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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DES PLANTES ECONOMIQUES.

Ici finit la culture et la récolte du tabac. Tout ce qui reste à dire appartient à la manufacture du tabac, matière en dehors de notre sujet.

§ IV. — Usages du tabac.

Tout le monde sait que le tabac est un irritant très-puissant. Sa poudre, inspirée par le nez, excite un mouvement convulsif qui, à force d’être répété, devient peu-à-peu, dit-on, agréable. La mastication des feuilles détermine la sécrétion de la salive, et la rend plus abondante ; on prétend que la paralysie pituiteuse et de la langue, la surdité catarrhale, l’enchifrènement, se guérissent par la mastication des feuilles de cette plante. La fumée de tabac guérit, dit-on, les maux des dents.

Le tabac était autrefois plus employé en médecine ; des dictionnaires de botanique rapportent plusieurs exemples de guérisons inespérées par l’emploi du tabac ; aujourd’hui cette plante n’est presque plus en usage en médecine. Les vétérinaires continuent de s’en servir en lavemens, elle purge avec violence ; appliquée extérieurement, elle guérit les dartres, la gale, les ulcères invétérés.

L’huile de tabac est un émétique très-actif ; prise en forte dose, elle est un poison très-violent. — La décoction et la fumée de tabac font périr les insectes dans les serres, et même sur les arbres fruitiers.

On sait que, dans l’état actuel de la législation en France, la préparation du tabac, sa vente et sa culture ne sont point libres. La vente a lieu dans des bureaux autorisés par l’administration des contributions indirectes ; la fabrication s’opère par les soins de la même régie, qui mélange dans de certaines proportions les tabacs indigènes et exotiques ; enfin la culture n’est permise que dans certains départemens et cantons, où elle est soumise à des déclarations préalables, à des vérifications et contrôles sévères ; les produits sont achetés aux cultivateurs par la régie des contributions indirectes, suivant des tarifs qui règlent le prix de la feuille. En Angleterre la culture du tabac est prohibée, et chaque famille peut seulement en élever pour sa propre consommation.

L’abbé Berlèse.
Section iv. — De la Patate.

La Patate douce (Ypomœa Batatas, Poir. ; Convolvulus Batatas, Lin.; en anglais, Batatas ; en italien, Patatta) appartient à la famille des Liserons (Convolvulacées). Elle croît naturellement dans les régions les plus chaudes de l’Inde et de l’Amérique, où elle est aussi cultivée pour ses grosses et tubéreuses racines qui fournissent une nourriture abondante. Depuis environ deux siècles, on l’a introduite en Portugal, en Espagne, en Italie, sur la côte d’Afrique, et particulièrement à Alger où elle réussit très-bien, et d’où nous en avons reçu d’excellens tubercules depuis que la France est en possession de cette colonie. Les bonnes qualités de la patate ont naturellement fait désirer l’introduction de sa culture en France, et elle a été tentée pour la première fois sous Louis XV, dans les jardins de Trianon et de Choisy, avec assez de succès. Cependant, depuis la mort de ce prince jusqu’à l’empire, la patate semble avoir été presque entièrement oubliée ; les efforts de Rosier, Parmentier et Thouin n’ont pu en faire établir la culture dans nos départemens les plus méridionaux. Il était réservé à M. le comte Lelieur, de Ville-sur-Arce, administrateur des jardins de la couronne sous l’empire, de remettre la patate en honneur, sinon dans la grande culture, du moins dans les jardins pour la table des riches, et il avait complètement réussi. Depuis lors , les vicissitudes politiques ont fait négliger la culture de la patate, mais son mérite n’a pas été oublié ; M. Vilmorin a toujours entretenu le feu sacré , et M. Vallet de Villeneuve a fait des expériences en grand dans le département du Var, qui ne laissent aucun doute sur la possibilité de cultiver la patate en plein champ avec succès dans le midi de la France. C’est donc principalement d’après les expériences de ce dernier, que nous croyons que la patate peut et doit entrer dans la grande culture, et que nous allons exposer les procédés qui nous semblent devoir conduire au résultat le plus satisfaisant. Nous commencerons par donner une idée de la patate elle-même, et de sa manière de se propager.

La patate produit d’abord beaucoup de racines fibreuses et filiformes, dont une partie se change bientôt en tubercules ovales, oblongs, fusiformes, charnus, gros au point que quelques-uns pèsent jusqu’à 8 livres. En même temps que les tubercules se forment dans la terre, la tige grandit, se ramifie, s’alonge d’un ou deux mètres, rampe sur la terre, s’y enracine en plusieurs endroits si on ne s’y oppose pas, se couvre de grandes feuilles alternes, cordiformes, qui se lobent ou se divisent plus ou moins selon les variétés, et quand les circonstances sont favorables, celte tige produit en outre des grappes axillaires de fleurs d’un blanc violacé, assez grandes et figurées en entonnoir. A ces fleurs succèdent de petites capsules qui contiennent quelques graines dont la maturité est rare en France, mais qui ont cependant mûri complètement a Toulon en 1834 ; ce qui donne l’espoir d’en obtenir des variétés d’une culture plus facile que celles que nous possédons.

Les variétés de patate bien connues aujourd’hui en France, sont les suivantes, parmi lesquelles les trois premières réussissent très-bien en terre légère ; il paraît que les deux dernières demandent une terre un peu plus forte. 1° La Patate rouge (A, fig. 32 ) est souvent fort alongée ; sa peau est d’un rouge violacé ; sa chair est jaunâtre, très-tendre et la plus sucrée. 2° La P. jaune (B, fig. 32) est plus grosse, jaunâtre en dehors et en dedans ; sa chair est plus ferme, plus farineuse et probablement plus nutritive que celle de la rouge. 3° La P. igname (C, fig. 32) est plus grosse et moins longue que les précédentes ; sa peau et sa chair sont d’un blanc terne ; elle paraît moins sucrée que la jaune, et surtout que la rouge ; mais étant nouvellement introduite en France, ses qualités ne sont pas encore suffisamment