Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/266

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simple et encore moins coûteuse, mais qui donne une moindre quantité d’eau ; les godets sont en fer-blanc, ont 0 mètre 2 de profondeur, et sont attachés au moyen d’une petite anse. Un seul homme met en action cette machine, qui est susceptible de trouver une multitude d’applications utiles dans l’agriculture, le jardinage et les arts.

Fig. 368.

3o La roue à bascule (fig. 308), que le courant lui-même fait mouvoir lorsqu’on a bien combiné le poids de la roue avec sa force. Les pignons de la roue sont portés à l’extrémité de 2 solives placées en équilibre et contenues par une cheville de bois fixée dans une muraille ; un poteau planté dans la rivière entre les 2 solives, sert à tenir la roue dans une position plus ou moins élevée, selon que les eaux de la rivière augmentent ou diminuent, ou que l’on veut faire agir la machine ou la tenir en repos : lorsqu’on veut élever la roue on charge l’extrémité des solives avec de grosses pierres, qu’on retire quand on veut la faire descendre dans le courant de l’eau.

Quelque utiles et ingénieuses que soient les machines propres aux irrigations, leur construction, leur entretien sont plus coûteux que l’arrosement qu’on opère par le moyen des canaux, lorsque les localités permettent une prise d’eau par leur entremise.

Nous ne parlerons pas ici en détail des arrosemens par le moyen des arrosoirs, des pompes portatives, des tonneaux. Ces procédés sont en général trop dispendieux pour être employés ailleurs que dans le jardinage. Il nous suffira de rappeler que nous avons déjà conseillé l’arrosement avec des engrais liquides, qu’on transporte et répand sur les champs à l’aide de tonneaux qui ont été décrits et figurés dans le chapitre des Engrais (V. ci-devant p.96, fig. 56 et suiv.).

Morin de Sainte-Colombe.

Section vi. — De quelques pratiques spéciales d’irrigation.

Dans l’art difficile des irrigations, les principes généraux ne suffisent pas toujours pour guider, et, d’une autre part, ils laissent souvent les personnes étrangères à de semblables travaux, dans la croyance qu’elles rencontreraient sur leur terrain des difficultés insurmontables. Il nous a semblé utile, sous ces deux rapports, de citer quelques-unes des pratiques d’irrigation les meilleures et qui avaient le plus d’obstacles à vaincre, en choisissant nos exemples en France. C. B.

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Art. ier. — De l’arrosement dans les Cévennes.

Les sources sont fort communes et fort abondantes dans les montagnes des Cévennes. Chaque hameau, chaque maison isolée a ses fontaines pour l’usage de ses habitans, et nulle part on n’en sent mieux le prix, comme je me propose de le faire voir.

Arthur Young a vanté les efforts prodigieux que l’on a faits dans les montagnes du Languedoc pour l’arrosement ; il dit que les travaux exécutés à Ganges et à St.-Laurent sont ce qu’il a vu de mieux en ce genre dans ses voyages, et il les propose comme modèles à ses compatriotes[1]. S’il était venu dans nos hautes Cévennes, il aurait certainement admiré l’industrie de ses habitans ; il aurait vu qu’ils arrosent tout ce qui est arrosable, et que s’ils laissent perdre un filet d’eau, c’est faute de terres pour l’utiliser.

Je pourrais citer des écluses faites à travers des rivières, des canaux creusés à grands frais dans les environs des villes, pour faire aller des moulins ou d’autres usines, dont l’eau, lorsqu’ils sont pleins, s’écoule par des saignées ou des rigoles, et pénètre les terres qui les bordent. Ainsi, à 1 lieue d’Alais, une digue traverse le Gardon, arrête et dirige ses eaux dans un canal de 3 à 4 mètres de largeur et d’un à 2 de profondeur, sur lequel sont établis 3 moulins à blé, des moulins à huile, des fabriques de soie et autres usines ; le trop-plein arrose des prairies qui bordent ce canal jusqu’à la ville. Auprès de Ners, est une autre digue et un autre canal qui font également marcher plusieurs moulins et arrosent toute la plaine de Boucoiran, etc. Quelques personnes assez fortunées font construire des conduites pour l’usage de leurs maisons, et pour arroser leurs jardins ; mais ces travaux ressemblent à ceux qu’on rencontre dans d’autres pays et dont les voyageurs ont parlé.

Les moyens d’arrosement que je vais décrire sont moins connus, et tout autre qu’un agriculteur ne trouverait pas peut-être qu’ils méritassent de l’être ; mais ceux à qui je m’adresse en sentiront l’importance. La plus grande simplicité, la plus stricte économie, voilà ce qui convient aux pauvres Cévennois ! Je veux prouver qu’avec peu d’art, et sans constructions coûteuses, ils tirent tout le parti possible de leur position, qu’ils entendent parfaitement, et pratiquent avec succès l’arrosement de leurs terres, qu’ils conduisent par tout où elle peut être utile l’eau de leurs fontaines, et qu’ils savent lutter contre les torrens dévastateurs, et retenir, du moins en partie, les terres que les pluies entrainent.

Les voyageurs qui traverseraient les Cévennes dans les mois les plus chauds de l’année, seraient bien agréablement surpris de trouver, au milieu des châtaigniers, entre des rochers arides, des vallons bien cultivés, plantés de mûriers, de cerisiers, de pommiers chargés de fruits ; des jardins remplis de légumes ; des prairies verdoyantes sur des pentes si inclinées qu’elles semblent suspen-

  1. Voy. en France de 1787 a 1790, t. I, p.126, t. II, chap. 6