Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/545

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particulier, mais ces faits sont des exceptions ; en général les moutons ont besoin, pour engraisser, de quelque chose de plus que la nourriture ordinaire ; lorsqu’on veut entreprendre cette opération, il y a toujours avantage à accélérer l’engraissement complet et à renouveler fréquemment le troupeau ; l’engraissement de moutons nourris avec parcimonie durera un an, et rarement la vente paiera les frais de nourriture ; si donc on a des pâturages d’engraissement, il faudra les leur livrer avec libéralité, c’est-à-dire ne pas y mettre un trop grand nombre de bêtes, et dès que l’herbe diminuera, les faire passer à d’autres pâturages et les remplacer par des bêtes de réforme qui consommeront le reste de l’herbe. Si le pâturage est insuffisant, il faudra y ajouter un supplément de nourriture à la bergerie, de manière à achever leur engraissement en 8 à 10 semaines.

§ IV. — Méthodes d’engraissement.

Il y en a trois principales : la première, appelée engrais d’herbe, consiste à les faire pâturer dans de bons herbages ; dans la seconde, ou engrais de pouture, on les nourrit de fourrages secs dans la bergerie ; enfin, dans quelques pays, on les met aux herbages en automne, et ensuite à la pouture, c’est l’engrais mixte. A. Engrais d’herbes. Le temps de cet engraissement dépend de l’abondance et de la qualité des herbages ; lorsqu’ils sont bons on peut engraisser les moutons en 8 à 10 semaines, et par conséquent, en commençant au mois de mars, faire 3 engraissemens par an dans le même pâturage. — On doit laisser les moutons au repos le plus possible, les mener très-doucement, prendre garde qu’ils ne s’échauffent, les faire boire souvent, et avoir bien soin de combattre immédiatement les diarrhées qui peuvent survenir ; en été, il faut les mettre au frais et à l’ombre pendant les heures les plus chaudes de la journée. La luzerne et le trèfle sont les plantes qui engraissent le plus vite, mais elles donnent une couleur jaune à la graisse et produisent souvent des météorisations, et par suite la mort. — Le sainfoin possède les mêmes qualités que la luzerne, sans en avoir les inconvéniens. Le fromental, le ray-grass, les herbes des prés, surtout des prés bas et humides, et dans certains pays, les chaumes après la moisson et les herbages des bois, sont très-propres à l’engraissement du mouton. B. Engrais de pouture. — L’engrais de pouture se pratique en hiver : après avoir tondu les moutons, on les enferme dans une bergerie et on ne les laisse sortir qu’à midi, à l’heure où on nettoie l’étable ; le soir, le matin, et même pendant les longues nuits, on leur donne à manger au râtelier. Leur nourriture se compose de bons fourrages, de grains, ou d’autres alimens très-nutritifs, suivant les productions du pays et le prix des denrées, car il faut prendre garde que les frais d’engraissement ne soient trop onéreux, et n’enlèvent le gain qu’on devrait attendre de la vente. Dans plusieurs pays, la ration des moutons se compose de 3 quarterons de foin le matin et autant le soir : à midi on donne une livre d’avoine et une livre de tourteaux huileux réduits en petits morceaux ; ailleurs on ne leur donne que 10 onces de foin le matin et le soir, un quarteron d’avoine et une demi-livre de tourteaux à midi ; mais c’est là une mauvaise économie, car dans ce cas l’engraissement dure plus longtemps. Les tourteaux communiquent un mauvais goût à la chair du mouton comme à la chair du bœuf, aussi faut-il en discontinuer l’usage 15 jours avant la fin de l’engraissement. L’avoine et l’orge en grains, ou grossièrement moulus, les fèves et autres graines légumineuses données seules ou mélangées, entre elles, ou avec du son, accélèrent l’engrais. En Flandre on engraisse les moutons avec de la pulpe de betterave seule et très-peu de fourrage sec qui ne sert ordinairement que pour litière. Cet engrais dure un peu plus longtemps