Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/277

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tures économiques, et notamment pour la culture si importante des diverses plantes fourragères, une semblable disposition. — A la vérité, on sait que les rosées sont plus abondantes dans les pays chauds que dans le nord, mais il est démontré par des faits positifs que dans aucun cas elles ne peuvent suppléer aux pluies, du moins dans nos régions ; d’ailleurs, il est de fait qu’elles deviennent moins fortes en juillet et août, mois pendant lesquels on en aurait le plus besoin dans le midi de la France.

J’ai déjà eu occasion de dire ailleurs (voy. l’art. Labours) combien ces circonstances réunies apportent de difficultés dans les travaux de préparation des terres. — Dans les climats à pluies d’automne, le printemps est une saison sèche ou à pluies fort irrégulières ; les semis de mars y étant d’un succès on ne peut plus incertain, les blés trémois y sont à peu près inconnus. — Les blés d’automne y croissent au contraire fort bien. Si leur végétation est quelquefois contrariée par le défaut de pluie au printemps, elle est rarement entravée par des brouillards lors de la floraison ; par l’effet des vents et du soleil, la paille acquiert une force qui la rend peu sujette à verser ; aussi voit-on assez fréquemment des exemples de fécondité bien rares dans les pays à pluies d’été, parce que la tige ne pourrait y soutenir des épis aussi chargés sans se coucher entièrement. Cependant, dans l’état actuel de cette culture qui deviendrait bien plus avantageuse si, à l’aide de récoltes jachères, on pouvait augmenter la masse des engrais et entretenir le sol dans un état d’ameublissement plus parfait, on ne peut se dissimuler que le midi serait pauvre si elle y existait seule. Aussi dans beaucoup de lieux n’occupe-t-elle qu’un rang en quelque sorte secondaire à côté de l’olivier, de la vigne et même du mûrier. — Le premier de ces végétaux offre une des manières les plus avantageuses d’utiliser les terrains d’une nature médiocre ; — le second, qui ne couvrait d’abord que les coteaux les plus favorables à la production du vin, s’est peu-à-peu étendu à la plaine, surtout depuis que l’art de la distillation a fait de nouveaux progrès. Les vins de table sont récoltés en grande partie sur les terrains pierreux et caillouteux ; ceux à eau-de-vie, dans les fonds gras et fertiles où l’abondance supplée à la qualité. « C’est ainsi, dit M. de Gasparin, que la vigne s’est étendue sur une grande surface, destinée auparavant à la culture des grains qu’elle a remplacés avec avantage. La quantité d’engrais s’est trouvée réduite, les vignes pouvant même s’en passer tout-à-fait ; la sécheresse n’a plus été regardée comme un fléau avec ce robuste végétal, qui va puiser si profondément les sucs et l’humidité de la terre ; les cultures d’hiver de la vigne se sont bien associées avec celles des terrains à blé environnans et ont offert un utile emploi de temps aux ouvriers des pays qui ne cultivaient que le blé, et qui étaient oisifs dans cette saison. La récolte qui tombe également avant les semailles, a donné les mêmes avantages… La sécheresse de nos étés favorise la maturité et ne nuit pas à la quantité ; les pluies ne surviennent guère qu’après les vendanges, et elles ne sont jamais assez continues pour qu’on ne trouve toujours le temps de les faire ; les produits, surtout ceux des vignes à eau-de-vie, s’écoulent facilement et sont payés comptant au moment de la livraison, ce qui permet de réaliser sur-le-champ la rente de l’année ; enfin, il n’y a plus de jachère, beaucoup moins de cultures, et le produit net des vignes, dont l’exploitation est aidée par tous les progrès des sciences physiques appliquées à l’art de la distillation, est plus considérable que celui des terres à blé, soumises encore à l’ancienne routine. Dans les régions à pluies d’été, une culture aussi simple serait impraticable[1]... » — Le mûrier s’est aussi emparé, depuis une quinzaine d’années surtout, de l’intérieur des champs dont naguère il ne formait que la bordure[2] ; ses produits sont, selon la réussite habituelle des vers-à-soie dans les différens cantons, ou supérieurs ou égaux à ceux de la vigne, et sa multiplication paraît cependant à peine proportionnée aux besoins croissans de la consommation.

Parmi les plantes herbacées la garance est une de celles dont la culture se lie le mieux à toutes les convenances agricoles du midi. Elle s’associe très-bien au blé, remplit l’intervalle de repos qui est nécessaire à la terre pour devenir susceptible d’en porter avantageusement de nouvelles récoltes, et donne ainsi les moyens d’établir un assolement régulier. Malheureusement, si elle réussit parfaitement dans les terrains légers et profonds du bassin central de Vaucluse, grâce aux infiltrations naturelles de la Sorgues ; sur les bords de la Durance, et dans quelques autres lieux dont la position particulière combat et détruit les effets du climat, il ne peut en être partout ainsi. — Le safran n’occupe qu’une faible étendue de terrain. C’est plutôt un produit de petite que de grande culture. — On peut en dire autant du chardon à bonnetier, quoique cette plante, très-lucrative et qui résiste bien à la sécheresse, ait gagné du terrain depuis quelques années, — Le chanvre est d’une certaine importance pour plusieurs parties des départemens de la Haute-Garonne, du Tarn, du Gers, etc. Mais autant au moins que la Garance, il exige des terrains de choix. — Enfin, il est encore un petit nombre de végétaux propres aux arts, dont on peut obtenir des récoltes avantageuses dans quelques localités privilégiées, sans qu’aucun présente une ressource générale pour les assolemens du midi. Les uns ne peuvent résister aux chaleurs printanières et estivales ; les autres exigent plus d’engrais qu’on ne peut leur en donner dans des contrées où les herbages naturels offrent la principale, presque la seule ressource pour la nourriture des bestiaux.

Le grand problème serait donc de trouver des plantes fourragères qui pussent s’accommoder au climat. Partout où l’on a pu le résoudre à l’aide des irrigations ou de toute

  1. Ce que dit ici M. de Gasparin s’applique surtout au Bas-Languedoc.
  2. Principalement en Dauphiné et en Lauguedoc.