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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


tion, on prend une poignée de feuilles d’églantier, 8 à 4 poignées de sel pour 3 litres d’eau ; on fait bouillir à petit feu, pendant environ un quart-d’heure, on tire à clair et on laisse reposer ; lorsque cette décoction est froide, on la verse dans un vase de grès avec la caillette salée, un citron ou limon coupé en tranches, et 1 once de clous-de-girofle ; ce qui donne à la présure une saveur agréable et une bonne odeur. Sa force dépend du temps pendant lequel on aura laissé infuser l’estomac dans la liqueur.

Mme Hayward, célèbre dans tout le Gloucester par son habileté dans l’art de diriger les travaux de la laiterie, prépare ainsi sa présure. Pour six estomacs secs, et salés d’une année, elle ajoute 2 citrons et 8 litres d’eau. Elle en prépare à la fois une grande quantité, 80 litres, parce qu’elle a reconnu que la présure est d’autant meilleure qu’elle est faite en plus grande quantité, et elle n’en fait usage qu’après 2 mois au moins de repos.

4° Une autre préparation a été indiquée par Parkinson. On prend l’estomac d’un veau de 6 semaines environ, et, après avoir ouvert cette poche, on en retire le caillé qu’on met dans un vase propre, et qu’on nettoie et lave à grande eau jusqu’à ce qu’il soit bien blanc et bien net ; on l’étend sur un linge pour le faire sécher, et on le met enfin dans un autre vase avec une bonne poignée de sel. Ensuite on prend la poche ou estomac lui-même, qu’on lave abondamment, et quand il est bien propre on le sale fortement en dedans et en dehors ; on y remet le caillé, et on place le tout dans un pot de grès recouvert d’une vessie pour intercepter l’air. Pour l’usage on ouvre le sac, on met le caillé dans un mortier de pierre ou un bol, on le bat avec un pilon de bois, on ajoute 3 jaunes d’œufs, 1/4 de litre de crême, un peu de safran en poudre, un peu de clous-de-girofle et de macis ou de muscade. Le tout, étant bien mêlé, est remis dans le sac, et on fait ensuite une forte saumure avec du sel et une poignée de sassafras bouilli dans l’eau ; quand cette saumure est froide et tirée à clair dans un vase de terre très-propre, on y ajoute 4 cuillerées de caillé préparé comme ci-dessus ; cette quantité suffira pour faire cailler 60 litres de lait.

Il existe plusieurs autres formules ou recettes pour la préparation et la composition de la présure, mais c’est toujours la caillette de veau qui en fait la base ; dans quelques pays on lui substitue la caillette d’agneau (comme dans le Cantal et l’Aveyron), de chevreau et même de cochon de lait ; l’essentiel est que ces casiaux soient bien lavés, salés et desséchés, ou conservés dans la saumure.

La saumure se prépare de la manière suivante. On verse dans une quantité d’eau quelconque et bouillante, du sel jusqu’à ce qu’elle refuse d’en dissoudre davantage ; on laisse refroidir complètement, et on passe cette dissolution saturée dans un linge ou une étamine.

La France tire de l’étranger, de la Suisse principalement, 10,018 kilog. de présure pour lesquels elle paie la somme de 12,381 francs.

On peut employer la caillette quelque temps après la salaison, mais elle est meilleure lorsqu’elle a été conservée quelque temps. Dans plusieurs fromageries on n’emploie que des caillettes salées d’une année à l’autre.

C’est une mauvaise méthode que de jeter la caillette coupée dans le lait pour le faire cailler ; il vaut beaucoup mieux la faire tremper dans de l’eau tiède, ou du petit-lait aigri, le soir, pour se servir du liquide le lendemain matin.

L’infusion d’un pouce carré de caillette salée et séchée est suffisante pour faire cailler 50 litres de lait.

On met une caillette pour un litre et quart de saumure, ou de petit-lait aigri. Quand la présure est bonne, un quart de litre suffit pour 100 litres de lait. Dans l’Aveyron, sur les montagnes d’Aubrac, on met 4 caillettes d’agneau dans environ 23 kil. 5 de petit-lait, et on y ajoute 4 onces de sel tous les 4 jours ; dans 48 heures ce petit-lait forme la présure. On en verse environ 2 litres 1/2 dans un hectolitre de lait, et l’on remplace celle qu’on a dépensée par une égale quantité de petit-lait ; ensuite progressivement par une moindre quantité, et enfin on ne la remplace plus. A mesure qu’elle s’affaiblit, on en emploie davantage : au bout de 15 jours on en fait de nouvelle.

La meilleure caillette est celle qui au moment où on l’achète chez le boucher, exposée au grand jour, n’offre, vue par transparence, aucune tache, ni aucun point décoloré.

Quelle que soit la méthode que l’on adopte pour la préparation de la présure et sa conservation, on ne peut apporter trop de soins et de propreté dans ces opérations qui exercent une grande influence sur la qualité du fromage. — Il faut se garder d’user d’une présure trop nouvelle qui fait lever le fromage. — Il faut éviter de même de se servir d’une liqueur trop ancienne qui commencerait à s’altérer ; elle gâterait tout le fromage et lui communiquerait un mauvais goût.

La force de la présure n’étant pas constante, l’expérience est le seul guide. Un bon laitier se trompe rarement et juge très-exactement de sa force en l’essayant sur une petite quantité de lait. — On a proposé, pour remédier à l’incertitude où l’on est presque toujours sur la nature variable de la présure, de rejeter celle-ci et d’employer des acides minéraux ou végétaux d’une densité constante : l’expérience n’a pas jusqu’ici été favorable à cette manière de faire coaguler le lait.

II. Coloration des fromages.

En Angleterre on se sert du rocou pour donner aux fromages une couleur d’un jaune doré. Le rocou, arnatto ou annotto d’Espagne, est une pâte plus ou moins molle qu’on trouve partout dans le commerce. On met cette pâte dans un morceau de linge pour faire ce qu’on appelle un nouet. On trempe ce nouet dans le lait en le promenant et l’exprimant avec les doigts, ou on le presse contre les parois du baquet ; on remue le lait avec une spatule de bois pour bien mêler