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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DES PLANTES ECONOMIQUES.


en mémoire de Nicot qui l’introduisit le premier dans son pays natal. Au Brésil et dans les Florides, le tabac est connu sous le nom de Petun.

§ 1er . — Espèces et variétés de tabac et leur description.

Il y a plusieurs espèces et variétés de tabac cultivées ; toutes sont originaires de l’Amérique méridionale. Notre but étant de faire connaitre celles qui concourent à former le tabac dont on se sert pour priser ou fumer, nous ne parlerons pas des autres.

Les principales espèces, et les plus employées dans les manufactures des tabacs, sont les suivantes :

Tabac a larges feuilles (Nicotiana latifolia). Sa racine est blanche, fibreuse, rameuse, très- désagréable au goût. Sa tige, grosse d’environ un pouce, s’élève de 4 à 5 pieds. Elle est cylindrique, moelleuse, velue, divisée en rameaux garnis de feuilles alternes, grandes, ovales, lancéolées. L’extrémité de ces rameaux porte des bouquets de fleurs purpurines. Le fruit est une capsule contenant une multitude prodigieuse de semences très-fines. Cette espèce, qu’on peut dire naturalisée en Europe, est la plus avantageuse à cultiver à cause de la grande dimension de ses feuilles, et de la finesse de son goût. Elle fleurit en juillet et août. Elle craint les grands froids, les brouillards et les ouragans. Quelquefois elle supporte les hivers modérés, mais en général elle n’est considérée dans nos climats que comme plante annuelle.

Tabac à feuilles étroites (N. angustifolia). C’est le tabac de Virginie, qui est une variété du précédent. Ses feuilles sont étroites, lancéolées, pointues, le tube des fleurs très-long. Cette variété est plus généralement cultivée en Virginie : c’est celle qui produit le tabac de première qualité, et le plus recherché dans tous les pays, mais elle rapporte moins en quantité, que la première espèce.

Tabac en arbre (N. fruticosa). Plusieurs botanistes soutiennent que cette espèce ne diffère nullement de la première. Abritée en orangerie ou laissée en plein air dans les pays où les hivers sont doux, elle devient ligneuse, forme un joli arbrisseau d’environ 5 pieds, qui dure trois ans, et qui produit du tabac aussi bon que celui de la première espèce.

Tabac rustique (N. rustica). C’est une espèce moins précieuse et moins cultivée que les précédentes. Sa tige n’a que 2 ou 3 pieds de hauteur, se divise en beaucoup de rameaux garnis de feuilles petites, ovales, obtuses, très-entières, velues ; ses fleurs d’un jaune pâle, en bouquets terminaux. Cette espèce vient de l’Amérique méridionale, réussit bien dans les pays chauds, est moins délicate qu’aucune des autres, mais son produit n’est pas très-estimé. C’est pour cette raison qu’elle porte le nom de petite Nicotiane, tabac du Mexique ou faux tabac.

Tabac crépu (N. crispa). C’est une petite espèce provenant du Pérou ou du Brésil. Sa tige est très-branchue, garnie de poils blancs, feuilles étroites, ridées, ondulées, sessiles, amplexicaules. C’est cette espèce qu’on cultive de préférence en Syrie, en Calabre, dans tout l’archipel et l’Asie-Mineure. Le tabac crépu est très-doux : c’est de cette feuille que l’on fait les cigares du Levant.

§ II. — Culture du tabac.

Le tabac ayant une racine très-chevelue, pivotante, fort longue, avec des fibrilles très-fines, une tige moelleuse, très-branchue, et des feuilles grandes et nombreuses, pour donner en peu de mois un rapport abondant, demande une terre très-substantielle, profonde, ni trop légère, ni trop forte, fraîche sans humidité. Les terrains limoneux d’alluvion, ceux à lin, à chanvre, à coton, ceux de première qualité, les terrains neufs surtout, sont ceux qui conviennent le mieux au tabac. De plus, comme il est sensible à la gelée, et qu’il lui faut un certain degré de chaleur, tant pour son accroissement et l’élaboration de ses sucs, que pour sa dessiccation , les terres chaudes, bien exposées au soleil, nourries d’un fumier très-actif, consommé, fort substantiel, à surface plane et abritée contre les vents violens du nord et du nord-ouest, sont des conditions très-essentielles pour sa bonne réussite.

Le champ destiné à porter cette plante doit recevoir au commencement de l’hiver, un premier labour à la charrue, et un second labour au printemps, immédiatement avant la plantation. Ce second labour exige beaucoup de soin, d’exactitude et d’intelligence ; c’est-à-dire qu’on doit détruire les mottes, enlever les pierres, incorporer les fumiers avec le sol, extirper les mauvaises herbes ; en un mot, il est essentiel de bien disposer la terre, comme si l’on voulait cultiver du lin ou du chanvre, ou même des légumes.

Lorsque le terrain est ainsi préparé, on le divise en lignes parallèles distantes de 3 pieds les unes des autres, sur lesquelles on met en quinconce les plants du tabac, au moyen d’un cordeau garni de nœuds. Les plantes placées avec cet ordre et a cette distance, sont plus faciles à soigner, et peuvent recevoir toute la nourriture qui leur est- nécessaire pour bien végéter. En Virginie, dans le Maryland, et dans les pays méridionaux, on n’a pas besoin de cette régularité, ni de toutes ces précautions ; on sème la graine à la volée, on éclaircit plus tard, on fait des labours à la main, et la bonté du climat fait le reste.

Mais dans nos climats, on sème la graine en février, dans un endroit exposé au midi ou au levant, sur une couche froide composée de terre fine, meuble, mêlée de terreau, préparée à ce seul effet [1] : on sème la graine a la volée, on la couvre tout de suite d’un châssis vitré, et pour empêcher l’effet des gelées tardives pendant la nuit, et pour maîtriser les rayons du soleil pendant le jour, on recouvre le châssis d’un paillasson. On donne de l’air

  1. Une couche de 6 pieds de long sur 4 de large fournit 6,000 pieds de terre, quantité suffisante pour un arpent de terre.