Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/119

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elle a plus de dou- ceur et se file plus aisément. Ce qu’il y a de certain, et ce qui paraît avoir été constaté par M. ChevreuL, c’est que les laines qui ne sont lavées qu’après avoir été refroidies complètement prennent mieux la teinture et ne blanchissent pas par le frottement et l’usure lorsqu’elles sont confectionnées en draps et en habits. Quoiqu’il en soit, les paniers remplis de laine sont passés aux laveurs placés soit sur le bord de l’eau, soit dans un bateau, soit dans un tonneau défoncé d’un bout et enterré dans le massif du quai ou au milieu même du courant ; ceux-ci prennent les paniers, les plongent dans l’eau jusque près des bords, les tiennent ainsi suspendus au moyen de cordes accrochées au bateau ou au tonneau, puis, à l’aide de la fourche ou des baguettes lisses, ils promènent vivement la laine, la soulèvent et l’ou- vrent le plus possible, mais sans jamais la retourner, la rouiller ou en déterminer le feutrage. Lorsque la laine est suffisamment épurée, ce que l’on juge par sa teinte uniforme dans tous les brins, par sa blancheur, par l’eau qui en découle lorsqu’on la soulève et qui ne doit pas être colorée, ou parce que cette laine surnage à la surface sous forme de nuage, on l’enlève par poignée au moyen des baguettes, et on la jette dans des paniers ou sur des claies où elle s’égoutte, ou bien on la dépose sur des brouettes qui servent à la transporter au lieu où doit se faire le séchage. Ce séchage s’opère ordinairement à l’air libre. Pour cela on étend la laine sur un gazon bien propre et bien fourni, ou bien sur un lit de cailloux de riv- ière de moyenne grosseur lavés avec soin, ou enfin sur des claies. Dans un grand nombre de lavoirs des environs de Paris, les laines fines sont séchées sur des toiles étendues sur le gazon ou sur des filets suspendus par les extrémités. Cette dernière méth- ode donne la faculté de rassembler et rentrer très promptement la laine s’il survient une pluie ou un orage. La plupart des agronomes conseillent d’éten- dre la laine mouillée à l’ombre, parce que, disent-ils, le soleil gâte et durcit le brin en le desséchant trop promptement ; cependant des laveurs des environs de Paris, qui font sécher les laines les plus belles au soleil, ne paraissent pas en avoir éprouvé d’incon- vénient, et sont peu disposés à renoncer à une méth- ode qui accélère le travail et le rend plus complet. Pendant que la laine est sur les cailloux ou sur le gazon, on la retourne souvent avec des fourches de bois et on la rentre le soir pliée dans de grandes toiles. Si une journée d’exposition sur le séchoir ne suffit pas, on l’étend de nouveau le lendemain ; ainsi de suite tous les jours jusqu’à parfaite dessiccation. Quand les laines ont été enlevées des cuves, on recommence une 2e opération, en ajoutant de l’eau de suint pour remplacer celle qui a été entraînée par la laine, et de l’eau chaude pour faire remonter au degré voulu la température du bain ; seulement quand l’eau devient trop bourbeuse, on la soutire et on la remplace par de nouvelle eau de suint. Pour sécher promptement la laine, surtout dans la saison avancée, et en même temps la rendre plus blanche en exprimant la plus grande quantité pos- sible d’eau de lavage qui entraîne toujours avec elle quelque saleté, on peut la tordre dans des toiles, la fouler dans les paniers, ou la mettre dans des caisses percées de trous, et la soumettre ainsi à l’action d’une petite presse. Les instruments de ce genre que nous avons fait connaître dans les figures 45, 46, 47, 50 et 52 du tome III, et dont la forme est très sim- ple, pourraient être employés à cet usage. Après que la laine est bien sèche, on peut encore l’éplucher à la main pour en retirer les pailles ou autres saletés qui n’ont pas été enlevées par le lav- age et qui altèrent encore sa pureté. Alors on la transporte dans le magasin, où elle est empilée dans de grandes cases en planches jusqu’à ce qu’elle soit emballée et expédiée. Par le lavage français, la laine fine de mérinos, dépouillée de son suint et d’une grande partie de sa matière grasse, perd 66 à 75 p. % de son poids, et conserve encore 4, 5, 6, 7 p. % et au-delà de matière grasse, suivant la nature de la laine et le soin apporté dans les manip- ulations, ou les habitudes du laveur. Un bon laveur n’est pas une chose commune, et un ouvrier qui est habile dans cet art doit livrer des laines propres et bien purgées, blanches, non cordées, nouées ou cassées, et d’une nuance uni- forme. Depuis bien longtemps on fait usage dans le midi de la France, et surtout dans le Languedoc, d’un excellent mode d’échaudage pour les laines, sans avoir recours à d’autre moyen de dessuintage que le suint lui-même, parce qu’on a reconnu que tous les autres agents durcissaient le brin et altéraient sa qualité. Pour cela on emploie une grande chaudière rem- plie d’eau qu’on fait chauffer de 40 ou 60° R. suiv- ant que la laine est plus ou moins difficile à net- toyer. Au-dessus de 60° la laine serait altérée. On se sert de 2 filets à mailles serrées comme ceux employés par les teinturiers en laine. Lorsque l’eau se trouve au degré de chaleur convenable à la laine qu’on veut dégraisser, on jette dans la chaudière un des filets chargé de 30 kilog. de laine en suint.