Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/528

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Quels trésors la France n’eût-elle pas perdus s’il ne s’était trouvé des hommes tels que les Tessier, les Gilbert, etc., pour vaincre l’apathique indifférence des fermiers qui s’obstinaient à dédaigner la naturalisation des moutons espagnols ! Les échantillons des tontes de chaque année, conservés à l’élablissement depuis 1786, prouvent que les mérinos se sont perhectionnés en France ; leur laine, sans rien perdre de sa finesse, a gagné un peu en longueur, elle est plus homogene et moins jarreuse ; les toisons sont plus lassées, parlant plus pesantes, d’autant que les animaux ont acquis une plus forte structure. Ces résultats ont été confirmés par la mise en parallèle de notre ancien troupeau avec quarante bêtes amenées à Rambouillet le 22 messidor an 9, faisant partie de celles importées d’Espagne à cette époque par ordre du Directoire. Quoique ces nouveaux moutons provinssent presque tous des mêmes troupeaux espagnols d’où l’on avait tiré ceux achetés en 1786, quoiqu’ils fussent soumis au même régime, leurs productions n’ont atteint que beaucoup plus tard le degré de perfection où la première troupe était déjà parvenue. Depuis l’an 9 il n’a pas été introduit uue seule bête étrangère à Rambouillet. Les préjugés et l’intérêt particulier avaient, dans le principe, accrédité uue opinion qui devait s’opposer beaucoup à ce que la race mérinos fut adoptée par les cultivateurs de certaines contrées : on prétendait que les moutons espagnols s’engraissaient mal et que la chair en était moins délicate que celle des races indigènes ; pour combattre cette objection, on adopta l’usage encore en vigueur aujourd’hui à Rambouillet, d’abattre un mouton mérinos gras et de le servir aux dîners de la vente publique : indépendamment de cette preuve qui s’est renouvelée chaque année, il est bien reconnu aujourd’hui que la chair du mérinos est absolument identique à celle de tous les moutons et que les différences dans sa qualité ne proviennent que de la nature du sol et des pâturages, ou des nourritures sèches quand le mouton est engraissé à la bergerie. Après avoir démontré que la qualité de la viande des mérinos ne devait point être un obstacle à la propagation de cette race, il fallait aussi réfuter par des faits cette autre objection de certains éleveurs qui prétendaient que les bêtes espagnoles, originaires d’un climat chaud, devaient avoir un tempérament plus lymphatique, et conséquemment devaient être plus sujettes à la pourriture que les races françaises. Or la réponse était facile, car le troupeau national prospérait sur des pâturages peu salubres et de la nature de ceux où s’engendre ordinairement la cachexie aqueuse. Le sol du parc de Rambouillet est, en effet, très médiocre, quoique très-varié. La couche végétale a peu d’épaisseur, le sous-sol en est glaiseux et peu favorable à l’infiltration des eaux ; aussi les pâturages y sont-ils généralement humides, et les bergers doivent éviter avec soin de lâcher le troupeau avant que la rosée soit évaporée, et de se laisser surprendre le soir par le serein. Cette position est sans doute défavorable ; mais elle fut utile en ce qu’elle prouva combien il était facile d’entretenir en tous lieux des mérinos purs. D’après l’examen attentif de cet historique, on ne peut nullement douter que le troupeau de Rambouillet n’ait eu une influence immense sur la prospérité de l’agriculture française ; il a été surtout la source et le puissant véhicule de l’amélioration de nos laines dont il a fait augmenter prodigieusement la production dans toute l’étendue du pays. La pureté de la race espagnole s’est conservée à Rambouillet sans la moindre altération ; ce troupeau est le type des mérinos français dont les laines ont acquis des qualités que les fabricans apprécient aujourd’hui, et qui les font préférer, sous beaucoup de rapports, aux laines superfines étrangères. Comme point central de l’industrie des mérinos, et pour fournir des étalons du premier mérite, et encore comme moyen de rectification des différens systèmes d’éducation des bêtes à laine fine, le troupeau de Rambouillet sera longtemps encore d’une utilité indispensable à la conservation de cette industrie, tant qu’il continuera d’être le troupeau-modèle réunissant la finesse de la laine à la forte structure des animaux. BOURGEOIS, de Rambouillet. Le mérinos d’Espagne (fig. 299) est d’une

Fig. 299.

taille moyenne ; sa longueur est d’un mètre environ ; sa hauteur, de 55 à 68 centimètres ; son poids, de 30 à 40 kilos. Ces dimensions peuvent augmenter ou diminuer selon le régime auquel on le soumet. Le corps du mérinos est assez court et trapu, bas sur pattes, le dos plat, la face large et non busquée ; sa peau est quelquefois plissée en forme de collier autour du cou. Les béliers ont les testicules gros, pendans et séparés au milieu par un cordon très-prononcé. Lorsqu’ils portent des cornes, elles sont épaisses, larges, contournées en spirale. Cette espèce de moutons est moins vive, moins précoce, plus lente à se développer, et d’une charpente osseuse plus forte que nos espèces communes : mais c’est surtout par la toison qu’elle se distingue et s’éloigne le plus de toutes les autres races des bêtes à laine. Tout le corps de l’animal est quelquefois couvert de laine, sauf les aisselles, le plat des cuisses et le bout de la face. Sale et noirâtre à l’extérieur, la toison semble n’être composée que d’une seule pièce, elle ne s’ouvre pas quand la bête est en mouvement : à l’intérieur elle est composée de mèches blanches, épaises. ondulées, à brins très-fins, très-élastiques, en-