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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DES PLANTES ECONOMIQUES.


tion d’un bien plus grand nombre encore.

En effet, bien des contrées de la France négligent encore la culture de la betterave, qui offre le triple avantage de s’intercaler tres-heureusement dans les assolemens ; de permettre l’éducation et l’engraissement d’un grand nombre de bestiaux ; enfin, de créer une branche d’industrie qui se lie intimement à l’exploitation agricole et qui vient adjoindre ses bénéfices aux siens. Tandis que les départemens du Pas-de-Calais, du Nord, de l’Aisne, de la Somme, possèdent beaucoup de fabriques de sucre de betterave, et que tous les jours il s’y en élève de nouvelles, quelques autres départemens ne renferment qu’un ou deux de ces établissemens, et plus des trois-quarts des provinces de la France en sont totalement privées.

Considérée comme nourriture du bétail, la betterave ne réunit pas de moindres avantages, et elle l’emporte dans un grand nombre de circonstances si on la compare aux autres récoltes qui peuvent occuper la même place qu’elle dans les assolemens. Elle convient à une plus grande variété de terrains, sa culture est moins coûteuse, elle est plus salubre pour les bestiaux que la pomme-de-terre, lorsque celle-ci est administrée crue ; comparée aux carottes et aux navets, ses avantages sont encore plus incontestables, à cause des soins minutieux ou des chances de perte qui s’appliquent à ces plantes ; en outre, la betterave se conserve beaucoup plus facilement, et, sous le rapport de la faculté nutritive, les bonnes variétés sont peu inférieures, à poids égal, aux pommes-de terre, et très-supérieures aux carottes et aux navets ; aucune racine ne favorise autant la formation de la chair et de la graisse dans les animaux. De toutes les racines que l’on cultive pour la nourriture du bétail, dit M. de Dombasle, il n’en est donc aucune dont la culture puisse se généraliser avec plus d’avantages dans les exploitations rurales, que la betterave. Ajoutons cependant que divers faits et l’opinion de beaucoup de praticiens semblent prouver que c’est une nourriture peu convenable pour les vaches laitières qu’elle engraisse aux dépens de la production du lait. Au reste, on peut obvier à cet inconvénient en donnant avec les betteraves des pommes-de-terre crues, et c’est peut-être la manière la plus avantageuse de faire consommer ces dernières à toute espèce de bétail.

Une destination encore peu connue de la betterave, c’est la préparation d’une poudre proper a remplacer le café, et qu’un grand nombre de personnes ont trouvée supérieure au café de chicorée dont le débit est très-considérable, puisque 55 fabriques en France sont occupées à sa préparation. Pour le café de betterave on se livre déjà à sa fabrication à Angers, au Mesnil Saint-Firmin, à Oëstres près Saint-Quentin, et peut-être ailleurs encore. Cet usage fait trouver un emploi lucratif des racines très-petites et des bouts des grosses betteraves. Ces fabrications seront décrites dans le livre des Arts agricoles.

L’emploi des feuilles de la betterave, pour la nourriture des bestiaux, et cette observation que leur enlèvement modéré n’empêche pas les racines de produire, ont tenté bien des cultivateurs. Mais il paraît certain que l’enlèvement des feuilles, durant la végétation, altère les qualités de la plante et surtout diminue la proportion du principe sucré. Jusqu’à des expériences bien précises qui démontrent le contraire, le cultivateur de betteraves pour la fabrication du sucre doit donc s’interdire l’enlèvement des feuilles pendant l’été ; mais cet enlèvement doit toujours avoir lieu au moment de l’arrachement, et aloi’s on peut utiliser les feuilles en les faisant manger par les vaches, les moutons, les porcs.

La quantité qui se trouve alors disponible, dans une exploitation considérable, ne pouvant être consommée, on pourrait en former un fourrage vert salé, très-succulent, en en tassant les feuilles de betterave, dans des tonneaux, par couches alternatives, avec du sel. Quand on ne les conserve pas de la sorte, on les répand sur le sol même qu’elles contribuent à engraisser. — Lorsqu’on cultive la betterave pour la nourriture des bestiaux, on doit alors sans crainte profiter du fourrage toujours un peu relâchant que produit l’effeuillement. Cette opération commence environ un mois ou six semaines avant la récolte, et peut se répéter tous les quinze jours ; on doit avoir soin de n’enlever que les feuilles inférieures qui s’abaissent vers la terre ; il est essentiel de les casser net, sans laisser de chicot, et à leur naissance sur la racine.

§ II. — Terrain, climat, assolemens, engrais qui conviennent à la betterave.

La culture de la betterave est facile et n’offre rien qui soit au-dessus de la portée du plus simple agriculteur. On peut la cultiver dans presque tous les terrains, mais avec plus ou moins d’avantages ; ceux qu’elle préfère sont les sols légers, meubles, profonds, riches en humus, tels que les terrains d’alluvion ; dans les sols sablonneux elle n’arrive pas aux dimensions considérables de 10 à 20 ivres qu’elle atteint dans les terrains très-nutritifs, mais les racines, de 1 à 2 livres, y contiennent plus de matière saccharine. M. le comte Chaptal, qui a tant contribué à la propagation de cette industrie par ses ouvrages et ses exemples, a toujours préféré les racines d’une à deux livres, plus abondantes en sucre, et qui permettent de l’extraire à moins de frais, quoique l’hectare n’en fournisse alors que de 20 à 30 milliers de kilos, plutôt que ces énormes racines qui contiennent beaucoup d’eau et qui peuvent produire une masse de 100 milliers de kilos de betteraves par hectare. Les sols les moins favorables à la culture de cette plante sont les terres argileuses et tenaces, dans lesquelles les variétés dont les racines sortent déterre sont préférables, ainsi que dans les sols peu profonds, parce que leur croissance y est moins gênée et l’arrachage moins difficile. Les terrains très-calcaires ne conviennent pas non plus. On peut dire, en général, que la plupart des terres à froment qui ne sont pas trop argileuses, et la plupart des terres à seigle qui ne sont pas trop