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COUP D’ŒIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE.


paré avec infiniment plus de soin et de propreté. Nous sommes convaincus que la pomme de belle-fleur wallone, très grosse et très productive, serait pour nos vergers de Normandie une excellente acquisition, elle est moins sujette que toute autre aux attaques des vers et à l’action des derniers froids.

Parmi les plantations de pommiers de belle-fleur, il se trouve toujours quelques pommiers de court-pendu. Cette pomme plate comme un ognon et presque dépourvue de support, possède par-dessus toute autre la faculté précieuse de se garder un an et même deux sans se rider et sans rien perdre de ses qualités recommandables.

Quoique nous soyons trois degrés plus au nord que Paris, toutes les variétés d’autres fruits suit à noyau soit à pépins, ne le cèdent guère à celles que Paris tire de ses environs. C’est que partout où un pan de mur bien exposé peut recevoir un arbre à fruit, il est utilisé ; c’est ainsi que Bruxelles, Malines, Gand, et même Anvers sont fournies à bas prix de traits excellents parmi lesquels nous recommandons aux amateurs français la poire de calebasse et le beurré d’hiver, connu dans le pays wallon sous le nom de goulu-morceau. Tout le monde, connaît en France les succès obtenus dans la propagation des arbres fruitiers par M. Van-Mons à Louvain ; les jardins du duc d’Aremberg, à Enghien, sont aussi l’une des pépinières de l’Europe les plus renommées pour la perfection des variétés qu’on y crée fréquemment ; il suffit de rappeler le beurré d’Aremberg, aujourd’hui répandu dans toute la France, l’Allemagne et l’Angleterre ; il sort des pépinières d’Enghien. Le climat et le sol du Hainaut font de cette province, mais spécialement des environs de Tournay, le canton du nord de l’Europe où les fruits acquièrent le plus de volume et de saveur ; on se souvient qu’en 1816, la Société d’horticulture de Gand mettait au concours l’examen de cette question : Rechercher pour quelles causes les poires de toute espèce acquièrent aux environs de Tournay plus de volume, de couleur et de saveur que dans tout le reste des Pays-Bas ? Donnons, avant de quitter la Belgique, un souvenir aux religieux du monastère de Saint-Laurent, à Liège ; la Belgique leur doit la belle pèche de Saint-Laurent, soigneusement conservée sur sa terre natale ; ce n’est pas la pèche de Montreuil, sans doute ; mais c’est presque aussi bien, et pour le climat de Liège, c’est un tour de force. Les jardins de la Belgique exportent avec avantage sur les marches de Londres de grandes quantités de fruits d’une rare beauté ; Gand et Anvers ont plusieurs grands établissements dont les produits forcés, ananas, melons, pèches, abricots et raisin, sont presque en entier vendus à Londres a des prix contre la modération desquels les producteurs anglais ne peuvent soutenir la concurrence.

En traversant la Belgique de lest à l’ouest pour passer le détroit et visiter l’Angleterre, nous ne trouverons, sur une longueur d’environ 25 myriamètres de Verviers à Ostende, pas une ferme, pas une simple chaumière, qui n’ait son jardin d’une propreté coquette, entouré de baies vives d’aubépine ou de cornouiller, régulièrement taillées en forme de murs à angles vifs, à hauteur d’appui. Nous aimerions à voir plus généralement adopté en France ce mode de clôture suffisant pour protéger les produits du jardin, sans empêcher de communiquer avec les voisins, et surtout sans manger un espace énorme, comme les haies abandonnées à elles-mêmes. Dans les jardins de chaque presbytère, nous voyons croître à côté des plus beaux fruits et des meilleurs légumes quelques plantes médicinales d’un usage salutaire, secours souvent utile que le paysan belge est toujours certain de trouver chez M. le curé.

GRANDE-BRETAGNE.

Nous voici sur le sol de la vieille Angleterre, sur la terre classique des jardins paysagers. Chaque comté nous en offre plusieurs, grands comme trois ou quatre de nos communes de dimensions moyennes. Les dessinateurs de ces jardins, taillant en plein drap, ayant à discrétion l’espace et l’argent, ont exécuté de fort belles choses. Les scènes variées d’une belle nature, la fraîcheur incomparable du feuillage et des gazons ; le choix et l’assemblage des arbres et arbustes les plus précieux, disposés de manière à faire ressortir tous leurs avantages, voilà ce qui nous saisit d’abord dans les vastes jardins anglais. Nous admirons le parti que les jardiniers anglais savent tirer des beautés naturelles de chaque site, et des moindres ressources de chaque localité. Dans ces larges et belles créations l’emploi de l’art ne laisse rien à désirer, si ce n’est quelquefois quant aux fabriques répandues avec plus de profusion et surchargées de plus d’ornements qu’un goût sévère ne l’exigerait peut-être. En Ecosse et en Irlande, contrées moins favorisées de la nature que la fertile Angleterre, on rencontre souvent autour des parcs immenses des grands seigneurs, de grands espaces nus et dépouillés ; la misère est là tout près du luxe le plus splendide ; à côté d’une serre grande comme tout un village, il n’y a pas de village ; il y a le plus misérable amas de cabanes près desquelles la hutte d’un sauvage semblerait un palais. Connaissant la délicatesse de leurs maîtres, les jardiniers anglais savent, au milieu des contrées ou règne le plus affreux paupérisme, ménager les points de vue de manière à dissimuler tout objet propre à blesser les regards. Si l’œil découvre quelque pauvre et sale chaumière, c’est de si loin que sa laideur disparaît ; souvent même pour la faire contribuer à l’effet pittoresque du paysage on l’entoure d’arbres exotiques ; rarement on songe à la réparer ou à l’assainir.

Tout a été dit sur le mérite des jardins paysagers de la Grande-Bretagne ; c’est là qu’il