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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


le but est d’obtenir un fromage compact, d’une pâte rousse, grasse, qui se perce de grands trous. Si on néglige cette opération, on a un fromage blanc à petits trous.

Ces procédés sont ceux de la fabrication des fromages maigres ou mi-gras. Pour le fromage gras, on verse dans la chaudière la dernière traite en la sortant de la mesure. On enlève la crême de la traite ancienne, afin de la mêler très-également au lait nouveau, et pour cela, on la verse dans le couloir et on la fait couler à petit filet dans la chaudière. On met une plus forte dose de présure. En 10 minutes on fait arriver le lait à 36° C, et après avoir retiré la chaudière du feu on brasse pendant une demi-heure, et on presse le caillé avec le plus grand soin. Le fromage gras cède moins à la compression que les deux autres.

Chaque jour avant de commencer le travail, on sort du cercle le fromage fait la veille, et on le porte au magasin. Quelques heures après l’y avoir placé, on le saupoudre de sel très-sec, pilé très-fin ; ce sel absorbe l’humidité, et ne tarde pas à se fondre en gouttelettes. Pour étendre cette saumure très-également, on frotte le dessus et les côtés avec un torchon de laine ; le lendemain, quand toute la saumure a été absorbée, on tourne le fromage et on recommence la même opération. Il est essentiel de ne pas tourner le fromage avant que la saumure soit absorbée ; si on néglige cette attention, la peau ne prend pas de consistance et se fend ; chaque jour on tourne le fromage et on le charge de sel. La quantité de saumure qui peut être absorbée en 24 heures, et qui varie suivant l’état de sécheresse ou d’humidité du local, donne la mesure de la dose de sel qu’on doit mettre à chaque salaison.

Un fromage est assez salé quand il cesse d’absorber la saumure, et que sa surface conserve une humidité surabondante ; sa couleur devient alors plus intense, et sa croûte prend de la consistance. — La quantité de sel absorbée est de 4 à 4½ pour cent de son poids. Cette absorption dure 3 mois en hiver et 2 mois en été. Quand les fromages sont salés, on peut les mettre en piles de 2 ou 3 pièces, en ayant soin de les retourner de temps en temps en les frottant avec un torchon.

On reconnaît la qualité du fromage de Gruyères au moyen de la sonde, de l’odorat et du goût. Les yeux, quand il est bien fabriqué, doivent être grands, clair-semés ; la pâte d’un blanc jaunâtre, douce, moelleuse, délicate, d’une saveur agréable et se fondant aisément dans la bouche.

22e Fromage Parmesan.

C’est dans le Milanais que se fabrique la plus grande quantité de ce fromage si renommé, et dont la fabrication n’offre pas plus de difficulté que celle des autres. Il suffit en effet, pour l’imiter, d’avoir du bon lait, et d’apporter toute l’attention convenable aux diverses opérations.

Ce fromage se fait avec le lait écrêmé. Le premier soin est donc de laisser reposer le lait dans un endroit frais, pour que la crême se sépare, sans toutefois que le lait aigrisse. La température de la laiterie doit être constamment de 10°. Les vases dont on se sert dans le Lodésan pour recevoir le lait sont en cuivre étamé, de 50 cent. (18 po.) de diamètre sur 8 à 9 cent. (4 po.) de profondeur. On peut les remplacer par des vases en fer-blanc ou en zinc. Deux cents litres de lait sont au moins nécessaires pour une cuite, parce qu’il y a plus d’avantage de faire un gros fromage qu’un petit. Tout le lait doit être écrêmé. On emploie, autant que possible, le lait d’une seule traite, ou tout au moins d’un seul jour. Comme pour le Gruyères, il faut goûter le lait avant de s’en servir, et rejeter celui qui serait d’une saveur aigre ou désagréable.

On réunit le lait de tous les vases dans une chaudière de forme particulière (fig. 51), mais mal adaptée à cet objet ; on chauffe ce lait jusqu’à 20 ou 25° C., en ayant soin de l’agiter avec un bâton (fig. 40 E). La contenance de la chaudière varie de 200 à 300 et 400 litres.

Fig. 51.

Lorsque le lait est parvenu à la température convenable, on met la présure, on agite pour opérer le mélange, et on retire du feu pour donner au caillé le temps de se former. La présure en usage dans le Lodésan est une caillette de veau de lait salée et desséchée avec le caillé qu’elle contenait. La manière dont on l’emploie est moins commode que celles qui ont été indiquées ; l’essentiel est de mettre la dose nécessaire pour que le caillé se forme promptement. Cette dose varie suivant les saisons.

Aussitôt que le caillé est formé, on le rompt d’abord avec une épée ou couteau de bois ; ensuite on le brasse avec un bâton à chevilles (fig. 40 D), et enfin l’ouvrier écrase avec la main les morceaux qui échappent à l’instrument. On remet le tout sur le feu, en continuant de brasser sans interruption et vivement, l’ouvrier écrasant toujours à la main les morceaux qui viennent à la surface. Lorsque le tout parait réduit en une bouillie visqueuse, on ajoute la poudre de safran peu à peu, et en remuant en tous sens jusqu’à ce que la masse ait acquis la teinte désirée ; on donne alors un petit coup de feu pour terminer la cuisson. Dans ce coup de feu la température ne monte guère au-delà de 40 ou 45°. C’est par l’habitude et par le tact que l’ouvrier reconnaît que le caillé a perdu son élasticité, et qu’il a acquis une certaine viscosité ou disposition à s’agglutiner et à se réunir en masse ; on retire alors la chaudière du feu, on cesse d’agiter, et on laisse précipiter le fromage au fond du vase. Pour retirer ce fromage, on place au fond de la chaudière une toile sur laquelle on réunit le fromage, en procédant à peu près comme pour celui de Gruyères. Le fromage enlevé, on le laisse