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liv. ier.
AGRICULTURE : OPERATIONS AGRICOLES.

tre propagé partout. Deux hommes coupent ainsi 400 mètres carrés de gazon par jour.

Un moyen qui me paraît avantageux pour conserver les digues dans les canaux à large dimension et à eau dormante, c’est celui qui a été employé sur le canal du Languedoc : une sorte de brise-lame en mottes de jonc (Juncus acutus), placé de 50 centimètres à 1 mètre en avant du talus. On dirait une bordure de jardin, tant elle est régulière et bien entretenue dans ce beau canal.

Nous ne parlerons pas ici des clayonnages et autres ouvrages analogues, quoique l’on soit obligé quelquefois d’y recourir pour la conservation des talus. Il en a été traité dans la section des Endiguages.

C. Entretien et conservation des digues.

Quand la terre des digues n’a pas une grande consistance, il convient d’empêcher les bestiaux de grande taille d’y passer jusqu’à ce qu’elles soient couvertes d’une végétation suffisante. On hâte ce moment par des ensemencemens et des plantations appropriées au terrain et au climat, quelquefois par des amendemens et des engrais, surtout par le parcage des bêtes à laine en temps opportun. Outre l’engrais, le parcage donne au sol un tassement précieux.

Souvent on a été obligé de revêtir les digues, en les construisant, d’un gazonnement, d’un nattage, d’un fascinage et même d’un pierré ; alors il importe plus que dans tout autre cas de veiller à ce que toutes les dégradations soient soigneusement réparées avant la saison des sinistres. Il faut en outre, en temps opportun, mettre en magasin, à portée des endroits les plus exposés, tous les outils et approvisionnemens qui peuvent être utiles au moment des accidens extraordinaires. Dans les polders des Pays-Bas, le long de l’Escaut, de la Meuse, du Rhin, du Zuiderzée, etc., on a toujours en réserve, auprès des digues, des magasins abondamment pourvus d’instrumens de terrassiers, de brouettes, de brancards, de piquets, de fascines, de clayons de roseaux, de paille, d’osier, et surtout de claies en bois toutes faites, analogues à celles qui forment les parcs des bergeries des environs de Paris, mais plus légères. Ces claies sont extrêmement utiles lorsque surviennent les coups de mer. La digue est-elle entamée par le batillage ? on y applique une ou plusieurs claies que l’on fixe avec des piquets ou des clayons : c’est assez pour diminuer et souvent empêcher tout-à-fait les corrosions. Après la tempête, on enlève les claies et l’on fait un remblai recouvert d’un nattage ou d’un fascinage, selon l’opportunité. Se fait-il une rupture ? avant qu’elle s’agrandisse on place verticalement une claie en dehors, une autre en dedans ; l’on forme ainsi un encaissement qu’on remplit promptement en terre, et la rupture est fermée. Enfin, désire-t-on traverser un large fossé ou un canal pour aller chercher des matériaux ou pour tout autre besoin urgent ? on met deux ou trois poutres en travers du fossé, et sur ces poutres des claies qui font en quelques minutes un pont de service très-solide pour les hommes, pour les animaux et même pour les petits chariots hollandais que j’ai vus y passer sans accident.

Ce qu’on ne saurait trop recommander, c’est de faire surveiller les digues par des gardes champêtres cantonniers, chargés de rétablir les portions endommagées par le bétail, de boucher les trous de renard, de lapin, et même ceux de taupes et de rats ; de réparer les moindres avaries ; d’empêcher tout dommage de la part des malveillans ou des maraudeurs ; d’avertir enfin les chefs de l’entreprise de tout ce qu’il leur importe de savoir pour la conservation, le perfectionnement ou la réparation des ouvrages confiés à leur surveillance.

Dans les Pays-Bas, on a de plus l’appui d’une législation sévère qui oblige tous les citoyens, sous les peines les plus graves, à se porter sur les points menacés au premier signal du danger.

D. Entretien et réparation des ouvrages d’art.

Dans un desséchement, il faut que toutes les parties soient toujours prêtes à fonctionner ; aussi doit-on tenir en bon état les ponts, les écluses, les vannes, et réparer sans délai les dégradations qui s’y manifestent ; faire remplacer soigneusement toutes les pièces qui dépérissent et qui ont éprouvé un dommage accidentel irréparable ; boucher tous les trous, mastiquer tous les joints de la maçonnerie ; repeindre à l’huile les bois et les fers ; graisser les serrures, les gonds, les charnières. Tous ces soins, en apparence dispendieux, produisent au bout du compte une économie considérable et assurent le service. Le garde cantonnier, plus spécialement chargé d’ouvrir et de fermer les écluses et les vannes, peut faire la plupart de ces réparations d’entretien.

ii. Moyen de pourvoir aux dépenses d’entretien.
A. Parti qu’on peut tirer des canaux pour l’irrigation, pour la navigation ou pour des usines.

Il peut se faire que les canaux creusés pour dessécher soient d’un niveau convenable pour arroser et convertir en prairies des propriété inférieures ; la vente de l’eau peut servir alors à payer une grande partie des frais de construction, à plus forte raison si ces propriétés inférieures appartiennent au dessiccateur. Il se peut aussi que ces eaux puissent servir à mettre en mouvement des usines. Le dessiccateur, avant de commencer, a dû calculer ces circonstances pour procéder de manière à en tirer le meilleur parti possible.

Le plus souvent l’eau a peu de pente ; alors il a dû s’efforcer de tracer ses canaux de desséchement de manière à ce qu’ils puissent servir à la navigation. Il est telle localité où cette combinaison peut rapporter l’intérêt de l’argent employé à leur construction. Si les canaux ne peuvent servir pour des étrangers, ils peuvent du moins être utilisés par le dessiccateur et faire un service important, lors même qu’ils sont fort étroits, tels que celui de Charleroi à Bruxelles, où des ba-