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chap. ier.
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DE L’ÉLÉVATION.

vivaces se plaisent mieux aux lieux où la température et la lumière sont modérées pendant toute l’année, comme dans le voisinage des côtes, où la douceur du temps est due à l’influence de la mer, et la continuité de la lumière à l’absence ou à la courte durée de la neige. Dans le nord de l’Amérique et en Russie, où l’intensité du froid n’éprouve point de relâche durant tout l’hiver, et où le sol reste enseveli six ou sept mois sous une épaisse croûte de neige, toute la végétation herbacée périt.

Le froment, le seigle, l’orge, l’avoine, se cultivent avec profit, quoique la chaleur moyenne annuelle descende au-dessous de 2° centigrades, pourvu que la chaleur de l’été se maintienne entre 11 et 12°. L’orge, suivant Wahlemberg, donne en Laponie une bonne récolte partout où les mois d’été atteignent une température de 8 à 9° ; c’est pourquoi on trouve les céréales ainsi que les pommes-de-terre jusque dans les plaines de Lyngen, à 69° 1/2 de latitude, et, près de Munioniska, au 68° degré, mais à la hauteur de 116 toises. Dans la zone tempérée, par exemple à Edimbourg, le froment donne une abondante récolte, si, pendant 7 mois, du 20 mars au 20 octobre, la température moyenne est de 13° ; la chaleur moyenne de ce climat descend souvent à 10° 1/2 ; à 2° plus bas, l’orge, l’avoine et les autres céréales ne mûriraient pas. Dans les Alpes maritimes et auprès d’Alais, M. De Candolle a trouvé le seigle cultivé à la hauteur de 1100 toises, et le froment à celle de 900. Les diverses espèces de froment supportent difficilement les chaleurs de la plage équinoxiale. Cependant, par l’effet de causes locales particulières, non suffisamment observées, le froment se cultive dans la plaine de Caracasena, près de Victoria, à la hauteur de 270 toises ; et, ce qui est plus remarquable encore, dans la partie intérieure de l’île de Cuba, latitude 23°, près de Las Quattrovillas, dans une plaine peu élevée au-dessus de la mer. (Humboldt.)

Si, au contraire, l’élévation est considérable, elle exerce sur l’agriculture une influence rigoureuse ; elle oblige surtout l’agriculteur d’isoler son habitation, et de demeurer constamment au milieu de son exploitation ; c’est le cas de la Suisse et de la Norvège. En Suisse, les villages sont souvent situés à cinq mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Les maisons sont construites en bois, avec un toit saillant, et couvertes en ardoises, tuiles ou bardeaux. L’extrême division des propriétés fait que chacun est obligé de cultiver la sienne, et cette obligation entraine celle de la résidence. Les pommes-de-terre et l’orge peuvent être cultivées en Savoie à 4,500 pieds ; le fromage, le lait, un peu de maïs pour le potage, complètent la nourriture des paysans. La moisson, qui se fait dans les plaines à la fin de juin, n’est mûre dans les montagnes qu’à la fin de septembre. Dans les régions montagneuses de la Norvège, les habitations rurales ne sont point non plus réunies en corps de villages, mais elles sont éparses et bâties séparément sur le terrain que le propriétaire cultive. Elles sont faites en planches, et couvertes d’écorces de bouleaux ou de gazons (fig. 15).

Toute élévation abaissant proportionnellement la température suivant qu’elle s’éloigne du niveau de la mer, son influence se fait aussi proportionnellement sentir sur les plantes et sur les animaux. Trois cents pieds de hauteur sont regardés comme équivalant à un demi-degré de latitude, et causent une différence de température analogue. Il suit de là que l’agriculture des zones tempérées peut quelquefois être introduite sous la zone torride, et quelques-unes des montagnes de la Jamaïque peuvent contenir, de la base à leur sommet, presque toutes les plantes du monde. Sous la latitude de 50°, l’élévation de 600 pieds environ est la plus grande à laquelle on puisse cultiver le froment avec profit ; et même là, le grain sera très-léger, et mûrira souvent un mois plus tard que celui semé au bas de la montagne. Sir J. Sinclair considère la hauteur de 6 à 800 pieds, en Angleterre, comme le maximum d’élévation pour les espèces de grains les plus rustiques, et encore, dans les saisons tardives, le produit sera de peu de valeur, et se bornera à la paille. Quelques localités font exception à ces règles.

En Europe, le point des neiges et des glaces perpétuelles est à au moins 1500 toises environ au-dessus du niveau de la mer. Immédiatement au-dessous, se trouvent des pâturages couverts de neige 7 ou 8 mois de l’année ; viennent ensuite les mélèzes, au-dessous desquels croissent les sapins, les pins, les hêtres, les chênes, etc. Il faut à ces plantes un degré de chaleur et d’humidité très-peu variable. M. de Humboldt a donné un tableau intéressant et curieux des limites des neiges perpétuelles dans diverses contrées.

L’élévation au-dessus du sol environnant expose aussi les plantes, les animaux et les édifices à l’action des grands vents, et doit influer par conséquent sur la disposition des champs, des clôtures, des plantations, des bâtimens d’exploitation, aussi bien que sur les plantes et les animaux eux-mêmes. Dans certaines localités, elle influe sur la densité de l’air, la formation des nuages, l’abondance des eaux, et, sous ce rapport, elle peut modifier le caractère même des opérations agricoles. En Suisse et en Norvège, les fermes établies sur les montagnes supérieures se trouvent tout-à-fait au-dessus de la couche la plus épaisse des nuages, et ceux qui les habitent sont souvent des semaines entières sans apercevoir les plaines et les vallées qui sont à leurs pieds.