que les autres (4 à 5 mois à peu près), mais il est beaucoup moins dispendieux. Les moutons picard, qu’on engraisse en Flandre, de préférence aux artésiens, parce qu’ils prennent la graisse plus facilement, coûtent de premier achat 20 à 24 fr., et, une fois engraissés, sont vendus de 28 à 33 francs ; ils pèsent alors de 23 à 30 kilogrammes ; en été, ces montons sont nourris par le parcours, mais dans les temps de grande sécheresse on les nourrit, comme en hiver, avec la pulpe de betterave que l’on conserve pendant des années dans des silos ; de sorte qu’un fermier, qui, grâce au voisinage des fabriques de sucre indigène, peut se procurer cette pulpe en abondance et à bon marché, peut se livrer toute l’année à l’engraissement, et augmenter ses fumiers de manière à améliorer son exploitation, et à changer de mauvaises terres en terres très-fertiles. C. Engrais mixte. — On commence à faire pâturer les moutons dans des chaumes, après la moisson, jusqu’au mois d’octobre, pour les disposer à l’engraissement ; ensuite on les met dans un champ de navets pendant le jour, et le soir on les fait rentrer à la bergerie où on leur donne de l’avoine avec du son, de la farine d’orge, etc. Les navets plantés en bon terrain, bien cultivés et pris avant d’être pourris, gelés, ou trop vieux, sont presque aussi bons que l’herbe pour l’engraissement ; ils rendent la chair du mouton tendre et de bon goût. La bonne nourriture que les animaux trouvent le soir à la bergerie contribue aussi à les engraisser et à les préserver en outre des maladies que les navets peuvent leur donner. Un arpent de bons navets peut engraisser de 12 à 15 moutons. Un ancien boucher allemand, fort habile engraisseur de moutons, a fait connaître la méthode qu’il employait ; voici la substance de cette méthode. Ce boucher n’achetait jamais en bloc un troupeau destiné à la boucherie, parce que souvent il y avait trouvé des bêtes qu’on ne pouvait amener à bien. Il choisissait tous ses moutons ; il fallait qu’ils eussent au moins 3 ans 1/2 ; quand ils étaient plus âgés, c’était encore mieux ; pourvu qu’ils n’eussent pas perdu une partie de leurs dents. En effet, lorsque les moutons sont trop jeunes, ils ne donnent pas de suif ; s’ils sont trop vieux, ils ne peuvent pas broyer convenablement leur nourriture, les parties nutritives sont perdues en grande partie, et leur santé s’altère ; ou s’ils se portent assez bien pour qu’on ne craigne pas de les perdre, il leur faut un long temps pour engraisser et leur engrais devient trop cher. Après l’âge, il donnait une grande attention à la conformation extérieure qui indique la propension à la graisse. Il ne prenait que des moutons déjà en bon état, sachant bien que les moutons secs et maigres qu’on engraisse promptement ne donnent pas une chair succulente ; et qu’une livre de viande, qu’on a obtenue par la pouture, revient plus cher que celle que l’on achète avec le mouton avant l’engrais. Après avoir ainsi choisi ses moutons, le boucher les classait dans trois divisions : la première renfermait ceux qu’il venait d’acheter ; il mettait dans la deuxième ceux qui mangeaient le mieux, à qui la nourriture profitait et qui étaient disposés à prendre graisse : parmi eux, il choisissait de temps en temps les plus gras pour les mettre dans la troisième division, la seule où il allât prendre des bêtes pour la tuerie. La première division n’était affouragée que trois fois par jour. Le matin on donnait du foin, ou de la paille de pois ou de lentilles ; à midi des lavures ou résidus de brasseries mêlées de paille hachée ou de feuilles de choux hachées, et du sel avec le fourrage ; le soir de la paille d’orge. Il ne les engraissait qu’à mesure de ses besoins, parce qu’il lui en aurait trop coûté pour les entretenir en cet état s’ils y étaient parvenus trop tôt. Les moutons qui ne devaient passer à la tuerie qu’après Pâques, étaient tondus l’hiver, leur laine croissant à vue d’œil : cette opération lui procurait non-seulement un