Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/250

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pouces les unes des autres, un homme et un cheval font 1 hectare et demi dans un jour, tandis qu’avec des houes à main il eût fallu au moins 20 personnes pour buter la même superficie.

L’instrument dont on se sert s’appelle butoir. Il y en a de différentes sortes ; tous doivent être sans avant-train, et portent un double versoir. Celui de M. de Dombasle (fig. 349) n’a ni sabots ni roulettes. Les deux versoirs tournent en avant sur un pivot qui a ses points d’appui sur l’âge et sur le sep ; celui-ci se termine par un soc en fer de lance. Les versoirs s’éloignent ou se rapprochent à volonté dans leur partie postérieure, et on les maintient à un écartement déterminé au moyen d’un régulateur horizontal placé sur l’étançon de derrière, et dans les trous duquel s’engagent des crochets fixés à la paroi interne et postérieure de chaque versoir.

La charrue à buter de M. Rosé (fig. 350), du prix de 55 fr., est construite à peu près sur les mêmes principes ; seulement chaque versoir à un pivot spécial. L’age repose sur une roulette à chappe. Je crois que l’addition de cette roue au butoir et à la houe à cheval est très-importante ; l’instrument marche avec plus d’assurance pendant son travail, et on ne risque pas de détruire beaucoup de plantes en tournant lorsqu’on est arrivé a la fin d’une rangée. Cet accessoire coûte fort peu, puisque toute montée cette roue à chappe ne revient qu’à 10 francs.

Pour le premier butage à la charrue on écarte beaucoup les versoirs et on prend peu de profondeur. Dans les opérations subséquentes on fait précisément le contraire, c’est-à-dire qu’on diminue l’écartement des versoirs et qu’on fait piquer l’instrument à une plus grande profondeur.

Le butoir est un instrument facile à diriger. On l’attèle ordinairement d’un seul cheval. Si le sol présentait trop de résistance, on pourrait en mettre deux à la file l’un de l’autre. Dans ce dernier cas un enfant est nécessaire pour conduire, tandis qu’avec un animal exercé un conducteur habile peut faire seul toute la besogne. Le butage a d’autant plus d’efficacité que l’instrument marche plus vite ; il faut par conséquent employer les chevaux ; les bœufs, toujours voraces et sans cesse affamés, se détournent et s’arrêtent continuellement pour manger les plantes qui les environnent. On ne remédierait que médiocrement à cette difficulté en les muselant ou en leur mettant un panier à claires voies, comme on le fait dans certaines contrées pour les mulets et les chevaux de somme.

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Art. ii. — Du terrage et du rouchottage ou riolage.

C’est une opération analogue au butage pour les résultats qu’on en obtient. Il est certaines récoltes qui demandent à être rechaussées pendant le cours de leur végétation, et qui poussent annuellement une couronne de racines lorsque le collet se trouve couvert de terre. Comme ces racines nombreuses s’étendent dans toutes les directions, elles ne peuvent souffrir l’action d’un instrument qui, pénétrant à une certaine profondeur, en détruirait la plus grande partie. Dans ce cas le terrain se divise par planches d’inégale largeur ; on ensemence celles qui ont le plus de superficie, les autres restent libres. Lorsqu’arrive l’époque du terrassement on fait passer une charrue ou l’extirpateur dans les plates-bandes afin d’ameublir le sol. On prend à la pelle cette terre ainsi pulvérisée et on la jette sur la planche où se trouvent les plantes à chausser.

Il est inutile de donner des indications sur le mouvement que décrit le bras de l’ouvrier pour la distribution uniforme de la terre ; l’exercice et l’habitude sont ici les meilleurs maîtres. Une précaution qu’on ne néglige pas impunément dans le ferrage, c’est de ne jeter la terre que lorsqu’il n’y a plus de rosée sur les plantes. Si le feuillage était humide, la terre s’y attacherait, empêcherait l’évaporation, et la réussite de la récolte serait compromise si une pluie ne survenait bientôt.

Cette opération se pratique non seulement sur la garance, mais sur les céréales et sur le colza. En Flandre, de 12 en 12 pieds, ou même moins, on creuse une rigole de la largeur et de la profondeur d’un bon fer de bêche, et la terre qui en provient est jetée sur le colza. On recommence la même opération au printemps, Cette pratique, nommée rouchottage, est fort vantée par les Flamands, qui l’emploient, non seulement pour le colza, mais pour toutes les plantes indistinctement. Le sillon est changé chaque année ; en sorte que dans l’espace de 10 ans toute la pièce a été défoncée à plus d’un fer de bêche.

Le terrassement ne se fait pas toujours avec des terres prises dans le champ même. On conduit sur les récoltes par un beau temps, des terres, des marnes, des composts, pour être répandus sur les plantes en végétation. Toutes les fois qu’on aura à sa disposition des décombres de bâtimens, des curures de fossés, des limons, des vases d’étangs, on ne pourra mieux faire que de les répandre sur les récoltes d’une végétation languissante.

Antoine de Roville.