Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/403

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prairie où elles doivent pâturer. Le bétail qui est à l’étable s’agite lorsque les heures où il doit recevoir ses repas ne sont pas ponctuellement observées, tandis que jusqu’à ce moment il demeure très-tranquille. Il connaît aussi la ration qu’on lui donne ordinairement ; lorsqu’il l’a reçue et mangée, il se livre au repos ; si au contraire il ne l’a pas reçue en entier, il demeure inquiet. Cette régularité dans la distribution de la nourriture contribue tellement à son engraissement, qu’une alimentation incomparablement plus abondante, mais donnée irrégulièrement, ne peut dédommager du défaut d’ordre. On peut régler de différentes manières les heures des repas et la quantité de nourriture qu’on veut donner aux bêtes ; mais quand ils ont une fois été réglés, il faut toujours les continuer sur le même pied. — On tomberait dans une erreur très-préjudiciable, si l’on voulait donner à manger jour et nuit sans interruption. Les animaux ruminans principalement ont besoin à chaque repas de remplir leur panse jusqu’à un certain point ; après quoi il leur faut un long intervalle de repos, pendant lequel, couchés sur leur litière, ils puissent ruminer à leur aise ; ce repos leur est indispensable si l’on veut que la nourriture leur profite. Il suffit de donner trois fois ou tout au plus quatre fois à manger par jour, en faisant durer chaque repas deux heures, et en le divisant en plusieurs services.

[7.4.8]

§ VIII. — Moyens d’activer l’engraissement.

On a proposé d’administrer dans ce but, aux animaux à l’engrais, différentes substances, parmi lesquelles je citerai : 1° le sel ; 2° les substances amères ; 3° l’antimoine et le soufre ; 4° l’eau-de-vie.

Si le sel, considéré généralement comme facilitant la digestion et stimulant l’appétit, est employé dans ce but avec succès pour tous nos bestiaux, à plus forte raison doit-il présenter de l’avantage dans l’engraissement. Du reste, il faut toujours avoir égard à la nature des alimens pour la quantité de sel à donner : une nourriture fermentée, acide, en nécessite moins que des alimens mucilagineux, météorisans ou difficiles à digérer. Une trop forte dose affaiblirait les animaux, et leur causerait des diarrhées ; néanmoins, on peut en toute sûreté donner aux bêtes à l’engrais le double et même le triple de ce qu’on donne ordinairement aux autres bêtes, ce qui, d’après J. Pasbt, peut aller à 3, 4 et même 6 livres par mois pour un bœuf. L’emploi du sel et des différens toniques est donc inutile à l’égard des bêtes saines, vigoureuses et bien nourries, surtout au commencement de l’engraissement, mais présente des avantages chez des animaux vieux, débiles ou très-lymphatiques, nourris avec des fourrages aqueux ou malsains. — Le sel se donne mélangé aux alimens ou dans la boisson ; on peut encore le présenter à lécher aux animaux. La première méthode mérite la préférence, parce que les bêtes mangent plus volontiers les fourrages imprégnés de sel.

Quelques substances amères aromatiques, comme la gentiane, les baies de genièvre et autres, employées de temps en temps à la dose de 2 à 3 onces par bœuf, peuvent favoriser l’engraissement en fortifiant les organes digestifs. Quant à l’antimoine, que l’on a quelquefois employé à cet usage en Allemagne, les opinions sont partagées sur ses effets. Plusieurs personnes les regardent comme très-convenables, d’autres comme un moyen de supercherie pour faire paraître l’animal plus gras qu’il ne l’est réellement. Il est bien reconnu que cette substance a la propriété de pousser à la peau, et de favoriser sa souplesse en augmentant la transpiration insensible ; sous ce rapport, donnée en même temps qu’une bonne nourriture, à la dose d’une 1/2 once tout au plus en huit jours par tête de bétail, elle peut en effet favoriser et activer l’engraissement ; mais je doute que l’on puisse obtenir de bons effets de son emploi à trop fortes doses. — Le soufre agit de la même manière ; mais il convient moins encore.

Des expériences nombreuses entreprises en Allemagne ont démontré que l’eau-de-vie, administrée en petite quantité, favorise la formation de la graisse ; aussi Pabst nous apprend-il que l’on a trouvé avantageux d’en donner jusqu’à la dose journalière d’une livre par bœuf vers la fin de l’engraissement. C’est sans doute la présence de l’alcool (esprit) qui contribue à rendre les alimens fermentés si convenables aux bêtes à l’engrais, et qui fait que les résidus mal distillés sont meilleurs que les autres.

[7.4.9]

§ IX. — Effets de l’engraissement.

Le premier effet de l’engraissement est l’embonpoint. Il est caractérisé par la disparition des interstices musculaires et des saillies osseuses, par la légèreté, la gaieté, la vigueur des animaux. Alors toutes les fonctions s’exécutent avec régularité ; les excrétions et les exhalations sont abondantes ; la transpiration est onctueuse, surtout aux ars postérieurs ; les poils s’allongent, grossissent, tombent, et le volume du corps augmente. — À mesure que l’engrais fait des progrès, la gaieté diminue et bientôt elle disparait ; en même temps la démarche devient lourde et chancelante ; le corps s’arrondit, le ventre devient tombant et volumineux, et la sensibilité s’émousse. Cet état d’insensibilité est quelquefois poussé chez le cochon à un point incroyable. M. Grognier rapporte que l’on a vu de ces animaux, étendus sur la litière, ne faisant d’autres mouvemens musculaires que ceux des mâchoires, ne pas s’apercevoir de l’existence d’une famille de rats nichée dans la profondeur du lard. — L’animal arrivé à cet état a atteint ce que l’on nomme le fin gras. Si alors on ne le tuait pas, il ne tarderait pas à périr par la fonte et la résorption de la graisse. L’obésité est donc un véritable état maladif, dont la mort serait le terme, si l’homme ne s’empressait pas de la prévenir ; et il faut que les engraisseurs s’attachent à reconnaître le point précis où ils ne pourraient plus, sans danger pour leurs intérêts, conserver les animaux engraissés.

M. Chambert, vétérinaire et auteur d’un Essai sur l’amélioration des animaux domestiques, observe que les bêtes à cornes élevées et engraissées à l’air dans les pâturages, ont plus de tendance à prendre de la graisse inté-