Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/450

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
436
liv. iv.
ARTS AGRICOLES : DE LA BOULANGERIE.


qu’aux 2/3 de la chaleur qu’il faut ordinairement pour le pain. Au bout de ce temps, on les retire du four avec précaution et on les place dans des caisses contenant de 25 à 50 kilogr. qu’on porte dans une étuve ordinairement placée au-dessus du four. C’est là que le biscuit achève de perdre son humidité et se dessèche complètement. On ne met pas de sel dans la pâte qui sert à la confection du biscuit, dans la crainte qu’il n’attire l’humidité de l’air. Il est permis de croire que le sel, bien dépouillé par sa solution dans l’eau des muriates de chaux et de magnésie, ne produirait pas l’effet qu’on redoute.

Le biscuit bien préparé et de bonne qualité est sec et cassant ; sa couleur est jaune-brunâtre ; sa cassure est vitreuse ; sa mie sèche et blanche, elle se gonfle beaucoup dans l’eau, sans aller au fond ni se diviser en miettes. Les Anglais le préparent, dit-on, sans levain ; aussi est-il presque toujours fade, d’un blanc mat, et ne trempe pas bien.

Section XIV. — Du pain de seigle.

Le seigle contient moins de gluten que le blé ; c’est à cette différence qu’il faut attribuer l’infériorité de sa panification comparée à celle du blé. Dans certaines localités de la France et dans le nord de l’Allemagne, le peuple ne se nourrit que de pain de seigle. Pour panifier convenablement le seigle, il faut employer plus de levain que pour le blé, couler l’eau plus chaude, tenir la pâte plus ferme, y mettre moins de sel et la laisser plus longtemps au four.

En Belgique, en Hollande, en Suisse et en Allemagne, on fait du pain de seigle pur pour les chevaux qui voyagent ; ils en sont très friands.

On fait aussi, dans beaucoup de campagnes, du pain de méteil, mélangé de 2/3 de blé et 1/3 de seigle plus ou moins. Le pain se traite à peu près comme celui de seigle, en se rapprochant néanmoins des conditions nécessaires à la bonne panification du froment pur.

« On n’a pas suffisamment apprécié le mérite du pain de méteil, dit Parmentier ; il tient le premier rang après celui de froment ; il reste frais long-temps sans rien perdre de sa saveur, avantage précieux pour les habitans des campagnes qui ne cuisent pas souvent.»

Section XV. — Du pain de pommes de terre.

On a beaucoup essayé de panifier la pomme de terre. Les corps savans, les sociétés d’encouragement ont promis des récompenses aux personnes qui trouveraient des procédés pour atteindre ce but. Jusqu’à présent, rien de ce qui a été essayé n’a réussi. Est-ce un malheur pour l’humanité ? Nous ne le croyons pas. La pomme de terre, c’est du pain tout fait ; faites-la cuire dans l’eau, sous la cendre, au four, de telle manière que vous voudrez, c’est une nourriture saine aimée de tous.

Le seul avantage qui pourrait se rencontrer dans la panification de la fécule de pommes de terre serait d’épargner les frais de transport. La pomme de terre est lourde à transporter et contient un parenchyme ligneux et une eau de végétation qui forment les 2/3 au moins de son poids ; mais elle se cultive aujourd’hui partout et dans chaque village il y a de la pomme de terre ; de telle sorte qu’elle n’est jamais grevée de frais de transport bien considérables.

Dans les momens de cherté les boulangers ont essayé d’augmenter, au moyen de la pomme de terre, la masse de leurs farines. La manière la plus générale d’opérer était celle-ci : On faisait cuire les pommes de terre, on les pelait, on les écrasait avec un rouleau, de manière à les réduire en une espèce de pâte très déliée sans laisser de grumeaux. Sans attendre que cette pâte fût refroidie, on la délayait dans la totalité de l’eau qui devait servir ail pétrissage de la pâte ; les boulangers soigneux, pour éviter les grumeaux, passaient cette mixture dans un tamis de fer à mailles assez ouvertes ; puis on pétrissait comme à l’ordinaire. On avait soin de mettre ce pain un peu vert au four. On employait ainsi du 10e au 5e en farine de pommes de terre.

Dans ces mêmes années désastreuses, quelques meuniers ont trouvé un grand bénéfice à mêler dans leur farine une certaine quantité de fécule de pommes de terre ; mais les boulangers qui ont employé cette farine ont été victimes de cette supercherie, et c’est à celle cause qu’il faut attribuer, en grande partie, les désastres qui ont eu lieu dans la boulangerie de Paris, à la suite des années de cherté de 1828, 1829 et 1830 ; désastres qui sont naturellement retombés sur ceux qui en avaient été la cause. C’était justice. Conçoit-on en effet qu’un meunier abuse de circonstances difficiles pour vendre, comme bonnes, des farines dont le produit seul peut servir à le payer ? Plus le boulanger est pauvre, plus son fournisseur doit s’efforcer de lui donner de bonnes farines, c’est pour ce dernier la seule condition de succès. Or, les meuniers fraudeurs, au moyen de la fécule, travaillaient justement à la ruine du boulanger, et conséquemment à leur ruine propre. La Société d’encouragement de Paris, et le syndicat de la boulangerie, ont proposé des prix importans pour un procédé à l’aide duquel on pourrait facilement et instantanément découvrir la présence de la fécule de pomme de terre dans la farine de blé, et dans quelle proportion ce mélange aurait été fait. Plusieurs mémoires ont été présentés, et celui qui a mérité non pas le prix (la question est remise au concours de 1836), mais une médaille d’or, pour la simplicité de son procédé, est le mémoire de M. Boland, maître boulanger à Paris, rue et île Saînt-Louis.

Voici en quoi consiste le procédé de M. Roland, tel qu’il le décrit lui-même :

« Constater d’abord la qualité de la farine, en séparant, comme il a été dit plus haut, le gluten de l’amidon par les moyens ordinaires qui sont de prendre 20 grammes de farine, en faire une pâle ni trop ferme, ni trop molle. On se servira d’une tasse et d’un tube de verre. Malaxer cette pâte dans le creux de la main, sous un très petit filet d’eau. Il est indispensable d’avoir sous la main un vase conique, ou espèce de verre à pied, surmonté d’un petit tamis pour recevoir l’un l’eau de lavage qui entraîne l’amidon, et l’autre le glu-