Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/117

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un grand cuvier, rempli d’eau à la température du sang humain (32°R.), dans lequel on plonge l’un après l’autre les moutons jusqu’à ce que la laine en soit bien ouverte. On les lave ensuite dans l’eau de rivière comme à l’ordinaire. Ce procédé ne serait pas d’une exécution difficile ni dispendieuse ; à chaleur du corps des moutons suffirait pour conserver la température du bain, et dans tous les cas quelques chaudronnées d’eau bouillante pourraient rendre à celui-ci la chaleur qu’il aurait perdue. » Le célèbre BakeweLL, dans son ouvrage sur la laine, est aussi d’avis que tous les mérinos et leurs métis devraient être lavés de cette manière. « Il est impossible de nettoyer convenablement, dit-il, la toison de ces animaux par une simple immersion dans l’eau des rivières, par suite du tassé de leur toi- son. Le travail, et les frais que nécessiterait ce lav- age dans des cuviers avec de l’eau chaude aiguisée d’un peu de lessive de potasse ou de soude, se trou- veraient complètement compensés par l’excellent engrais que fourniraient les eaux de lavage. » « En Suède, dit le baron sChuTz, on fait souvent usage de grands cuviers qu’on remplit d’une partie de lessive de cendres de bois tirée à clair, de 2 par- ties d’eau tiède et d’une petite quantité d’urine. Les moutons sont d’abord plongés dans ce bain ; quand ils en sortent, on les fait entrer dans un second, à la même température, mais où l’on n’a mêléa l’eau qu’une bien moindre quantité de lessive ; enfin ils sont retournés sur le dos et rincés dans un 3e cuvier contenant de l’eau claire et chaude, et le lavage se termine toujours, après que le mouton est sorti de ce dernier bain et est sur ses jambes, en versant sur lui une quantité suffisante d’eau pure, et en exprim- ant en même temps avec les mains toutes les parties de sa toison. » B. Lavages des laines à chaud. Il y a plusieurs modes de lavages des laines à chaud : nous nous contenterons d’indiquer les suiv- ants, en rappelant qu’il y a généralement 3 opéra- tions distinctes dans ce mode de lavage, savoir : l’échaudage, qui consiste à plonger la laine dans un bain quelconque ; le lavage, qui se fait dans une eau pure ou courante, et le séchage. 1° Lavage espagnol. L’Espagne, qui a régénéré nos troupeaux, nous avait aussi enseigné une manière particulière de laver les laines et de les amener au degré d’épura- tion qu’elles doivent avoir avant de subir les opéra- tions ultérieures en fabrique. Le plus considérable et le mieux organisé des établissements formés en Espagne pour nettoyer les laines, était celui d’Alfaro, à peu de distance de Ségovie, dont M. poyFéré de Cère, qui l’avait vis- ité avant sa destruction, nous a laissé une descrip- tion exacte. Ce lavoir se composait d’un bassin elliptique ali- menté d’eau par des réservoirs et suivi d’un canal revêtu de madriers. Les berges du bassin et du canal étaient revêtues en maçonnerie. On descend- ait dans le lavoir par 3 marches, et à l’extrémité du canal se trouvait une bonde pour vider à volonté les eaux, un bourrelet de 16 pouces de hauteur pour retenir les eaux dans le canal, et une cage en bois couverte d’un filet a mailles très serrées pour arrêter les laines qui pouvaient être entraînées par le cou- rant par-dessus le bourrelet. Près du bassin était une chaudière montée sur un fourneau et destinée à fournir de l’eau chaude à des cuves où l’on met- tait les laines en immersion. Des grillages en lattes servaient à recevoir et à faire égoutter les laines à la sortie des cuves, et un massif en talus avait la même destination quand elles sortaient du lavage ; voici les opérations qu’on faisait dans ce lavoir, telles que les décrit M. poiFéré de Cère dans son mémoire. « L’eau étant donnée au lavoir et les laines ayant été triées, on remplit les cuves d’eau chaude jusqu’aux 2⁄3 de leur hauteur ; cette eau est tempérée par de l’eau froide versée à volonté. Un homme pour en faire l’essai y plonge une jambe et y fait ajouter de l’eau chaude ou de l’eau froide jusqu’à ce que le degré de chaleur soit tel qu’il puisse le supporter sans être brûlé ; il donne alors le signal de mettre la laine en immersion : la durée de cette immersion se règle sur l’intervalle qu’il faut pour vider la 2e et la 3e cuve avant de revenir à la 1re, et chaque fois on renouvelle entièrement l’eau du bain, ce qui est un des traits principaux du lav- age espagnol. Un ouvrier descend dans une cuve, retire une certaine quantité de laine, et en remplit des paniers d’osier déposés sur le bord du grillage à égoutter. Des enfants, se tenant à des cordelles, montent sur la laine contenue dans les paniers, et la pressent de leurs pieds pour en exprimer l’eau du suint dont elle est imbibée, la versent alors sur le grillage où 3 enfants la ramassent, la divisent et la déposent sur le bord du lavoir. Un ouvrier, c’est l’homme important pour le lavage, placé sur une des marches du lavoir, prend la laine poignée à poignée, la divise encore et la laisse tomber dans le bassin. Deux hommes placés dans ce bassin et appuyant leurs mains sur une traverse solidement fixée dans les parois intérieures, agitent alternative-

104 ARTS AGRICOLES : LAVAGE DES LAINES LIV. IV. Fig. 103.

ment la jambe droite et gauche pour refouler l’eau et diviser les flocons de la laine. Il y a 11 à 12 pouces d’eau dans le lavoir. Quatre ouvriers placés dans le canal et s’appuyant de leurs mains sur les bords, répètent le mouvement des 2 hommes précédents. Quatre autres ouvriers aussi placés dans le canal ramassent la laine à mesure qu’elle est entraînée par le courant ; ils en forment des paquets ou peces sans la tordre ni la corder, en expriment l’eau et la jettentsurleplancherdesbordsdulavoir,oùun enfant la reprend et la jette sur l’égouttoir ou massif en pente. Deux autres enfants la relèvent et la font successivement passer à un ouvrier qui la ramasse pour la déposer en tas sur le sommet de l’égouttoir, où elle reste pendant 24 heures. Après cela on la porte sur une prairie voisine, qui a été ratissée et même balayée avec soin, et sur laquelle on l’étend en petites parties jusqu’à ce qu’elle soit bien sèche, ce qui exige ordinairement 3 à 4 jours. La laine qui échappe aux