Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


du reste, la fabrication comme pour les précédens.

Les formes sont des cercles de frêne, ordinairement de 16 cent. (6 po.) de diamètre, sur 10 cent. (4 po.) de hauteur. — Lorsque le lait n’est pas écrêmé, le fromage est bien supérieur.

8e Fromage de Gérardmer ou Géromé (Vosges).

Ce fromage se fabrique avec le lait de plusieurs traites, modérément chauffé ; ce lait est mis en présure par les procédés ordinaires, et le caillé est de même égoutté sur des claies d’osier, mis en moule, puis sous la presse, enfin salé avec du sel de Lorraine, qui lui communique, dit-on, une saveur particulière. On ajoute généralement au caillé un peu de cumin pour lui donner un arome agréable.

9e Fromage de la Herve ou fromage persillé du Limbourg.

Pour fabriquer ce fromage, il faut prendre un caillé de lait non écrêmé, bien séparé du sérum, et y ajouter par chaque kilog. (2 liv.) de fromage, du sel, du persil, des ciboules, de l’estragon, hachés menus, de chaque une forte pincée. Lorsque le mélange est bien exactement fait, le fromage est mis en moule, égoutté pendant 36 heures, retiré, puis exposé avec précaution sur une claie d’osier, garnie de paille, et enfin placé ainsi dans un lieu aéré et assez chaud pour qu’il sèche dans l’espace de 6 jours. Alors on le porte à la cave sur de la paille fraîche, en le recouvrant d’une légère couche de sel. Lorsqu’après un certain temps il se forme à la surface un léger duvet végétal, on le nettoie avec une brosse trempée dans de l’eau dans laquelle on a délayé une terre ocreuse, et cette opération est répétée 3 fois pendant les 3 mois qui sont nécessaires pour qu’il soit bon à manger. — Lorsqu’il est bien préparé, son intérieur est veiné de rouge, de bleu, de jaune. — Son goût est agréable et sa consistance un peu ferme.

III. Fromages à pâte ferme soumis à la presse.
10e Fromage anglais du Cheshire ou Chester.

Pour fabriquer le fromage de Chester, on met à part le lait de la traite du soir jusqu’au lendemain, et pour empêcher qu’il ne s’aigrisse, ce liquide est versé de suite dans un rafraîchissoir en fer-blanc ou en zinc, qu’on plonge dans l’eau froide, surtout l’été. Le lendemain matin la crême est enlevée et mise dans un vase de cuivre qu’on chauffe avec de l’eau bouillante. On élève de la même manière la température du tiers du lait écrêmé ; ensuite le lait de la traite du matin est coulé dans un large baquet, et on y mêle le tiers de lait écrêmé et chauffé qu’on a mélangé avec la crême, à une température qui n’excède pas 28° à 30° cent. On colore avec le rocou ; on ajoute la présure, et on couvre le tout pour le tenir chaud pendant une demi-heure au plus, et jusqu’à ce que le caillé soit formé. Ce caillé est ensuite retourné en masse avec une cuillère en bois ou une écuelle pour séparer le petit-lait, et peu de temps après il est ouvert et rompu par les moyens déjà décrits. On le laisse reposer un moment en cet état, puis on retire la plus grande partie du petit-lait avec un bol ; le caillé étant resté au fond du baquet, on en exprime le liquide autant que possible, et lorsqu’il est devenu plus solide et plus ferme, l’ouvrier le coupe en plus petits morceaux, le retourne souvent, et le comprime avec des poids pour exprimer le plus possible le sérum ; alors il est retiré du baquet, divisé avec les mains en parties aussi minces qu’on peut le faire, et placé dans la forme, où on le comprime d’abord avec les mains et ensuite avec des poids. Après cela on le remet dans une autre forme, ou bien dans la même, après qu’elle a été échaudée, et dans laquelle il est encore rompu, divisé et pressé. On le retourne ensuite en le plaçant dans une 3e forme, garnie d’une toile, et munie à sa partie supérieure d’un cercle en étain qui entre dans le moule, et qui est enveloppé d’une toile fine et très-propre ; le tout est alors mis sous la presse. Ces manipulations durent environ 6 heures, et il faut ensuite plus de 8 heures pour donner la 1re  pression au fromage. Pendant ce temps il est retourné 2 fois en changeant chaque fois de linge, et quand il est sous la presse on enfonce à travers les trous de la forme des broches fines en fer, pour faciliter l’écoulement du petit-lait. Le lendemain matin et le soir qui suivent, le fromage est retourné et pressé de nouveau. On en fait autant le 3e jour ; après quoi il est transporté au saloir. Là on le frotte à l’extérieur avec du sel pilé, on l’entoure d’un linge, on le met ainsi arrangé dans un baquet avec de la saumure, où il reste 2 ou 3 jours, avec l’attention de le retourner tous les jours. Il est ensuite placé sur des tablettes, et pendant 8 jours on le saupoudre de sel en le retournant 2 fois par jour. Pour le perfectionner, on le lave à l’eau chaude ou avec du petit-lait chaud ; on l’essuie et on le laisse sécher 3 jours, pendant lesquels il est retourné et essuyé une fois par jour. Enfin, lorsqu’il est bien sec, on le frotte avec du beurre frais. Ces fromages sont ensuite portés au magasin, où pendant une semaine ils sont retournés tous les jours. Ce magasin doit être une chambre modérément chaude et privée de l’accès de l’air, parce qu’autrement la croûte du fromage se fendillerait.

Le Chester est conservé en magasin pendant long-temps, et si on ne le force ou avance pas par des moyens artificiels, il est rare qu’il soit mûr ou fait avant 3 ans. — Au reste, ce fromage a la consistance du Parmesan ; mais sa saveur est moins agréable ; il se vend très-cher en France, et sa fabrication n’offre aucune difficulté. On fait des fromages de Chester qui pèsent jusqu’à 50 kilog. (100 liv.), et on prétend que ce sont les meilleurs. Il s’en fait aussi de plus petits, auxquels on donne la forme d’une pomme de pin, et qui sont connus à Paris sous le nom de Chester ananas.

Les fromages de Chester varient suivant la quantité de crême qui entre dans leur pâte. — On peut aussi les fabriquer avec le lait d’une seule traite et chaud ; ou bien avec le lait d’une traite et une portion de la traite