sève sont propres à donner des liqueurs vineuses, de l’alcool, etc.

Dans la grande famille des Rosacées, les sections des Amygdalées et des Pomacées sont celles qui fournissent le plus de produits vineux ou alcooliques. Après le Pommier et le Poirier, dont il vient d’être traité en particulier à cause de leur importance, il faut mentionner, parmi les Pomacées, les fruits des Alisiers, des Néfliers, des Cormiers, des Sorbiers, dont les habitans des campagnes emploient les différentes espèces pour préparer des piquettes ; mais, avec plus de soin et de méthode, les alises, les nèfles, les cormes et les sorbes pourraient servir à faire une sorte de cidre, et celui de cormes surtout, qui se prépare dans quelques cantons voisins des forêts où les cormiers sont communs, a beaucoup d’analogie avec celui qui se fait avec des poires. Tous ces cidres donnent plus ou moins d’alcool à la distillation, et si on les fait au contraire passer à la fermentation acéteuse, ils peuvent être convertis en vinaigre. C’est principalement dans les pays du nord qui sont privés de la vigne, que ces différens fruits sont employés pour en retirer de l’eau-de-vie.

Les fruits des Amygdalées jouissent des mêmes propriétés que ceux des Pomacées, et les produits qu’on en retire sont même beaucoup plus agréables, et pour cette raison plus usités. Sous ce rapport, le kirschemcasser et le marasquin méritent d’être indiqués d’une manière particulière. — Le kirschenwasser est une liqueur spiritueuse, une sorte d’eau de-vie très forte, qu’on obtient par la distillation des fruits du Merisier, après les avoir fait convenablement fermenter, et qui est aussi claire et aussi transparente que l’eau la plus limpide. C’est dans les montagnes des anciennes provinces d’Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté en France, dans les cantons de Berne et de Bâle en Suisse, et dans la Souabe qu’on en distille le plus ; de là cette liqueur est transportée dans toute l’Europe. La merise noire sauvage donne le meilleur kirschenwasser, après elle les merises rouges, et enfin les guignes. La liqueur alcoolique qu’on relire des cerises acides est toujours d’une qualité inférieure. Le degré moyen de la pesanteur du kirschenwasser est entre 22 et 26 degrés de l’aréomètre de Beaumé.

Le marasquin est une autre liqueur alcoolique, faite avec une petite cerise nommée marasca en Italie. Cette liqueur est beaucoup plus douce et plus agréable, au goût de bien des personnes, que le kirschenwasser. C’est de Venise, de Trieste, et surtout de Zara en Dalmatie qu’on tire la meilleure et la plus estimée. On a ignoré pendant longtemps en France les procédés de sa préparation ; mais on sait aujourd’hui que c’est en écrasant les fruits, en les faisant fermenter, et en les distillant lorsque la fermentation vineuse est convenablement développée. Ensuite le produit de la première distillation se rectifie au bain-marie, jusqu’à ce que le liquide soit dépouillé de tout corps hétérogène ; ce qu’on reconnaît à l’odeur et à la saveur agréables de la liqueur. On fait enfin fondre du sucre blanc dans une suffisante quantité d’eau simple ; on le mêle avec l’alcool, et on laisse vieillir le mélange. La cerise marasque est cultivée au Jardin-du-Roi et chez quelques pépiniéristes ; mais il n’est pas à notre connaissance qu’on ait encore essayé de faire du marasquin en France. En général, nous croyons que les produits alcooliques qu’on pourrait retirer de plusieurs variétés de cerises sont trop négligés.

Les Prunes sont au nombre des fruits que les Hongrois mettent fermenter avec les pommes, pour obtenir le raki, boisson moins spiritueuse que l’eau-de-vie, mais qui passe pour être plus saine. Dans plusieurs provinces d’Allemagne, en Suisse, et dans quelques parties de la France sur les bords du Rhin, on fait un vin de prunes et on retire de celui ci une liqueur alcoolique appelée zwetschenwasser, du nom de l’espèce avec laquelle on la fabrique le plus souvent.

Lorsque Bosc était dans les États-Unis d’Amérique, il y a une quarantaine d’années, les colons, habitant sur les derrières des Ârolines, plantaient beaucoup de Pêchers, uniquement pour convertir leurs fruits en eau-de-vie ; les pêches employées de cette manière y étaient l’objet d’un produit annuel très considérable, parce que l’eau-de-vie qu’on en retirait servait de boisson.