introduit dans nos parterres tant de belles pivoines,
remarquables, les unes par leurs formes,
d’autres par leur odeur, toutes par la magnificence
de leur floraison, les horticulteurs,
amateurs ou commerçants, se sont empressés
de multiplier les pivoines arborescentes, et il
n’est plus permis à un pépiniériste qui s’occupe
des arbustes d’ornement, de ne pas leur accorder
une large place parmi les arbustes de collection,
immédiatement au-dessous des rosiers.
Les pivoines arborescentes se greffent avec la
plus grande facilité sur les tubercules de la pivoine
herbacée ordinaire. Ces greffes se font
au printemps ; elles passent l’été en plein air,
mais elles ont besoin de passer leur premier
hiver en orangerie ; les pivoines ligneuses sont
d’ailleurs par elles-mêmes des plantes susceptibles
de passer parfaitement l’hiver en pleine
terre sous le climat de l’Europe tempérée, avec
le simple secours d’une légère couverture pendant
les grands froids. On peut aussi les multiplier
de marcotte ; mais elles offrent, sous ce
rapport, une particularité très digne de remarque.
Les marcottes couchées au printemps, avec
ou sans incision, forment promptement des
racines fibreuses en assez grand nombre ; si,
comptant sur ces racines, on sèvre les marcottes
en les considérant comme enracinées, et qu’on
les cultive à part en leur donnant d’ailleurs tous
les soins possibles et le sol le plus convenable,
elles meurent. C’est qu’en effet la première année
elles ne sont enracinées qu’à moitié ; les
racines, d’abord fibreuses, sont destinées à devenir
charnues et à demi tuberculeuses ; elles
ne passent à cet état parfait que la seconde
année, après le couchage des marcottes ; elles ne
peuvent devenir charnues que tant qu’elles ne
sont pas séparées de la plante-mère et qu’elles
vivent en partie à ses dépens. On ne doit donc
les sevrer qu’à deux ans, bien qu’au bout de
six mois elles aient poussé beaucoup de racines.
Les croisements hybrides, pour obtenir des graines susceptibles de donner des variétés, ont presque toujours pour base la pivoine Moutan, c’est-à-dire qu’on réserve les sujets les plus beaux de cette pivoine comme porte-graines, après avoir fécondé leurs pistils avec le pollen des étamines de variétés différentes. Les graines se sèment au printemps, à bonne exposition, mais à l’ombre, dans une terre plutôt substantielle que légère i elles doivent être recouvertes de deux ou trois centimètres au plus de bon terreau, ou mieux, de fumier court très consommé. Le jeune plant pousse avec vigueur ; il ne craint qu’un excès d’humidité. En général, la pivoine n’a besoin d’eau que pendant la durée de la floraison ; hors de là, il ne faut l’arroser que quand la sécheresse trop prolongée compromet son existence. Les jeunes pivoines mettent ordinairement huit ans à montrer leur fleur ; on peut hâter la floraison des espèces nouvelles qu’on est toujours pressé de connaître, en les greffant sur tubercules d’autres espèces ; dans ce cas, elles fleurissent deux ou trois ans plus tôt.
C. — De quelques autres arbustes de collection.
Plusieurs autres arbustes de collection sont appréciés et recherchés des amateurs avec non moins de goût et de soins que les rosiers et les pivoines arborescentes ; tels sont en particulier les ericas et les camélias. Mais comme les premières appartiennent à la serre chaude et les seconds à la serre tempérée, tous deux sortent du domaine du pépiniériste proprement dit. Nous traiterons séparément ailleurs de la culture de ces deux genres intéressants.
Aux environs de Paris et des grandes villes, les pépiniéristes spécialement occupés de la multiplication des arbres fruitiers sont dans l’usage de multiplier également un assez grand nombre d’arbres et d’arbustes d’ornement parmi les genres et espèces les plus rustiques et les plus fréquemment demandes ; c’est ainsi que des semis assez étendus de robinias, de cytises, de lilas, de seringa et d’autres arbres ou arbustes d’ornement de même valeur, se rencontrent parmi les pépinières si renommées de Vitry-aux-Arbres. Les arbres fruitiers à fleur double forment, dans ces pépinières, la transition des arbres à fruit aux arbres d’ornement. Quelques-uns sont de la plus rare beauté, principalement le cerisier et le pécher, aujourd’hui peu recherchés des amateurs, auxquels ils se recommandent pourtant à l’égal de ceux qu’on leur préfere. Les vieux habitués des jardins publics de Paris se souviennent encore de les avoir vus décorés de pêchers nains à fleur double, dont les derniers, morts récemment de vieillesse aux Tuileries, n’ont point été remplacés ; leur fleur, d’une nuance admirable, précédant pour ainsi dire toute autre floraison, signalait le retour du printemps. Les arbres fruitiers à fleur double ont droit en France à une place distinguée dans les bosquets et les parterres ; on en trouve toujours quelques-uns dans les pépinières bien assorties, bien qu’ils soient rarement demandés.
CHAPITRE IV. — Taille et conduite des arbres fruitiers.
Lorsqu’on a parcouru les vergers des Belges, des Allemands, des Anglais, cultivés dans des conditions de sol et de climat généralement moins favorables qu’en France, on s’étonne et l’on s’afflige de voir chez nous, sauf de bien rares exceptions, les arbres à fruit tellement négligés que des régions tout entières n’offrent pas un seul fruit mangeable, tandis que dans d’autres, les arbres à fruit sont mutilés plutôt que taillés, ou bien, ce qui ne vaut pas mieux, abandonnés à eux-mêmes. La production abondante, le volume et la saveur du fruit, sont, si l’on peut s’exprimer ainsi, le résultat d’un système hygiénique imposé par l’homme aux arbres fruitiers ; la greffe, qui le force à vivre sur un autre arbre souvent d’un tempérament con-