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ENGRAIS ET AMENDEMENTS.


cile de se procurer en quantité suffisante les engrais plus ou moins animalisés, il peut tirer un grand parti de l’engrais végétal, avec si peu de dépense que souvent il n’a à débourser que sa peine, monnaie dont il ne doit jamais se montrer économe.

Le sol le plus stérile nourrit toujours une ou plusieurs espèces de plantes dont la substance décomposée fournit un engrais susceptible, dans bien des circonstances, de tenir lieu des engrais animaux. Toutes les fois que le jardinier peut ramasser dans son voisinage des plantes fraîches, n’importe lesquelles, et les enfouir avant qu’elles aient eu le temps de perdre à l’air libre leur humidité naturelle, il donne à sa terre un engrais sur les propriétés duquel nous ne pouvons trop insister, car on n’en a pas apprécié jusqu’ici la puissance quant à la végétation des plantes de jardin. Nous avons vu fréquemment, dans de grands jardins anglais, faucher, sans les utiliser, les longues herbes aquatiques qui garnissent le bord des pièces d’eau ; ces herbes grossièrement hachées avec le tranchant de la bêche, et enfouies, soit dans les planches du potager, soit dans les plates-bandes du parterre, pouvaient être utilisées comme engrais dans des terrains très secs, leur effet sur la végétation aurait même surpassé celui du fumier.

Lorsqu’un terrain neuf est destiné au jardinage, on ne peut lui donner, dans ce but, de préparation plus utile que de le défoncer, d’y semer à l’automne du colza assez serré, et d’enfouir ces plantes par un bon labour à la bêche à 0m,30 de profondeur, au moment où leurs premières fleurs commencent à s’ouvrir, vers la fin d’avril. Non-seulement le sol y gagnera un engrais qui le disposera à recevoir toute espèce de culture jardinière, mais encore il sera délivré de tous les insectes dont il pouvait être infesté, notamment des vers blancs ou turcs, pour qui l’âcreté particulière au suc des plantes crucifères en décomposition est un moyen de destruction infaillible. Il est à remarquer que ces plantes se détruisent très promptement dans le sol, et qu’en bêchant quinze jours ou trois semaines après les avoir enterrées, on n’en retrouvera pas de trace.

Lorsqu’on ne veut appliquer cet engrais végétal qu’à un terrain de peu d’étendue, on peut, si l’on se trouve à portée des bords d’une rivière, d’un étang ou d’un marais, faire ramasser au printemps des cardamines et des sisymbres en fleur ; ces crucifères, très communes, feront le même effet que le colza ; on n’omettra pas de les couper avec la bêche en les enfouissant. Les végétaux enfouis à l’état frais constituent l’engrais végétal pur proprement dit ; ils conviennent aussi bien au jardin fruitier qu’au potager et au parterre. Les arbres fruitiers et la vigne épuisés par l’âge, ou fatigués par une production surabondante, reprendront, grâce à cet engrais, une vigueur nouvelle. Quand même ces végétaux auraient crû sur le sol dans lequel ils doivent être enfouis, leur effet n’en sera pas moins sensible, parce qu’il s’appliquera, non à la couche superficielle aux dépens de laquelle ils auront vécu, mais à la couche plus profonde en contact avec les racines des arbres dont on voudra augmenter ou renouveler les moyens d’alimentation.

Une récolte de mais ou de lupins, obtenue entre les rangs d’une plantation d’arbres fruitiers en quenouille ou dans la plate-bande au pied d’un espalier, pour être arrachée au moment de sa floraison et enterrée toute fraîche sur les racines des arbres, influe puissamment sur leur fructification et contribue à prolonger leur existence. Elle n’a jamais, comme les engrais mêlés de matières animales en décomposition, l’inconvénient fort grave d’altérer plus ou moins la délicatesse et la saveur du fruit. Cette fumure, qu’on peut renouveler tous les deux ou trois ans dans le jardin fruitier sans effriter la surface du sol, pourvu que les plantes destinées à être enfouies ne viennent point à graine, ne coûte réellement qu’un peu de semence et de main-d’œuvre ; ses bons effets sont confirmés par l’expérience, quoique l’usage n’en soit pas aussi répandu qu’il devrait l’être.

Nous renvoyons à l’article des composts les engrais à base végétale, tel que l’engrais Jauffret et l’engrais Dubourg ; ces préparations ayant pour principe actif la chaux vive mêlée aux végétaux en décomposition, nous paraissent sortir de la classe des engrais végétaux, et même de celle des engrais proprement dits, pour rentrer dans celle des composts. Nous ajouterons que, parmi les plantes sauvages qu’on peut le plus facilement se procurer en grande quantité le genêt, l’ajonc et les herbages aquatiques sont les plus actives ; il suffira de les couper grossièrement en leur laissant encore 0m,30 à 0m,40, et de les enterrer immédiatement.

§ II. — Engrais animalisés.

De tous les engrais ayant pour base des substances animales, il n’en est pas de plus riches en principes actifs que le noir animal et la poudrette.

Noir animal. — Cet engrais ayant pour base les résidus de la clarification des sirops dans les raffineries, pourrait être d’une grande utilité pour le jardinage, quoique peu de jardiniers s’en servent jusqu’à présent, et qu’il reste exclusivement appliqué à la grande culture. Dans tous les terrains froids et argileux, ou maigres sans être excessivement secs, l’effet du noir animal dépassera l’effet de toute autre fumure. Les plantes crucifères, choux, choufleurs, navets, rutabagas, et les légumes-racines appartenant à d’autres familles, tels que la betterave et le scorsonère, prendront un développement rapide, sans rien perdre de leur qualité, sous l’influence d’une quantité même très médiocre de noir animal.

Cet engrais possède, comme la poudrette et tous les engrais pulvérulents en général, l’avantage d’occuper peu d’espace et de pouvoir être

horticulture.
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