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chap. 19e.
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DES INSECTES NUISIBLES EN AGRICULTURE.

lement le froment, mais aussi le seigle et l’avoine. Petites, elles creusent le grain et s’y cachent ; grandes, elles le rongent entièrement. Dès l’épi, dans les champs, elles ont déjà parfois ravagé le grain, et le seul secouement des gerbes en fait tomber plusieurs, qui se dérobent aux intempéries et au froid sous les fumiers ou les mousses. Elles passent l’hiver engourdies, se transforment en nymphes au printemps, et restent environ 2 mois en cet étal avant de devenir papillons-teignes parfaites. Dans les greniers, la fausse-teigne réunit plusieurs grains de froment au moyen d’un petit cocon de soie blanche ; elle se blottit dans ce fourreau imparfait, en rongeant les grains de blé et rejetant ses excrémens sous forme de points ronds, blanchâtres.

Pour se former en chrysalides, ces vers du blé abandonnent leur coque ou fourreau, rampent le long des poutres ou des planches des greniers, s’y suspendent par la région postérieure du corps, et sans manger, dans cet état presque immobile, elles parviennent à se développer en papillons.

Il est plus facile, en agitant souvent les tas de blé, de diviser les coques de ces fausses-teignes et de froisser ou faire périr leurs larves, que pour celles de l’alucite. On peut aussi, lorsque ces vers montent hors des tas, les écraser ou balayer ; ces soins répétés peuvent en détruire beaucoup ; mais déjà à cette époque, leurs ravages sont terminés ; à l’état de nymphe et de papillon, en effet, ni les alucites ni les fausses-teignes ne prennent aucune nourriture. Seulement, il importe beaucoup de détruire toujours ces insectes, puisqu’ils multiplient si abondamment ; ils se tiennent de préférence dans l’obscurité, et peuvent, d’après ce que Duhamel-du-Monceau et Tiller ont observé, avoir plusieurs générations chaque année. Les uns comme les autres déposent leurs œufs, tant sur les épis dans les champs, que sur les grains de blé entassés dans les greniers, en sorte qu’il n’y a guère d’interruption que pendant l’hiver. Cependant la fausse-teigne se plait davantage dans les greniers, à l’état de papillon, et s’en écarte moins que ne le fait l’alucite.

Plusieurs Sociétés d’agriculture ont proposé des prix en faveur des meilleurs moyens pour détruire ces malfaisans insectes, soit qu’ils attaquent le blé en gerbes, soit qu’ils pénètrent dans les tas de blé des greniers. La chaleur d’une étuve ou d’un four avait paru, à Duhamel et Tillet, le plus sûr procédé pour faire périr ces insectes, et assurément il est efficace, mais dispendieux et capable d’altérer le germe du blé, si la chaleur dépasse 50° R. ; quand il ne s’agit que du blé destiné à la consommation il n’en résulte aucun inconvénient. Cependant le prix du combustible nécessaire pour obtenir cette chaleur dans de grandes quantités de blé, doit être mis en comparaison avec les ravages causés par ces teignes. MM. Marcellin Cadet De Vaux et Terrasse Desbillons ont imaginé récemment deux sortes de brûloirs, plus grands que ceux pour rôtir le café, et propres à chauffer les blés attaqués. Ces sortes de moulins insecticides (ainsi nommés) exigent aussi de la main-d’œuvre pour introduire et retirer les blés de ces machines et entretenir le feu. Les blés en gerbes ne peuvent être soumis à ces manipulations, il faut les battre auparavant.

Quant à l’emploi d’un froid vif pour tuer ces insectes, M. Denarp, et Peneau pharmacien ont constaté qu’une gelée de 6 degrés sous 0 pendant deux nuits a fait périr les alucites et les fausses-teignes, soit leurs œufs, soit leurs larves et leurs insectes parfaits. Mais cette méthode ne peut pas facilement s’obtenir à volonté, même dans des glacières. Cependant un froid moindre suffirait pour engourdir et paralyser ces insectes, et le moyen n’est point à dédaigner. Il prouve que les grandes ventilations ne sont pas non plus sans utilité.

Nous ne nous étendrons point sur d’autres moyens illusoires, comme celui de placer des toisons ou des peaux de moutons sur les las de blé, dans l’espoir que les fausses-teignes y accourront de préférence pour les ronger et qu’on pourra les y tuer sans difficulté. En effet il faut être peu instruit en histoire naturelle pour ne pas savoir que les mœurs des teignes du blé, aimant la substance farineuse, sont tout autres que celles des teignes des pelleteries qui préfèrent les substances animales, et qui appartiennent à des espèces fort différentes.

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§ iii De la Cadelle ou Trogossite mauritanique.

Cet insecte, causant, parmi nos départemens méridionaux, de grands dégâts, surtout à Nîmes, à Montpellier, et à tout le commerce des grains de l’ancien Languedoc, il mérite une attention spéciale. Sa larve blanchâtre, longue d’environ 8 lignes, a une tête écailleuse brune et une tache sur chacun des trois premiers anneaux. L’abdomen est terminé par deux crochets bruns. Cette larve, analogue à celle des boulangers, qui lui est congénère, ou du Ténébrion de la farine (Ten. molitor) dont on nourrit les rossignols, est plus petite. La Cadelle ou Cenegra paraît avoir été apportée d’Alger, avec les blés de Barbarie, car Linné dit avoir reçu de ces pays l’insecte parfait, par son disciple E. Brander ; c’est pourquoi il lui donna le nom de Tenebrio mauritanicus. Ce ténébrion, qu’on nomme panetière dans le Midi, entre quelquefois dans le pain et en dévore la mie jusqu’à la croûte, sans qu’on aperçoive par où il y a pénétré. Pour s’assurer que les larves dites cadelles viennent bien du même insecte, Dorthès en renferma dans une bouteille avec du blé ; elles vécurent jusqu’à l’hiver, mais ne purent s’y transformer eu chrysalide et en insecte. Il s’aperçut que ces larves avaient besoin, pour leur métamorphose, de s’enfermer dans la terre. Alors elles y ont donné le Ténébrion ailé, noir en dessus, brun en dessous du corps, lequel est lisse et plat. Sa tête, armée de fortes mâchoires, est finement pointillée, ainsi que son corselet : celui-ci est échancré en croissant pour s’adapter à la tête, avec des pointes aiguës de chaque côté. Les élytres ou étuis de ses ailes, brunes, sont striés et arrondis. L’insecte porte environ quatre lignes de lon-