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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/453

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chap. 24e.
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SUBSTANCES NUISIBLES A LA SANTÉ.


tion du pain, par suite d’introduction dans la pâte de sels vénéneux, est ou extrait ou elle textuellement du savant rapport que M. Kulmann, chimiste distingué de Lille, a fait en 1831 à la Société des sciences de Lille.

§ 1re. — Du sulfate de cuivre.

Les chimistes sont assez généralement d’accord sur ce point : qu’il existe dans les céréales des traces de cuivre. C’est donc avec la plus grande circonspection qu’il faut se prononcer dans les essais faits sur le pain pour découvrir les substances qu’on a accusé les boulangers d’y introduire. Il faut, toutefois, que la santé publique puisse trouver une garantie contre les fraudes dont la cupidité et l’ignorance pourraient se rendre coupables.

Il paraît certain qu’à la suite des fatales années de 1816 et 1817, plusieurs boulangers de la Belgique et du nord de la France ont cru trouver de l’avantage à introduire dans le pain une certaine quantité de sulfate de cuivre. « Les avantages qu’ils en retiraient, dit un journal du temps, étaient de pouvoir se servir de farine d’une qualité médiocre et mêlée, d’avoir moins de main-d’œuvre, en épargnant l’emploi du levain dont la préparation exige beaucoup de travail, et une panification prompte donnée à la pâte, ce qui rend la mie et la croûte plus belles ; de pouvoir employer une plus grande quantité d’eau, ce qui fait augmenter le poids du pain, etc. »

Quoique la présence du sulfate de cuivre dans le pain à une dose aussi minime que celle qui parait "avoir été employée par les boulangers (un petit verre à liqueur dans 250 livres de pâte environ) ne puisse présenter d’inconvéniens graves sur l’économie animale, son introduction dans le pain n’en doit pas moins être considérée comme un attentat à la santé publique. En effet, l’emploi d’un agent aussi ; dangereux est laissé dans une boulangerie à la discrétion d’un garçon boulanger ; il doit en mesurer une tète de pipe pleine ; mais qui sait si la main n’a pas tremblé lorsqu’il a versé le poison ? Qui nous garantira contre les conséquences de ce raisonnement de la part du boulanger que si une portion donne de bons résultats une double portion en donnera de meilleurs ? Qui peut nous assurer que, se confiant au pouvoir magique de sou secret, il n’a pas négligé de pétrir sa pâle suffisamment et par suite le poison ne se trouve assez accumulé en certaines places du pain pour occasionner la mort ?

Heureusement la chimie nous fournit les moyens de reconnaître facilement la fraude et par conséquent d’en assurer la répression. En opérant sur du pain blanc, l’action directe du ferrocyanure de potassium se manifeste déjà, lors même que ce pain ne contient que 1 partie de sulfate sur environ 9,000 de pain, par une couleur rose produite presque immédiatement.

Résultats obtenus par M. Kulmann sur du pain blanc contenant diverses parties de sel cuivreux :

numéros. quantité
de sulfate
de cuivre
dans le pain.
Action
du ferrocyanure
du potassium.
Action
de l’hydrosulfate
d’ammoniaque.
N° 1 1
29.000
N° 2 1
15,300
N° 3 1
8.700
coloration en rose
trés apparente.
N° 4 1
7,360
coloration en rose
plus prononcée.
N° 5 1
3,590
rouge de sang. couleur brunâtre.
N° 6 1
1.875
cramoisi foncé couleur brunâtre
apparente.

Le procédé par le ferrocyanure de potassium, simple et à la portée des personnes même étrangères aux connaissances chimiques, serait insuffisant pour déterminer la présence dans le pain de très minimes quantités de sel cuivreux.

Voici la méthode analytique suivie et décrite par M. Kulmann : « Je fais incinérer complétement dans une capsule de platine 200 gram. de pain ; le produit de l’incinération, après avoir été réduit en une poudre très fine, est mêlée dans une capsule de porcelaine avec assez d’acide nitrique (8 à 10 gram.) pour former une bouillie très liquide. Je soumets ce mélange à l’action de la chaleur, jusqu’à ce que la presque totalité de l’acide libre soit évaporé et qu’il ne reste qu’une pâte poisseuse que je délaie dans environ 20 gram. d’eau distillée, en facilitant la dissolution par la chaleur ; je filtre et sépare ainsi les parties inattaquées par l’acide, et dans la liqueur filtrée je verse un petit excès d’ammoniaque liquide. Après refroidissement, je sépare par le filtre le précipité blanc et abondant qui s’est formé, et soumets la liqueur alcaline à l’ébullition pendant quelques instans pour dissiper l’excès d’ammoniaque et la réduire au quart de son volume. Cette liqueur étant rendue légèrement acide par une goutte d’acide nitrique (le plus souvent l’ébullition développe une acidité suffisante), je la partage en 2 parties : sur l’une, je fais agir le ferrocyanure de potassium, sur l’autre, l’acide hydrosulfurique ou hydrosulfate d’ammoniaque.

« En suivant ponctuellement ce procédé le pain, dût-il ne contenir que 1/70,000 de sulfate de cuivre, la présence de ce sel vénéneux serait rendue apparente. »

Le sulfate de cuivre exerce une action extrêmement énergique sur la fermentation et la levée du pain. Cette action se manifeste de la manière la plus apparente, lors même que ce sel n’entre dans la confection du pain que pour 1/70,000 environ, ce qui fait à peu près 1 partie de cuivre métallique sur 300,000 parties de pain, ou 1 grain de sulfate par 7 livres et 1/2 de pain. La proportion qui donne la levée la plus grande, est celle de 1/30,000 à 1/15,000 ; mais en augmentant davantage la dose de