Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passer de bêtes à cornes. Lorsqu’on ne peut se livrer en même temps à l’éducation et à l’engraissement de ces deux espèces d’animaux, la question se réduit donc à savoir quelle est l’espèce qui peut rapporter davantage, et pour les bêtes à cornes en particulier, s’il est plus avantageux de faire consommer les fourrages par des vaches à lait, ou par des bœufs à l’engraissement. — Cette dernière partie de la question se fond dans les deux suivantes :

1° Dans quelle proportion le fourrage qu’une vache à lait consomme dans toute l’année, est-il à celui qu’un bœuf consomme pendant le temps nécessaire pour accomplir son engraissement ?

2° Quel est le produit que donne ordinairement un bœuf à l’engraissement pendant le temps que dure cette opération, et quel est le produit d’une vache à lait pendant toute l’année ?

La mesure de la nourriture d’une vache à lait ne peut pas être déterminée d’une manière générale, mais seulement selon la race, l’individu et l’âge. Pour une vache adulte de taille moyenne, la ration la plus convenable, suivant Thaër, paraît être soit 18 livres de foin, dont la moitié peut être avantageusement remplacée par des racines, soit 80 livres de trèfle vert. Quant aux grandes vaches, elles peuvent consommer de 25 à 30 livres de foin sec, ou 112 à 140 livres de fourrage vert. Outre cela on leur donne autant de paille qu’elles en veulent manger, — On voit que de 18 à 30 livres de foin, il y a loin. — Ce qu’il faut à un bœuf à l’engraissement varie tout autant selon la taille de l’animal, et selon la quantité de graisse ou de chair à laquelle on veut le pousser. Mais il est peut-être plus facile de fixer un tarif pour eux, que pour les vaches à lait. Dans les localités où l’on a quelque expérience sur l’engraissement, on détermine avec assez de précision la ration que doit avoir chaque jour un bœuf de certaine race ; on peut ainsi faire facilement son calcul à l’avance, et résoudre soi-même cette question ; on voit alors qu’assez suivent le fourrage est mieux payé par des bœufs à l’engraissement que par des vaches à lait, surtout lorsque l’on met la courte durée du temps de l’engraissement en parallèle avec l’entretien de la vache à lait pendant toute l’année, et les soins de la laiterie. Ajoutons à cela que l’engraissement des bœufs pendant l’hiver a lieu dans un moment où les bras sont abondans, tandis que l’entretien des vaches continue également pendant l’été, où souvent on manque d’ouvriers. Dans bien des cas il faut aussi ne pas perdre de vue que le capital qui est consacré à l’engraissement des bœufs rentre dans quatre ou cinq mois, tandis que celui qu’on applique à des vaches à lait est constamment employé.

On peut calculer qu’un bœuf à l’engraissement consomme, terme moyen, pendant cette opération, à peu près autant de fourrage qu’une vache pendant toute l’année ; de même, la quantité de fumier que l’on obtient d’un bœuf durant le temps de son engraissement est égale à celle qu’une vache fournit pendant toute l’année, et ce fumier est peut-être de meilleure qualité ; d’ailleurs on l’obtient dans un temps où l’on peut facilement en faire le charroi.

Lorsque, tout calcul fait, on ne juge pas qu’il soit avantageux de faire de l’engraissement la base de l’économie du bétail, cette opération pourra cependant être utile comme branche accessoire. — Si une fois on a appris à connaître et à organiser toute l’économie de l’engraissement, on pourra toujours disposer avec facilité la quantité de bêtes que l’on doit engraisser, d’après la quantité de fourrage que l’on récolte. — On ne devrait jamais étendre la quantité de bêtes que l’on entrelient au delà de celle que l’on est parfaitement certain de pouvoir nourrir, même dans les mauvaises années ; lorsque de bonnes années ont produit un excédant de fourrage, il est toujours facile de se procurer au dehors un excédant de bêtes à mettre à l’engrais.

[7.4.2]

§ II. — Conformation indiquant le plus d’aptitude des bestiaux à l’engraissement

Celui qui veut entreprendre d’engraisser beaucoup de bétail, doit, pour le faire avec un grand avantage, chercher à acquérir de l’expérience dans la coinnaissance et l’appréciation des animaux destinés à la consommation. Il faut, pour le choix du bétail et son évaluation, un certain coup d’œil, et plus encore un certain tact dans la main qui ne peuvent être acquis que par une longue pratique. Les Anglais, qui mettent tant de soin à perfectionner tout ce qu’ils font, sont si persuadés de la capacité plus ou moins grande de certains bœufs, de certains moutons à prendre le gras, qu’ils ont formé des races uniquement pour l’engrais, races dont ils sont fiers, et dont ils permettent difficilement la sortie. — Ils ont été plus loin, car ils sont parvenus à faire prendre la graisse principalement dans les parties du corps qui sont regardées par les consommateurs comme les meilleurs morceaux. C’est ainsi que Bakewell a montré à Londres un bœuf dont l’aloyau était démesurément gras, tandis que le reste de sa chair l’était moins qu’à l’ordinaire. Pour arriver à un pareil résultat, il a fallu allier ensemble dans une longue suite de générations les bêtes bovines à gros aloyaux, et apporter à cet appareillement une infatigable persévérance.

Les races de bœufs et celles de moutons qui prennent le mieux la graisse, offrent, d’après M. Grognier, les caractères suivans :

1° Tête fine et légère, indice d’une ossature peu massive : yeux vifs et doux, signe de santé et de naturel calme et tranquille ; cornes, chez les bœufs, lisses et courtes : les animaux de cette espèce à cornes longues et rugueuses, tels que ceux de la Romanie, s’engraissent difficilement.

2° Encolure courte, peu chargée ; la chair de cette partie, nommée viande de collet, étant peu estimée.

3° Dos large et horizontal ; corps allonge, signe d’une bonne complexion chez les animaux ruminans ; poitrine haute, annonçant que les poumons s’y dilatent librement.

4° Côtes amples, arrondies ; flancs pleins ; ventre volumineux, ce qu’on appelle un bon dessous ; forme du corps à peu près cylindri-