Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/420

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France, fondé de grandes espérances sur une variété de riz sec, provenant de la Cochinchine, envoyée à la même époque par Poivre en Europe, et mise en vogue par A. Thouin ; on prétendait qu’elle pouvait être cultivée sans inondations dans les terrains frais. Malheureusement, les essais tentés de divers côtés, et ceux que nous avons faits en Piémont ont démontré que cette variété est une plante aussi aquatique que l’espèce à laquelle elle appartient, et qu’elle ne peut fructifier sans l’intervention de l’eau. On sait en effet que les variétés de riz sec de montagne de l’Asie, particulièrement de la Cochinchine, ainsi que de Madagascar, ne prospèrent, sans être inondées, que dans les pays et aux époques ou les moussons procurent des pluies continuelles et constantes. Le grain obtenu, en cultivant ce riz comme le riz humide, nous a paru plus dur et par conséquent d’une cuisson plus longue.

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§ ier. — Usages du riz.

Les usages du riz sont nombreux et variés. L’analyse chimique y a fait reconnaître une quantité considérable de fécule, environ 96 pour cent ; aussi ce grain est-il l’une des substances les plus nutritives, et, pour une grande partie des peuples de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, il est d’une importance égale il celle du froment pour les habitans de l’Europe. L’analyse nous a prouvé que le riz cultivé en Europe offrait plus de principes nutritifs que le riz exotique ; il est moins blanc, mais plus savoureux.

Le riz seul ne parait pas susceptible de panification, et la manière la plus ordinaire de le consommer consiste simplement à le faire ramollir et gonfler dans de l’eau bouillante ou à la vapeur ; on le mange en cet état, soit seul et assaisonné avec quelques sels ou épices, ce que les Orientaux nomment pilau, soit mélangé avec les autres substances qui composent le repas ordinaire.

M. Arnal a récemment fait valoir les avantages qu’il y aurait à mélanger un septième de riz réduit en farine, avec la farine de blé destinée à la préparation du pain, et il a trouvé qu’en composant la pâte de 12 livres de froment, 2 de riz et 13 d’eau, on obtient 24 livres d’un pain excellent, très-nutritif et d’une blancheur parfaite, tandis que 14 livres de farine ne donnent habituellement aux boulangers qu’environ 18 livres de pain.

En Europe, on mange aussi le riz bouilli, mais on en prépare surtout une foule de potages, de gâteaux et de mets sucrés excellens. — On sait que la décoction des grains du riz est très-employée en médecine dans les dyssenteries et comme boisson très-salutaire. — Dans quelques pays, on en nourrit la volaille. — En Chine, ce grain, soumis à la fermentation et à la distillation, fournit une liqueur spiritueuse appelée arack, et au Japon, une sorte de boisson vineuse nommée facki. — Enfin, les Chinois en composent une pâte qui acquiert une grande dureté, qui se moule comme le plâtre, et avec laquelle ils font divers petits ouvrages de sculpture et de modelé.

La balle du riz, que les Piémontais nomment bulla, se donne aux chevaux après l’avoir légèrement mouillée, mais c’est une médiocre nourriture. — Quant à la longue paille, on n’en peut faire que de la litière pour les bœufs ; aussi en laisse-t-on souvent une bonne partie pour l’enterrer dans le sol. — Nous ne parlerons pas de l’emploi du riz pour la préparation des chapeaux et tissus appelés dans le commerce paille de riz, car on sait qu’ils sont confectionnés avec le bois de diverses espèces d’osiers et de saules, ou d’autres arbres à bois blanc. — Quant au papier de riz, il est fait avec les tiges de l’Œschynomène des marais (Œschynomene paludosa, Roxb.), plante de la famille des légumineuses, qui croit abondamment dans les plaines marécageuses du Bengale.

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§ ii. — Exploitation et insalubrité des rizières.

Il est bien constaté que la culture du riz ne prospère que sur les terrains qu’on peut inonder à volonté, ou dans les contrées soumises à des pluies régulières et abondantes. C’est ainsi qu’elle est pratiquée, quoique avec des modifications particulières, en Chine, au Japon, dans les Indes et les îles de l’Asie ; en Égypte et autres parties de l’Afrique ; aux Etats-Unis d’Amérique, notamment dans les Carolines, qui produisent du riz en abondance, et en fournissent une grande quantité au commerce européen ; enfin, en Europe, dans le Piémont et la Romagne, et en Espagne, partout où les cours d’eau sont nombreux et abondans, et où il est par conséquent facile d’inonder les champs de riz. Dans un grand nombre de localités, et surtout aux Indes, en Chine et au Japon, on cultive le riz sur des terrains où l’eau ne viendrait pas naturellement, et on l’y amène par des canaux d’irrigation, en l’élevant au moyen de machines.

La culture du riz a été essayée avec succès dans plusieurs parties de la France, en Provence, dans le Forez, le Dauphiné, la Bresse, en Languedoc et dans le Roussillon, et, de nos jours, aux environs de la Rochelle par madame du Cayla. Mais elle a été abandonnée, à cause des maladies meurtrières qui l’accompagnaient, et qui portèrent le gouvernement à l’interdire formellement. Ces ordonnances, quoique sans application depuis un très long temps, n’ont point été abolies : en sorte qu’on peut se demander si la culture du riz pourrait être rétablie en France de nos jours, sans l’intervention de l’autorité législative. En Espagne, elle avait été aussi proscrite sous peine de mort ; mais cette défense est tombée en désuétude ; cependant il est encore défendu d’établir des rizières, si ce n’est à la distance d’une lieue des villes. En Amérique, comme en Italie et en Piémont, la culture du riz est soumise à diverses mesures restrictives, qui ont pour but de diminuer les fâcheux effets de son insalubrité, dont il est facile de se convaincre en observant les visages livides. pâles et bouffis des habitans, et en remarquant que des fièvres intermittentes y règnent presque toute l’année. Dans ces derniers pays même, où l’influence délétère des rizières est en partie dissimulée par leur mode d’exploitation, si l’on écoutait les vœux des amis de l’agriculture et de l’hu-