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grand nombre de femelles et pouvant donner chaque année 40 à 50 produits.

Pour fondre une race dans une autre, on accouple de nouveau les métis femelles produits par le premier croisement, avec un mâle de la même race que le père, et on coutinue ainsi jusqu’à ce qu’après une série de générations, il n’existe plus aucune différence entre la race améliorée et son type améliorateur. C’est alors seulement et lorsque la nouvelle race est devenue constante, c’est-à-dire après la dixième et douzième génération, qu’on peut la multiplier par elle-même.

Un grand nombre des plus beaux troupeaux mérinos de l’Allemagne ont été créés de cette manière.

[7.2.5]

§ V. — Création d’une nouvelle race par croisement.

Au moyen des croisemens on peut non-seulement fondre une race dans une autre, mais encore en créer une nouvelle qui participe en même temps des deux races dont elle provient. Il suffit pour cela d’arrêter le croisement lorsque les produits ont pris de la race étrangère et conservé de la race indigène, autant qu’il convient à nos vues.

Cette méthode, qui a été suivie et conseillée assez généralement pour les chevaux, et qui paraît au premier abord simple et facile, offre cependant de grandes difficultés et exige une connaissance approfondie de la matière, des soins et des précautions sans lesquelles elle n’a ordinairement que de mauvais résultats.

Il est d’abord impossible de déterminer d’avance avec certitude quels seront les caractères, les formes, les qualités et les défauts que le produit héritera du père et ceux qu’il héritera de la mère. Les notions qui précèdent sur ce sujet ne sont qu’approximatives, et les principes qui en découlent subissent des exceptions fréquentes. D’ailleurs, cela ne serait-il pas, qu’il y aurait toujours impossibilité de préciser dans quelle proportion le père et la mère transmettront respectivement leurs caractères spéciaux, et jusqu’à quel point l’influence de l’un sera neutralisée par celle de l’autre. Un seul fait rapporté par Pabst prouvera combien les circonstances peuvent modifier les prévisions sous ce rapport. Un bélier électoral, d’une haute finesse, accouplé avec des brebis métis, avait donné une première année de fort beaux produits ; l’année suivante, accouplé de nouveau avec les mêmes bêtes, il ne produisit que des agneaux médiocres et à peine différens des mères. En recherchant les causes de cette anomalie, on s’aperçut qu’en dernier lieu, le bélier, confié aux soins d’un berger peu intelligent, avait reçu une nourriture si abondante qu’il en était devenu fort gras, et par suite lourd et paresseux, tandis que la première année il avait été entretenu dans l’état de vigueur le plus approprié à la monte, par un régime convenable.

Il se présente de plus une autre difficulté, c’est le peu d’aptitude qu’ont en général les métis à transmettre leurs caractères à leurs descendans. J’ai déjà dit qu’une race possédait d’autant plus cette faculté qu’elle avait plus de constance. Or, le croisement détruit toute constance, il la détruit d’autant plus complètement, et augmente d’autant plus le temps et le nombre de générations nécessaires pour la créer de nouveau, que les deux races croisées étaient plus dissemblables.

Une longue expérience a appris aux éleveurs de moutons fins en Allemagne que des métis, même de 8e génération, en tout semblables aux bêtes de race pure, multipliés entre eux, ne donnaient cependant la plupart que des produits médiocres et dont plusieurs se rapprochaient de leurs ascendans maternels. Dans les croisemens avec des bêtes de race commune on a pu remarquer également chez les métis cette absence de la faculté de transmission à leurs descendans ; aussi n’est-ce en général qu’au bout de la 10e et 12e génération que l’on croit pouvoir se passer de béliers mâles de race pure, et au bout de la 14e ou 15e que l’on se hasarde à employer les béliers métis à l’amélioration d’une race commune. Il est probable que ces faits, qui se sont presque constamment représentés chez les métis d’une race aussi ancienne, aussi constante que la race des moutons mérinos, doivent avoir lieu pareillement chez les produits croisés dans les autres genres de bestiaux.

On a observé que les produits des métis tendaient en général à se rapprocher de celle des deux races composantes qui avait le plus de constance et qui était le plus en harmonie avec les circonstances naturelles et artificielles de la localité. Or, les premières, et presque toujours aussi les circonstances artificielles, favorisant nécessairement la race indigène, plus que la race étrangère importée, on ne pourra éviter le retour vers la première qu’en changeant le régime, le traitement, peut-être même l’emploi, en plaçant en un mot la nouvelle race que l’on veut créer, dans une position exceptionnelle.

Il n’en est pas tout à fait de même lorsqu’on croise deux races également étrangères à la localité ; il est plus facile alors de créer, avec les métis qui en résultent, une race nouvelle qui, après un certain nombre de générations, pourra posséder des caractères à part et constans.

Plusieurs races de bêtes à cornes fort estimées, de l’Allemagne, ont été créées de cette manière, et on s’occupe aujourd’hui dans le même pays à former de nouvelles races de chevaux par un moyen semblable.

De ce qui précède, il résulte que, s’il peut être avantageux dans certains cas d’introduire plus ou moins de sang étranger dans nos races de chevaux et d’autres bestiaux, il y aurait danger à appliquer cette méthode généralement. Le succès en sera particulièrement douteux toutes les fois que le type améliorateur aura peu de constance, lorsqu’il différera considérablement de la race indigène, et qu’enfin, par sa nature, ses dispositions, ses vices, ses qualités, il s’éloignera du but que nous voulons atteindre et pour lequel nous n’avons besoin que d’une faible partie de ses caractères ; c’est ce qui a lieu, par exemple, pour la race de chevaux de pur sang anglais, race artificielle, née d’hier, créée pour un usage unique et spécial, par desseins et des moyens compliqués et dispendieux, et