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chap. 1er.
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DE LA CAMELINE.


famille des Crucifères.— Elle est toujours annuelle. — Sa tige, cylindrique et très-rameuse, s’élève de 1 a 2 pieds (0m 325 à 0m 650). — Ses feuilles sont velues, alternes ; les inférieures oblongues et presque spatulées ; les caulinaires semi-amplexicaules, auriculées et ciliées sur les bords. — La fleur est jaune.

Cette plante, que nous considérons ici sous le seul point de vue de la production de ses graines, a cependant quelques autres usages : — ses tiges sont employées dans diverses localités pour couvrir les maisons ; — dans beaucoup d’autres pour chauffer le four ; — on a pu en tirer une filasse de médiocre qualité ; — enfin, on les a recommandées depuis long-temps pour la fabrication du papier commun.

Indépendamment de l’espèce ordinaire, il en existe une autre connue depuis quelques années en France sous le nom de Caméline majeure, dont nous aurons occasion de parler à la fin de cet article.

La Caméline partage avec la navette d’été l’avantage d’être un des végétaux oléagineux qui occupent le moins long-temps le sol. Elle peut se semer plus lard avec d’autant plus de chances de succès qu’elle n’exige pas des pluies fréquentes, qualité bien précieuse dans les années où les récoltes d automne ou de printemps ont été détruites. Aussi en fait-on grand cas en divers lieux pour remplacer les lins, les colzas, les pavots, et, dans des cas heureusement moins fréquens, les blés qui ont péri par suite du froid, de la grêle ou des inondations.

La Caméline, qui aime de préférence les sols légers, peut croître passablement bien dans les terres à seigle de médiocre qualité et de faible profondeur. De toutes les plantes oléagineuses, c’est peut-être celle dont la culture est la moins limitée pour le choix du terrain. — On peut dire, avec un habile cultivateur de la Flandre, qu’elle vient partout et qu’elle y vient avec succès, pour peu qu’on lui accorde les soins de culture et les engrais nécessaires.

On lui a reconnu d’ailleurs des avantages d’un autre genre qui ne sont pas à dédaigner : le premier, c’est qu’elle est à l’abri des altises, qui attaquent, comme nous l’avons déjà dit, presque toutes les plantes de la famille des crucifères dans leur jeunesse ; et des pucerons (Aphis), qui se multiplient parfois tellement à l’époque de la floraison, qu’ils diminuent sensiblement les récoltes de colza et de navette ; — le second, c’est, d’après M. de Dombasle, qu’il est possible d’obtenir une récolte dérobée de carottes ou un fort beau trèfle après la caméline [1].

Vers le centre de la France, sur des sols précoces, on diffère parfois les semis de cette plante jusqu’à la fin de juin et même au commencement de juillet. Dans les fonds qui s’echauffent moins facilement, eu égard à la rapidité moins grande de la végétation, il convient de les commencer dès le mois de mai. — La pratique du nord est à peu près la même.

Préalablement à cette opération, on a eu soin de préparer le champ par un ou deux labours à la charrue et un égal nombre de hersages, ou par un seul labour d’automne et une ou deux cultures à l’extirpateur aux approches du moment des semailles.

On sème la caméline à la volée à raison de 4 à 5 kilogrammes et souvent moins à l’hectare, à cause de la grande finesse de la graine. — Aux environs d’Amiens, d’après M. de Saveuse, on ne répand qu’une pinte de cette graine au journal, c’est-à-dire les deux tiers de moins que pour un semis à demeure de colza d’hiver.

Le seul soin qu’on accorde à la caméline après qu’elle est levée, c’est de l’éclaircir de manière que chaque pied se trouve à la distance de 6 pouces (0m 162) au moins de son voisin. — On détruit en même temps les mauvaises herbes qui pourraient entraver sa croissance.

Nous devons ajouter encore, d’après l’expérience de M. de Dombasle, que l’époque de la maturité de la graine de caméline étant la même que celle de la moutarde blanche, lorsqu’elles ont été semées en même temps, il y a un grand avantage à les semer ensemble sur le même terrain. Le produit est de cette sorte beaucoup plus abondant que si on les avait semées à part, et la graine mélangée, qu’il serait d’ailleurs facile de séparer par le criblage, ne perd rien de sa valeur pour la fabrication de l’huile.

La récolte de la Caméline ne diffère en rien de celle du colza. — Dans quelques contrées on l’arrache au lieu de la fauciller.

En des circonstances ordinaires le produit de cette plante a été évalué à 15½ hectolitres à l’hectare. — Il est à remarquer que dans les mêmes circonstances, lorsqu’on la cultive simultanément avec la moutarde blanche, on obtient de la même étendue, terme moyen, de 17 à 18 hectolitres.

M. Gaujac, sur 875 kilog. de graines de caméline, produit de 40 ares, a obtenu 238 kilog. d’huile et 630 kilog. de tourteaux.

L’huile de caméline est très-bonne à brûler ; elle a même moins d’odeur et donne moins de fumée que celle de colza, à laquelle elle est inférieure sous les autres rapports.

La Caméline majeure a les graines plus grosses, plus abondantes en huile que celles de l’espèce commune, ce qui avait fait espérer

  1. « J’avais employé par hectare 5 livres de graines de carottes qui avaient été répandues à la volée en même temps que la graine de plantes à huile. Au moment de la récolte de ces dernières, les carottes étaient assez belles, à la réserve de quelques sillons où elles étaient fort claires. J’en ai fait sarcler une partie en arrachant les herbes à la main ; comme l’ouvrage était coûteux à cause du grand nombre de mauvaises herbes, je me suis contenté de faire herser fortement et à plusieurs reprises le reste avec une herse de fer fort pesante. Les carottes n’ont pas souffert de cette opération ; mais elles ont pris peu d’accroissement, parce que la terre n’était pas suffisamment nettoyée. Celles qui avaient été sarclées à la main, au contraire, ont donné une récolte satisfaisante et équivalente à moitié d’une récolte de carottes cultivées seules. — J’ajouterai que j’ai semé dans la même année beaucoup de trèfle dans de la caméline, ainsi que dans du colza de printemps et de la moutarde blanche. Il est venu beaucoup plus beau que celui qui a été semé dans des céréales.» (Mém. de la Soc. roy. d’agriculture.)