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chap. 19e.
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DES INSECTES NUISIBLES EN AGRICULTURE.

La grandeur et la puissance des animaux, de l’homme lui-même, ne les mettent point à l’abri des insultes des moindres races, et le chétif Cousin suffit pour tourmenter ce roi du monde. Aucune race n’est plus importune sous tous les climats ; car il n’est point de relation de voyages qui n’entretienne des insupportables cuissons causées par les nuées inévitables des Moustiques et maringouins (Culex pipiens et pulicarius), non seulement sous les climats brûlans, mais jusque sous les cieux glacés des Lapons et des Esquimaux, et non pas uniquement pour la peau nue de l’homme, mais pour les bestiaux qui ne peuvent se soustraire à leurs dards acérés et brûlans. Il y a plus : d’autres moustiques encore plus petits et noirs se multiplient sous les humides ombrages des forêts ; décrits sous les noms de Rhagio par Fabr., et de Simulium par Meigen, leur piqûre imperceptible est tellement fatigante lorsqu’ils pénètrent même dans les parties génitales si sensibles des bestiaux, qu’ils excitent une sorte de rage et jettent ces animaux dans des états convulsifs de fureur qui les font périr.

On sait quelle frayeur causent les Taons, Tabanus bovinus,etc. (Taon des bœufs, fig.766), à des troupeaux de bœufs ; ils les mettent en fuite. Une espèce appelée tsaltsalya en Nubie, est redoutable même au lion, et poursuit les hommes avec férocité. Une autre espèce, le Chrysops cæcutiens,s’attaque aux yeux des chevaux et les aveugle au milieu des campagnes sans qu’ils puissent retrouver leur chemin.

Joignons à ces insultans Diptères tant d’autres espèces piquantes, le Stomoxe (Stomoxe piquant) (fig. 767), le ConopsCalcitrans,Conops rufipède (fig.768), qui, suçant le sang des jambes à l’homme, dans les temps orageux, et surtout aux bestiaux, ne leur laisse aucun repos jour et nuit ; et ces Syrphus qui ressemblent à des bourdons velus, dont la seule approche, annoncée par la sibilation de leurs ailes vibrantes, fait frissonner toute la peau du corps qu’ils menacent.

Les plus dangereux des Diptères Athéricères sont les Œstres, sans contredit. Leur famille semble instituée pour vivre dans la peau et le corps même de nos bestiaux, le bœuf, le cheval, l’âne, le chameau, le mouton, le renne (Œstre du renne (fig.769). le cerf, les antilopes, le lièvre, ou la plupart des herbivores ; l’homme lui-même n’en est point exempt en Amérique. Le genre entier des Œstrus présente l’aspect d’une grosse mouche velue, dont les poils colorés par zones imitent ceux des bourdons ; ils ont les ailes grandes ; les femelles portent à l’extrémité de leur abdomen un stylet perçant, composé de plusieurs lames pour ouvrir la peau dure d’un animal, et pour y faire pénétrer des œufs qui doivent s’y changer en larve rongeante ; ces larves, en effet, creusent leur nid dans les tissus cellulaires, pompent les sucs et forment une sorte de cautère naturel sur le dos des bestiaux, qui ne peuvent s’en garantir, et à tel point que des oiseaux du genre Buphaga viennent en quelques pays extraire avec leur bec ces dangereuses larves. M. Clark, savant vétérinaire anglais, qui a fait un ouvrage sur ces œstres, en énumère trois familles d’après le lieu d’habitation qu’elles choisissent sur les bestiaux. Les œstres qui vivent sous la peau y forment des tumeurs ou bosses remplies de pus dont ils s’engraissent ; tels sont les cuticoles purivores ; ceux qui s’insinuent dans le nez, les sinus frontaux et l’arrière-bouche ou pharynx, comme chez le mouton, sont les cavicoles lymphivores ; enfin ceux qui, déposés vers l’anus du cheval, ou pénétrant par les voies digestives jusque dans l’estomac et autour du pylore, sont les gastricoles chylivores: il est à remarquer que la nature a donné à ces larves, non des pattes, mais des poils épineux qui leur permettent de s’accrocher aux intestins des bestiaux ; elles ne se laissent expulser, avec les excrémens, qu’à l’époque de leur dernière métamorphose, pour se reproduire dans une vie libre et extérieure ; en ce dernier état, ces œstres ne mangent point. On les trouve fréquentant les bois et les pâturages ; ils font quelquefois entrer leurs œufs par centaines dans un animal qui n’en périt pas ; cependant Valisneri et d’autres auteurs ont attribué aux œstres des accidens graves et même des causes d’épizootie. Les œstres du lièvre et d’autres rongeurs appartiennent au genre Cutebera.

Après ces insectes, il en est sans doute de moins dangereux, les Tanystomes ou Asilus (A. crabriformis et A. forcipatus), les Anthraxdont la piqûre inflammatoire cause une sorte de furoncle ou charbon ; les Volucella, les Mulio, les Empis, les Bombylius, des Nemotelus, etc. Toutefois, il n’en résulte que des tourmens passagers, comme on pourrait le dire des Bourdons et Guêpes ; mais il est une autre classe plus dommageable.

Les anciens ont appelé Bupreste l’insecte auquel ils attribuaient la mort ou le gonflement des bœufs quand ils l’avalaient. Ce n’est point notre genre Bupreste qui produit cet accident attribué plutôt de nos jours à une sorte d’empansement ou d’enflure, d’indigestion d’herbes et contre laquelle on a préconisé l’emploi du vinaigre ou du sel ; mais il parait vraisemblable que des insectes vésicans, tels