Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/384

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même temps, conviennent mieux aux bêtes à l’engrais.

[7.1.3]

§ III. — Quantité et qualité de la nourriture à donner aux bestiaux.

A. Les animaux dont on tire parti doivent recevoir plus d’alimens qu’il ne leur en faudrait pour s’entretenir dans le même état, c’est-à-dire plus que la simple ration ordinaire d’entretien ; car tous les produits qu’ils donnent, soit en travail, soit en lait, en laine, en viande, ne peuvent être créés que par la quantité d’alimens qui est en sus de la ration d’entretien ; de la aussi ce principe, qu’un petit nombre d’animaux bien nourris rapporte davantage qu’un grand nombre mal nourris, la ration d’entretien n’étant d’aucun produit pour le cultivateur. Un simple calcul le prouvera suffisamment : en donnant à une vache de moyenne taille 12 livres de foin par jour, on la conservera dans le même état ; elle ne maigrira ni n’engraissera, mais elle ne donnera aucun produit, sauf le fumier, par conséquent les 12 livres de foin seront à peu près perdues. Si, au contraire, on lui en donne 20 livres, on en obtiendra 6 à 7 litres de lait qui paieront la nourriture en tout ou en majeure partie. Le même calcul s’applique aux autres bestiaux, soit de rente, soit de travail. Aussi dit-on avec raison : Bien nourrir coûte, mais mal nourrir coûte bien davantage.

La quantité de 3 livres de foin pour chaque quintal du poids vivant de l’animal, quantité qu’indique Burger, paraît être une moyenne assez généralement applicable à tous les animaux dont on tire parti, excepté pour ceux qu’on engraisse. M.  de Dombasle a trouvé, il est vrai, que la ration d’entretien pour un lot de moutons pesant 438 livres était de 15 livres de foin, ce qui fait à peu près 3 livres 5/12es par quintal ; mais il faut observer ici que la ration d’entretien était en même temps une ration de production pour la laine.

Du reste, lorsque les produits ne sont pas de la graisse, on ne doit pas dépasser une certaine limite dans la ration de production, sans quoi une partie de cette ration est employée à produire de la viande au lieu de travail, de lait ou de laine que l’on a en vue.

B. Il doit y avoir un rapport convenable entre le volume et la faculté nutritive des alimens.

Tous les animaux, surtout les ruminans, demandent à avoir l’estomac rempli jusqu’à un certain point ; et une nourriture qui, avec une grande valeur nutritive, aurait un trop petit volume, leur conviendrait tout aussi peu, seule, que celle qui pècherait par l’excès contraire. Ainsi, on réussirait tout aussi mal en ne donnant que du grain qu’en ne donnant que de la paille. M.  Block a trouvé que, pour une vache de taille moyenne, le volume normal était de 2,7 pieds cubes en hiver (avec du foin) et 3,3 pieds cubes en été (avec du fourrage vert).

C. Il doit également exister un rapport convenable dans la nourriture entre les substances solides et l’eau.

La proportion convenable varie selon l’espèce de bétail ; mais la quantité d’eau ne doit jamais être assez forte dans la nourriture pour que les animaux soient d’ordinaire dispensés de boire, parce que dans certains cas (par une température humide, par exemple) les bêtes se trouveraient forcées, pour se nourrir, de prendre plus de liquide qu’il ne leur convient. Si une trop forte proportion de substances sèches peut les disposer à des obstructions et à des maladies inflammatoires, l’excès contraire leur est encore plus nuisible en relâchant et en affaiblissant leurs organes digestifs. Les bêtes qui donnent du lait exigent en général des alimens plus aqueux que les autres.

D. Le bon effet et la valeur nutritive des alimens se trouvent augmentés par un emploi convenable, par des mélanges appropriés, par la variété et par une bonne préparation.

Tel fourrage qui a beaucoup de valeur pour l’engraissement en a peu pour des vaches laitières ; tel autre qui, seul ou sans préparation, nourrit peu, devient fort bon lorsqu’il est bien préparé ou mélangé avec un autre aliment d’une nature différente. C’est par des mélanges semblables que l’on peut faire consommer avec avantage des alimens trop ou trop peu substantiels, trop aqueux ou trop secs et ligneux.

E. Le passage d’une nourriture usitée depuis longtemps à une autre à laquelle le bétail n’est pas habitué, ne doit avoir lieu que progressivement et avec précaution.

Les heures de repas doivent être autant que possible réglées, et, lorsqu’on le peut, on tâche de donner pendant toute l’année une ration uniforme, eu égard aux besoins de l’animal et aux services qu’il rend.

Ainsi, pendant l’hiver, il n’est pas nécessaire de nourrir les chevaux aussi fortement que pendant l’époque des travaux ; dans cette même saison, on trouvera souvent de l’avantage à peu nourrir les vaches laitières, sauf à ne pas les traire. Mais dans aucun cas on ne doit réduire la nourriture au-dessous de la ration d’un bon entretien, de même qu’il faut éviter de tomber dans l’excès contraire pour toutes autres bêtes que celles à l’engrais. En général, les variations trop grandes et surtout brusques, dans la quantité comme dans la qualité de la nourriture, sont toujours nuisibles.

Pour ce qui est de la distribution de la nourriture, il est difficile de donner à cet égard des principes applicables à tout bétail. On peut dire cependant qu’en général, il faut éviter de faire manger et surtout boire les animaux immédiatement après une course ou autres mouvemens violens et continus et lorsqu’ils sont en sueur ; qu’il est bon de donner, lorsque cela se peut, plusieurs espèces d’alimens dans chaque repas, et commencer par les alimens de moindres qualités pour donner vers la fin ceux dont le bétail est le plus avide ; qu’il faut faire consommer avant de boire les substances aqueuses, et donner après tout ou portion des meilleurs alimens composant le repas, pour le terminer par de la paille entière ou du foin ; qu’enfin, on ne doit présenter à l’animal qu’une petite quantité de nourriture à la fois.