Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/20

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8 HORTICULTIJKE, LIV. Mil. l’on plantait ensuite les arbres qui devaient couvrir les murs. Les grandes allées où devaient passer les voi- tures ont été tracées à 2^^10 de largeur, et les petites qui coupent les carrés n’avaient qu’un mètre de largeur. Toute la terre végétale a été mise en gros billons dans les carrés, et le sous- sol a été défoncé à un demi-mètre de profon- deur : les pierres et le sable ont été enlevés pour faire des chemins autour de l’abbaye , et enfin les terres végétales ont été remises à leur place ; mais tous les ans avant l’hiver on a eu soin de les relever en gros billons, i)our les ejcposer à l’action de l’air et de la gelée. C’est le meilleur moyen qu’on a trouvé pour les ameublir. Ce qui est à remarquer, c’est qu’on ne se servait (le pelles pour les labours que pour les plates- bandes, c’est-à-dire sur les racines des arbres ; partout ailleurs on employait la houe à deux dents, et ces dents étaient d’une longueur extra- ordinaire (undemi-mètre). Cet instrument parut dabord très dillicile à manier, mais on en prit une telle habitude qu’on en faisait tout ce qu’on voulait. Nous nous en servons aussi mainte- nant ici, et nous trouvons qu’il n’y a pas de comparaison à établir entre le labour fait avec la pelle et celui de la houe à longues dents, qui est bien supérieur, et même plus facile quand il s’agit, après l’hiver, d’étendre la terre qui avait été mise en billons à la fin de l’automne. Quant à l’engrais, on a acquis par l’expé- rience, à la Meilleraie, la certitude que le fumier ordinaire produisait peu d’effet pour les légu- mes ; aussi on n’employait dans les jardins que du terreau composé de vase d’étang, de feuilles d’arbres, de gazons, de terres légères prises sur les carrières, de joncs pourris et de bruyères mises à pourrir dans les basses-cours, de fu- miers des écuries et enfin de cendres de forges vieilles de plusieurs siècles. On faisait de tout cela un énorme tas qui , placé près d’une fosse où venaient se décharger des urines et des ma- tières fécales, en était tous les jours arrosé ; on le remuait aussi 3 ou 4 fois dans une année, pour opérer un mélange plus exact. Voilà l’en- grais dont on s’est toujours servi pour planter et ensemencer les jardins. Pour l’irrigation, on a fait venir l’eau de l’étang par des canaux, dans de vastes bassins dispersés de tous côtés. Outre ces canaux qui apportent les eaux de l’e- tang, une quantité d’autres canaux sillonnent les jardins en tous sens, afin de recevoir les eaux pluviales et de les jeter dans les autres canaux, sans qu’elles puissent séjourner dans les jar- dins. Le frère Simon regarde cette précaution comme essentielle pour la santé des arbres et la conservation des sucs fertilisants. Une autre précaution qu’on a prise pour les arbres c’est d’éviter de bêcher profondément sur leurs ra- cines. Les plates -bandes des grandes allées sont garnies de poiriers qu’on a eu soin de planter très jeunes et petiis , pour mieux les diriger en pyramides. Un C(n’don de chasselas règne le long des allées, à 0m,65 des arbres. Tout a réussi d’une manière prodigieuse ; les

produits des jardins de la Meilleraie ont été étonnants, jusqu’au moment des persécutions que cette maison a éprouvées en 1832. Quoique négligés depuis ce temps-là, les jardins sont encore si productifs que, l’année dernière, les religieux en ont retiré, après leur consommation, jusqu’à 8,000 fr. de la vente des légumes et des fruits. Notre frère Simon lira avec plaisir, comme moi, votre Traité d’horticulture. excusez la précipitation de ma lettre et veuillez bien recevoir l’assurance de mes respectueux sentiments,

F. Joseph-Marie, Abbé de la Trappe.



CHAPITRE II. — ENGRAIS ET AMENDEMENTS.

SECTION Ire. — Engrais.

Nous croyons superflu de répéter ici une théorie des engrais qui a été développée dans notre tome Ier, et que les progrès de la science physiologique rendraient bientôt incomplète, quand même nous pourrions lui consacrer assez d’espace pour l’exposer avec précision dans son état actuel. Personne ne conteste la nécessité de nourrir le sol par des engrais proportionnés aux productions qu’on en exige ; c’est le seul point de la théorie des engrais sur lequel tout le monde est d’accord ; c’est aussi le seul qu’il importe au jardinier de ne jamais perdre de vue. Souvent la terre n’est pour lui qu’un support donné au fumier qui, seul, fait vivre les plantes qu’il lui confie. Quelle que soit la richesse du sol qu’il cultive, le jardinier n’a jamais trop de fumier ; s’il travaille sur un sol maigre, il n’a jamais assez d’engrais ; sans fumier, il n’est pas pour lui de bon terrain ; avec du fumier, il n’en est pas de mauvais. Ce n’est point en jardinage qu’il faut s’arrêter à la dépense occasionnée par cet objet de première nécessité ; en dernier résultat, il n’est pas pour le jardinier d’avance plus productive. Les engrais dont nous allons passer en revue les principales espèces peuvent être, jusqu’à un certain point, suppléés les uns par les autres. Il ne faudrait pas se laisser détourner du dessein d’entreprendre une culture jardinière, faute d’un engrais évidemment mieux approprié que tout autre à la nature du sol, mais qu’on ne pourrait se procurer dans une localité déterminée. Ce qui importe, c’est d’avoir du fumier en abondance ; cette première condition remplie, il est facile d’aplanir bien des obstacles.

§ Ier. — Engrais végétal.

On ne peut dire au jardinier ce qu’on dit au fermier : faites vos fumiers chez vous ; si vous en manquez, c’est votre faute. Le jardinier, qui tout au plus emploie une ou deux bêtes de trait, ne peut obtenir chez lui la vingtième partie des fumiers dont il a besoin. Lorsqu’il lui est diffi-